Selon une nouvelle étude, la croyance populaire au « diable et au mal », aurait évolué de sorte à modifier notre comportement et éviter certaines maladies.
Par exemple, lorsque la peste noire a décimé une grande partie de la population de l’Europe au 14e siècle, de nombreuses personnes ont blâmé « le diable ». Il aura fallu des siècles avant que nous puissions identifier le réel coupable avec les technologies et techniques d’analyse modernes.
En effet, depuis toujours, les maladies ont attiré des explications surnaturelles. Mais malgré cela, les anthropologues ont eu du mal à soutenir des hypothèses qui lient l’évolution des croyances spirituelles aux pratiques de santé publique. Cette nouvelle recherche pourrait changer cela.
Une équipe internationale de chercheurs a avancé de solides preuves statistiques corroborant la prévalence de divers agents pathogènes et des niveaux élevés de vitalisme moral : mieux connu en tant que croyance aux forces spirituelles du bien et du mal.
Les résultats de cette étude suggèrent que, dans un monde où les agents d’infection invisibles se propagent de manière incontrôlée, « le vitalisme moral pourrait renforcer les actions qui minimisent la contamination, en fonction de notre système immunitaire comportemental, renforçant ainsi ces croyances », ont expliqué les chercheurs. « En fournissant un cadre permettant de prédire la propagation des maladies infectieuses, le vitalisme moral aurait également facilité (ou du moins justifié cognitivement) les stratégies comportementales conçues pour limiter l’infection », écrivent les chercheurs dans leur rapport.
Des temps anciens aux temps modernes, les exemples ne manquent pas pour illustrer la manière dont nous imaginons une relation entre le mal et la maladie. Qu’il s’agisse d’exorcismes individuels ou de pogroms visant à éliminer des populations entières, la croyance et la maladie vont de pair.
Ce lien soulève donc des questions intéressantes : la propagation des maladies a-t-elle affecté l’évolution des croyances morales ? Ces croyances pourraient-elles, à leur tour, avoir influencé la propagation d’agents pathogènes ?
Pour le découvrir, l’équipe de recherche a mené plusieurs études en analysant des données provenant de recherches quant aux tendances indiquant si le vitalisme moral pouvait réduire le risque de contracter une maladie transmissible et présentait donc un avantage adaptatif. Les deux premières études ont explicitement examiné la croyance en la sorcellerie et au mauvais œil, ainsi qu’une croyance en ce que nous appelons communément « le diable ».
À l’aide de modèles comparant les croyances de différentes cultures à la prévalence d’agents pathogènes, notamment le paludisme, le typhus et la dengue, les chercheurs ont découvert qu’il existait en réalité une relation solide. En effet, plus une maladie est répandue, plus il est probable qu’il existe une croyance en la sorcellerie, le mauvais œil ou le diable lui-même dans cette partie du monde. Cependant, cela ne permet pas de savoir si l’un affecte l’autre de quelque manière que ce soit.
Des recherches antérieures ont déjà fortement suggéré des relations entre la socio-économie et la religion, comme par exemple que d’autres forces culturelles pourraient être à l’œuvre, favorisant à la fois le risque de maladie et la tendance à une croyance surnaturelle.
L’équipe a donc abordé la question de manière plus directe dans une autre étude, en menant une vaste enquête multinationale destinée à mesurer le vitalisme moral et les comportements des individus en matière de santé. Cela a non seulement permis aux chercheurs de mieux examiner la question sur le plan personnel des individus, mais également de contrôler d’autres variables liées au vitalisme moral et à la prévalence historique des agents pathogènes.
Durant leur étude, un peu plus de 3100 étudiants issus d’universités de 28 pays du monde ont contribué à l’analyse finale des résultats de l’enquête, qui a démontré une association assez robuste entre une croyance surnaturelle, une croyance en le bien et le mal, et des comportements permettant d’éviter d’entrer en contact avec des agents pathogènes.
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Lorsque tous les résultats des chercheurs ont été rassemblés, ils ont pu fournir une preuve solide indiquant qu’une croyance en des forces obscures pouvant nuire au corps, les gens étaient plus susceptibles d’éviter le contact avec des agents pathogènes mortels, ce qui signifie que le vitalisme moral n’était pas seulement une superstition primitive, mais également un comportement fonctionnel moderne.
« De cette manière, ces croyances peuvent représenter un mécanisme psychologique conférant un avantage adaptatif dans des environnements caractérisés par une forte charge en agents pathogènes », écrivent les chercheurs.
Pour les anthropologues médicaux intéressés par notre soi-disant système immunitaire comportemental, l’étude confirme les soupçons selon lesquels les forces morales n’affectent pas seulement la manière dont nous traitons la santé et la maladie, mais également qu’elles sont façonnées en retour.
Rien de tout cela ne signifie qu’il ne puisse y avoir une variété d’influences qui façonnent les croyances en les forces surnaturelles, et cela ne signifie certainement pas pour autant qu’une telle croyance s’approche de ce que la médecine moderne a réalisé en matière de prévention et de guérison de maladies.
Cependant, des études comme celles-ci nous aident à mieux comprendre les types de pressions historiques qui façonnent les individus et leurs comportements face aux maladies.