Des chercheurs ont analysé, par imagerie 3D, les
nageoires provenant de fossiles de poissons disparus, et ont pu
démontrer que certains d’entre eux possédaient une structure leur
permettant de « marcher ». Les résultats de l’étude nous permettent
d’en apprendre davantage sur la transition des animaux vers la
marche sur la terre ferme.
Des paléontologues de l’Université de Chicago ont publié cette semaine les résultats de leur recherche sur le passage, encore mal élucidé, des nageoires aux membres adaptés aux déplacements hors de l’eau.
Afin de comprendre comment la transition s’est déroulée, ils se sont principalement concentrés sur l’endosquelette, soit les os et cartilages des nageoires correspondant à ceux des bras, avant-bras, poignets, et doigts des tétrapodes et autres créatures à quatre membres.
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Ils se sont également intéressés à ce qu’ils appellent les os « dermiques », une autre partie de leur squelette formé par les rayons des nageoires et la colonne vertébrale, et qui n’a été étudiée que très peu par le passé, car elle est rarement encore présente sur les fossiles. Elle est également souvent retirée par les spécialistes des fossiles, pour révéler l’endosquelette.
Les os dermiques : la clé pour comprendre la transition vers la terre ferme
Et pourtant, les rayons dermiques ont complètement disparu des animaux marins les plus récents qui possèdent des membres, prouvant ainsi qu’ils pourraient être des éléments clés pour la compréhension de cette transition.
« Nous essayons de comprendre les tendances générales et l’évolution du squelette dermique avant que tous ces autres changements ne se produisent et que les membres à part entière évoluent », déclare le paléontologue qui a conduit l’étude, Thomas Stewart.
Ce dernier a travaillé avec son équipe sur trois fossiles du Dévonien (il y a environ 375 millions d’années) possédant des structures primitives des tétrapodes : Sauripterus taylori, Eusthenopteron foordi et Tiktaalik roseae.
Bien que les deux premières espèces semblent selon leur anatomie avoir été complètement aquatiques, il est possible qu’elles aient pu « marcher » avec leurs nageoires pectorales dans le fond des lacs et courants. T.roseae semble avoir été plus loin en étant capable de soutenir son propre poids avec ses nageoires et ainsi de marcher dans des eaux peu profondes.
« En observant la nageoire de T.roseae, nous avons une image plus claire de la façon dont il s’est soutenu et s’est déplacé. La nageoire avait une sorte de palme qui pouvait se poser sur le fond boueux des rivières et des ruisseaux », a déclaré l’un des auteurs principaux de la recherche, le Dr. Neil Shubin.
Les scientifiques ont ensuite reconstruit par imagerie 3D les nageoires des trois espèces, pour examiner leurs possibles déplacements. Ils ont alors constaté que les rayons de leurs nageoires étaient simplifiés et plus petits que ceux des poissons apparus avant eux dans l’évolution. Mais ce qui les a surtout intrigués, c’est l’asymétrie des deux extrémités des nageoires, car leur rayons étaient formés par des os.
Alors que chez E. foordi, la partie dorsale des rayons était à peine plus large que la partie ventrale, T.roseae montrait des rayons dorsaux significativement plus larges, suggérant au groupe de recherche que des muscles étaient présents et s’étaient étendus à la face inférieure des nageoires, comme des palmes, l’aidant ainsi à supporter son poids.
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« Cela fournit des informations supplémentaires qui nous permettent de comprendre comment un animal comme T.roseae utilisait ses nageoires dans cette transition », explique Stewart. « Les animaux sont passés de la nage libre et de l’utilisation de leurs nageoires pour contrôler l’écoulement de l’eau autour d’eux, à l’adaptation à la poussée contre la surface au fond de l’eau ».
Les chercheurs ont également comparé leur squelette dermique avec ceux de poissons encore présents aujourd’hui, comme l’esturgeon, et ont remarqué la même asymétrie entre le haut et le bas des nageoires, consolidant ainsi leur hypothèse que cette différence pourrait avoir effectivement joué un rôle plus important qu’ils ne le pensaient sur l’évolution des poissons.
Le groupe poursuit à présent ses recherches sur ces changements, qui pourraient avoir participé au passage de la vie aquatique à la vie terrestre. De nombreuses étapes de l’évolution sont encore à élucider pour comprendre comment les premiers animaux terrestres ont pu vivre éloignés des bords des cours d’eau.