Tous les trous noirs stellaires identifiés actuellement ont été détectés grâce à l’émission de rayons X provenant de l’accrétion de gaz venant d’une étoile compagnon. Ces systèmes binaires possèdent tous un trou noir de moins de 30 masses solaires. Cependant, les modèles prédisent que ces trous noirs peuvent également être détectés par la mesure de la vitesse radiale de l’étoile compagnon. En utilisant cette méthode, des astrophysiciens ont récemment détecté, dans la Voie lactée, un de ces systèmes binaires dans lequel le trou noir possède une masse d’environ 70 fois celle du Soleil. Et actuellement, la formation d’un tel objet massif dans la Voie lactée pose quelques problèmes théoriques.
La composition chimique des étoiles les plus massives de notre galaxie suggère qu’elles perdent la plus grande partie de leur masse à la fin de leur vie, à la suite d’explosions et de vents stellaires puissants, avant que le noyau de l’étoile ne s’effondre en trou noir.
Les étoiles dans la gamme de masse qui pourraient produire un trou noir devraient finir leur vie dans ce que l’on appelle une supernova à instabilité de paire, qui efface complètement le noyau stellaire. La question se pose donc pour le trou noir LB-1 et sa masse inexplicable.
« Les trous noirs d’une telle masse ne devraient même pas exister dans notre galaxie, selon la plupart des modèles actuels d’évolution stellaire » déclare l’astronome Jifeng Liu de l’Observatoire national d’astronomie de Chine. « LB-1 est deux fois plus massif que ce que nous pensions possible. Maintenant, les théoriciens devront relever le défi d’expliquer sa formation ». L’étude a été publiée dans la revue Nature.
Un système binaire découvert via la méthode de mesure de la vitesse radiale
Les trous noirs, sauf s’ils accumulent activement de la matière, un processus qui fait briller cette dernière sur plusieurs longueurs d’onde du spectre, sont littéralement invisibles. Ils ne dégagent aucun rayonnement détectable : pas de lumière, pas d’ondes radio, pas de rayons X, etc. Mais cela ne signifie pas qu’ils sont totalement indétectables.
En 1783, le spécialiste des sciences naturelles John Michell (le premier à proposer l’existence de trous noirs) a suggéré que des trous noirs peuvent être détectés s’ils sont orbités par quelque chose qui émet de la lumière, telle qu’une étoile compagnon, qui serait étirée autour du centre de gravité mutuel du système binaire résultant.
C’est ce que l’on appelle maintenant la méthode de la vitesse radiale. C’est l’un des principaux moyens de rechercher et de confirmer l’existence d’exoplanètes difficiles à voir lorsqu’elles exercent une faible influence gravitationnelle sur leurs étoiles. Et elle peut également être utilisée pour trouver d’autres objets invisibles, tels que les trous noirs.
Liu et ses collègues utilisaient le Large Sky Area Multi-Object Fiber Spectroscopic Telescope (LAMOST) en Chine pour la recherche de ces étoiles vacillantes. Mais il a fallu des observations de suivi utilisant les puissants Gran Telescopio Canarias en Espagne et le Keck Observatory aux États-Unis pour révéler la nature étonnante de ce que les scientifiques avaient découvert.
Une supernova particulière à l’origine de la formation du trou noir ?
L’étoile, âgée d’environ 35 millions d’années et faisant environ huit fois la masse du Soleil, tourne autour du trou noir tous les 79 jours sur ce que les chercheurs ont appelé une orbite « étonnamment circulaire ». Un autre trou noir d’une masse similaire a été détecté, atteignant environ 62 masses solaires. Il a été créé à la suite d’une collision entre deux trous noirs d’une paire binaire — GW150914, la première détection directe d’ondes gravitationnelles jamais réalisée.
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Mais LB-1, récemment découvert, a toujours son compagnon binaire. Un scénario pourrait être que LB-1 se soit formé à partir de la collision de deux trous noirs, puis ait capturé l’étoile plus tard — mais l’orbite circulaire de son compagnon pose un problème ici. Une capture produirait une orbite elliptique très excentrique. Le temps pourrait lisser cette orbite, mais cela prendrait plus de temps que l’âge de l’étoile.
Une possibilité, cependant, pourrait être une supernova de rappel dans laquelle du matériel éjecté de l’étoile mourante y retombe immédiatement, entraînant la formation directe d’un trou noir. Ceci est théoriquement possible dans certaines conditions, mais il n’existe actuellement aucune preuve directe de son existence. Les chercheurs ont noté que LB-1 pourrait être cette preuve directe.
« Cette découverte nous oblige à réexaminer nos modèles de formation des trous noirs de masse stellaire. Ce résultat remarquable, combiné aux détections LIGO-Virgo de collisions de trous noirs binaires au cours des quatre dernières années, indique vraiment une renaissance de notre compréhension de l’astrophysique des trous noirs » conclut David Reitze, directeur de LIGO.