Quatrième plus grand satellite naturel de Jupiter et sixième plus grand du Système solaire, Europe intéresse les planétologues depuis de nombreuses années. Il y a environ quarante ans, le programme Voyager offrait la première image détaillée de la surface veinée de la lune glacée. Au cours des dernières décennies, les données amassées concernant Europe en ont fait une cible prioritaire pour les agences spatiales dans la recherche de la vie. Et récemment, des planétologues ont confirmé la présence de vapeur d’eau sur Europe.
Ce qui rend cette lune si attrayante est la possibilité qu’elle possède tous les ingrédients nécessaires à la vie. Les planétologues ont la preuve qu’un de ces ingrédients, l’eau liquide, est présent sous la surface glacée et peut parfois faire irruption dans l’espace sous forme de gigantesques geysers. Mais jusqu’ici, personne n’avait été en mesure de confirmer la présence d’eau dans ces panaches en détectant directement la molécule d’eau.
Europe : de la vapeur d’eau et un potentiel océan d’eau liquide
À présent, une équipe de recherche internationale dirigée par le Goddard Space Flight Center de la NASA a directement détecté la vapeur d’eau pour la première fois au-dessus de la surface d’Europe. L’équipe a effectué cette détection en examinant Europe à travers l’un des plus grands télescopes au monde à Hawaï.
En confirmant la présence de vapeur d’eau au-dessus d’Europe, les planétologues pourront mieux comprendre le fonctionnement interne de la lune. Par exemple, cela aide à soutenir l’idée selon laquelle il existe un océan d’eau liquide, peut-être deux fois plus volumineux que celui de la Terre, sous la coque de glace épaisse de cette lune. Certains astrophysiciens soupçonnent même qu’une autre source d’eau pour les panaches pourrait être des réservoirs peu profonds de glace d’eau fondue.
« Les éléments chimiques essentiels (carbone, hydrogène, oxygène, azote, phosphore et soufre) et les sources d’énergie, deux des trois exigences de la vie, sont présents dans tout le Système solaire. Mais le troisième — l’eau liquide — est un peu difficile à trouver au-delà de la Terre » déclare Lucas Paganini, planétologue à la NASA. « Bien que les scientifiques n’aient pas encore détecté directement l’eau liquide, nous avons trouvé la deuxième meilleure chose : de l’eau sous forme de vapeur ».
Première détection directe de molécules d’eau au dessus d’Europe
Dans la revue Nature Astronomy, Paganini et son équipe ont déclaré avoir détecté suffisamment d’eau éjectée depuis Europe (à un débit de 2360 kilogrammes par seconde) pour remplir une piscine olympique en quelques minutes. Cependant, les auteurs ont également découvert que l’eau apparaît trop rarement, du moins en quantité suffisante, pour être détectée depuis la Terre.
« Pour moi, l’intérêt de ce travail est non seulement la première détection directe d’eau au-dessus d’Europe, mais aussi son absence dans les limites de notre méthode de détection » déclare Paganini.
En effet, l’équipe de Paganini a détecté le signal faible mais distinct de la vapeur d’eau au cours de 17 nuits d’observation entre 2016 et 2017. En regardant la lune depuis l’observatoire WM Keck au sommet du volcan Mauna Kea à Hawaï, les chercheurs ont aperçu des molécules d’eau sur l’hémisphère principal d’Europe. (Europe, comme la Lune de la Terre, est gravitationnellement verrouillée sur sa planète hôte. L’hémisphère principal est donc toujours orienté dans la direction de l’orbite, tandis que l’hémisphère secondaire est toujours dans la direction opposée).
Différencier la vapeur d’eau terrestre de celle d’Europe : les modélisations en renfort
Pour cela, les chercheurs ont utilisé un spectrographe de l’observatoire Keck, qui mesure la composition chimique des atmosphères planétaires grâce à la lumière infrarouge qu’elles émettent ou absorbent. Des molécules telles que l’eau émettent des fréquences spécifiques de lumière infrarouge lorsqu’elles interagissent avec le rayonnement solaire.
Détecter la vapeur d’eau sur d’autres mondes est un défi. Les engins spatiaux existants ont des capacités limitées pour la détecter et les scientifiques qui utilisent des télescopes au sol doivent prendre en compte les effets de distorsion de l’atmosphère de la Terre.
Pour minimiser cet effet, l’équipe de Paganini a eu recours à une modélisation mathématique et informatique complexe pour simuler les conditions de l’atmosphère de la Terre, afin de pouvoir différencier l’eau atmosphérique de la Terre de celle d’Europe dans les données renvoyées par le spectrographe Keck.
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« Nous avons effectué des contrôles de sécurité rigoureux pour éliminer les éventuels contaminants présents dans les observations au sol » explique Avi Mandell, planétologue faisant partie de l’équipe de Paganini. « Mais finalement, nous devrons nous rapprocher d’Europe pour voir ce qui se passe réellement ».
Structure d’Europe : l’étudier en détails grâce à la mission Europa Clipper
Les scientifiques seront bientôt en mesure de s’approcher suffisamment d’Europe pour régler leurs questions en suspens sur le fonctionnement interne et externe de ce monde possiblement habitable. La prochaine mission, Europa Clipper, dont le lancement est prévu pour le milieu des années 2020, viendra compléter un demi-siècle de découvertes scientifiques qui ont débuté avec une modeste photo.
Quand il arrivera sur Europe, l’orbiteur Clipper effectuera une étude détaillée de la surface, de l’intérieur profond, de la faible atmosphère, de l’océan sous-marin et, éventuellement, d’évents actifs encore plus petits. Clipper essaiera de prendre des images de tous les panaches et d’échantillonner les molécules qu’il trouvera dans l’atmosphère afin de les étudier avec ses spectromètres de masse. Il cherchera également un site à partir duquel un futur atterrisseur pourrait collecter un échantillon.
Dans cette vidéo, la NASA revient en détails sur la détection de vapeur d’eau sur Europe :