L’une des conséquences directes du réchauffement climatique est la fonte rapide et massive des glaces de l’Arctique. Or, ces étendues glacées jouent un rôle essentiel sur Terre : elles réfléchissent une partie de la lumière solaire reçue dans l’espace, permettant ainsi de réguler la chaleur planétaire. Cependant, avec l’augmentation croissante des taux atmosphériques des gaz à effets de serre, les températures augmentent, entraînant une fonte toujours plus importante des glaces, qui peuvent de moins en moins renvoyer de lumière solaire, et un cercle vicieux s’installe ainsi. Pour remédier à cela, l’association internationale Ice911 propose de recouvrir certaines zones clés de l’Arctique de microsphères de silice, qui joueraient ainsi le rôle de réflecteurs solaires.
L’Arctique fond à une vitesse sans précédent : la glace du Groenland disparaît six fois plus vite qu’il y a quatre décennies. En août, la calotte glaciaire a perdu 60 milliards de tonnes en seulement cinq jours de dégel estival. Au cours des quatre dernières décennies, 75% du volume de la glace arctique a été perdu. L’étendue actuelle de la banquise est la deuxième plus basse depuis les scientifiques ont commencé à suivre l’évolution de la situation en 1979.
En plus de faire monter le niveau de la mer, cette fonte contribue de manière significative au changement climatique, car la glace arctique réfléchit la lumière du Soleil dans l’espace. Donc, moins de glace signifie moins de chaleur évacuée hors de la planète, entraînant une fonte toujours plus importante.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Recouvrir l’Arctique de microsphères en silice pour réfléchir la lumière solaire
Ice911, une association à but non lucratif, offre une solution potentielle à cette boucle de rétroaction menaçante : le groupe a proposé de recouvrir des parties clés de l’Arctique de millions de microsphères de verre creuses pour former une couche protectrice qui réfléchirait la lumière solaire et isolerait la glace. « Nous sommes une espèce créative et nous devons ralentir le changement climatique » déclare Leslie Field, fondatrice de Ice911.
Les petites sphères développées par Ice911 ressemblent davantage à des grains de sable qu’à des perles. Elles sont fabriquées à partir de silice, un composé de silicium et d’oxygène, parce que ce matériau est abondant dans le monde et inoffensif pour l’Homme et les animaux. En un sens, le matériau ressemble beaucoup à la neige. Les billes réfléchissantes adhèrent à la glace et à l’eau au contact et leur composition chimique leur permet de ne pas attirer les polluants à base d’huile.
Les simulations effectuées par Ice911 suggèrent que l’utilisation de la technologie pour restaurer la réflectivité de la glace pourrait contribuer à abaisser les températures de 1.5 °C sur une grande partie du nord de l’Arctique. Mais jusqu’à présent, la technologie en est encore à la phase de test sur le terrain. Field indique que Ice911 avait débuté avec une très petite expérience sur la terrasse de sa propre maison, puis avait mené de petits tests dans un lac des montagnes de la Sierra Nevada et dans un étang du Minnesota.
Enrayer la disparition de la banquise en seulement trois ans
Au cours des deux dernières années, Field et ses collègues ont apporté les microsphères dans l’Arctique, où elles ont été répandues sur un lac gelé près d’Utqia Utvik (Barrow), en Alaska. Les résultats, dont certains ont été rapportés dans une étude de mai 2018, suggèrent que les billes de silice ont effectivement augmenté la réflectivité et l’épaisseur de la glace.
Field ne veut cependant pas couvrir les 1.6 million de kilomètres carrés de banquise arctique avec des billes. Au lieu de cela, son équipe utilise des modèles climatiques pour identifier les zones stratégiques de l’Arctique où les microsphères pourraient avoir un impact maximal. L’une de ces zones est le détroit de Fram, situé entre le Groenland et Svalbard. Cette région se réchauffe presque quatre fois plus vite que la moyenne mondiale.
Field pense qu’en trois ans, la technologie d’Ice911 pourrait être utilisée pour enrayer la disparition de la banquise. Mais elle estime que la dispersion des microsphères coûterait environ 5 milliards de dollars américains. « Quand vous regardez ce coût, c’est énorme. Mais le coût de ne rien faire est de loin supérieur ». Pour le moment, Ice911 doit encore effectuer plus de tests et obtenir les autorisations nécessaires des gouvernements et des groupes environnementaux avant d’envisager un déploiement à grande échelle.
Sur le même sujet : Réchauffement climatique : plus de la moitié de la glace permanente de la banquise arctique a disparu
Fonte des glaces arctiques : une situation alarmante pour le climat
Tous les mois de septembre, la banquise arctique atteint son étendue minimale. Depuis les années 1980, ce minimum a diminué d’environ 13% par décennie et le déclin s’accélère. En 1979, la banquise arctique couvrait environ 7 millions de kilomètres carrés. Le mois dernier, son étendue avait chuté à 4.3 millions de kilomètres carrés.
Selon les données de la NASA, cette année est à égalité avec 2007 pour la seconde plus basse étendue de glace jamais enregistrée. La pire année a été 2012, lorsque la glace a chuté à moins de 2.6 millions de kilomètres carrés. Des chercheurs de l’Agence spatiale européenne ont averti que le taux actuel d’émission de carbone signifiait que nous pourrions voir un Arctique dépourvu de glace dans quelques décennies seulement.
Cette vidéo montre l’évolution de la banquise arctique de 1979 à 2016 :
Field décrit la glace polaire comme le bouclier thermique de la Terre. La glace de mer la plus ancienne et la plus épaisse de l’Arctique joue le rôle le plus important en matière de réflexion de la lumière du Soleil, mais c’est aussi elle qui se dégèle le plus rapidement. Environ 95% de cette glace de mer brillante, vieille de plusieurs années, a disparu en 2018. De nombreuses méthodes ont été développées afin d’endiguer l’afflux de chaleur constant.
Une méthode uniquement destinée à rétablir la banquise arctique
Les stratégies de géo-ingénierie vont du développement d’installations qui aspirent le dioxyde de carbone de l’air à l’injection délibérée de produits chimiques réfléchissants dans l’atmosphère, afin de renvoyer plus de lumière solaire dans l’espace. Field et son équipe ont qualifié la technologie de Ice911 de géoingénierie réversible et localisée dans leur article de 2018, mais elle a souligné que les sphères sont différentes de ce que l’on appelle désormais la géoingénierie.
Au lieu de cela, les microsphères d’Ice911 « œuvrent à la reconstruction de quelque chose qui, jusqu’à récemment, était déjà là, ne conduisant pas le climat sur une nouvelle voie ». De plus, étant donné que les perles sont fabriquées avec un matériau omniprésent dans l’environnement, Field explique qu’elle voit une distinction défendable entre l’approche de son organisation et les efforts visant, par exemple, à injecter des produits chimiques dans l’atmosphère.
Un article paru en 2018 dans Nature signalait que la géoingénierie des glaciers arctiques et antarctiques pourrait nous faire gagner un temps crucial pour lutter contre le changement climatique. Mais Field a rapidement remarqué que le travail de Ice911 ne devait pas être considéré comme une solution suffisante en soi. « Je ne veux pas que cela soit une excuse pour les mines de charbon, je ne veux pas que les gens disent : « Nous n’avons rien à changer, les ingénieurs vont le réparer » » conclut-elle.