Vieux rêve d’auteurs de science-fiction, le voyage temporel, s’il peut être séduisant, se heurte toutefois à un obstacle majeur : l’existence de paradoxes. Notamment, le paradoxe du grand-père. Au premier abord, les actions d’un voyageur temporel semblent donc extrêmement contraintes, pour ne pas dire que le voyage en lui-même serait irréalisable. Mais il existe peut-être un moyen de contourner ces paradoxes : l’existence d’histoires parallèles sur des lignes temporelles différentes. C’est la solution théorique proposée par deux physiciens canadiens.
Une façon d’éviter de tels paradoxes est l’idée de ramifier les univers, dans lesquels l’univers dans lequel nous sommes se divise à chaque instance de voyage dans le temps, créant deux univers différents, conduisant à un nombre infini d’univers possibles. Une autre suggestion : des copies infinies d’univers parallèles qui évoluent différemment au fil du temps.
Mais les physiciens préféreraient éviter l’infini si possible. Barak Shoshany et Jacob Hauser, du Perimeter Institute au Canada, ont mis au point un modèle de voyage dans le temps qui nécessite simplement un nombre très important, plutôt qu’infini, de lignes temporelles parallèles afin d’éviter les paradoxes.
Le duo suggère que pour voyager entre ces lignes temporelles, une personne pourrait traverser un trou de ver sans longueur — essentiellement, un trou dans l’espace-temps — d’une manière qu’ils disent mathématiquement possible.
Histoires parallèles et lignes temporelles distinctes
Une façon de penser l’Univers est d’imaginer qu’il s’agit d’un ensemble de points dans l’espace et le temps, et une chronologie ou une histoire des événements serait une fonction mathématique ordonnant ces points, déclare Shoshany.
Dans les solutions d’univers ramifiés et d’univers parallèles, nous augmentons le nombre de points dans l’espace-temps pour créer plusieurs ensembles de points, et donc des univers mathématiquement distincts. Mais Shoshany et Hauser ont modélisé une troisième possibilité, les « histoires parallèles ».
« L’approche des univers parallèles que nous suggérons dit qu’il existe différents univers parallèles où les choses sont à peu près les mêmes, et chacun est mathématiquement sur une variété d’espace-temps distincte. Il est possible de se déplacer entre ces variétés lors d’un voyage dans le temps » explique Shoshany.
Un trou de ver pour voyager entre les différentes chronologies
Dans un même univers, c’est-à-dire un seul ensemble de points, se trouvent plusieurs chronologies représentées par des fonctions mathématiques réorganisant ces points. Simplement en construisant un trou de ver et en émergeant, la fonction est modifiée et la chronologie prend un arrangement différent. En prenant un exemple moins abstrait : cela signifie qu’Alice 1 (personnage fictif) pourrait voyager de la chronologie 1 à la chronologie 2, où elle tenterait de tuer Bob 2 en libérant un crocodile.
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Si le crocodile ne le tue pas, il pourrait continuer à vivre et avoir des petits-enfants, et Alice 2 pourrait réessayer de le tuer. Elle se rend alors sur la ligne temporelle 3 et tente de lâcher un piano sur Bob 3.
La clé ici est que les « Alices » ont la possibilité de changer leurs actions et ne sont pas enfermées dans le plan défaillant d’Alice 1 tentant de libérer un crocodile. Si elle devait voyager dans une seule chronologie, elle serait obligée de répéter cet acte parce que c’est la seule façon de garder l’histoire cohérente et d’éliminer la possibilité d’un paradoxe.
Un modèle séduisant mais non applicable à l’Univers en l’état
Il peut sembler un peu compliqué d’étendre le terrain de jeu avec plusieurs chronologies, mais Shoshany et Hauser ont calculé que ce voyage dans le temps sans paradoxe peut être réalisé avec un nombre fini d’histoires dans un univers. Alice est finalement constituée d’un nombre fini de particules qui ne peuvent être que dans un nombre fini — mais incroyablement grand — d’arrangements.
Il y a cependant un important défaut dans le modèle, en l’état : il ne fonctionne qu’avec une seule dimension de l’espace, plutôt qu’avec nos trois habituelles, explique Geraint Lewis de l’Université de Sydney. Shoshany déclare qu’il a maintenant l’intention de traduire le modèle en trois dimensions, afin de mieux représenter le monde réel.