En octobre 2019, une collaboration de plusieurs épidémiologistes, virologues, personnalités politiques, institutions de recherche publiques et privées et d’entreprises privées, se réunissaient dans le cadre d’un événement appelé Event 201. L’objectif : simuler une pandémie à coronavirus. Le résultat de ce scénario impliquant le coronavirus fictif CAPS a été sans appel : une pandémie généralisée au bout de six mois, et 65 millions de morts au bout de 18 mois. À ce moment, les membres de l’Event 201 ne se doutaient pas que, trois mois plus tard, une véritable épidémie à coronavirus se déclarerait depuis la Chine.
Eric Toner, un épidémiologiste du Johns Hopkins Center for Health Security, n’a pas été choqué lorsque la nouvelle d’une mystérieuse épidémie de coronavirus à Wuhan, en Chine, a fait surface début janvier. Moins de trois mois plus tôt, Toner avait mis en scène une simulation d’une pandémie mondiale impliquant un coronavirus.
Les coronavirus affectent généralement les voies respiratoires et peuvent entraîner des maladies comme la pneumonie. Un coronavirus était également responsable de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère en Chine, qui a touché environ 8000 personnes et en a tué 774 au début des années 2000.
« Je pense depuis longtemps que le virus le plus susceptible de provoquer une nouvelle pandémie serait un coronavirus » déclare Toner. L’épidémie à Wuhan n’est pas considérée comme une pandémie, mais le virus a été signalé en Thaïlande, au Japon, en Corée du Sud, à Taiwan, au Vietnam, à Singapour, en Arabie saoudite, aux États-Unis, en France et en Allemagne. Jusqu’à présent, il a tué plus d’une centaine de personnes et infecté plus de 4500 personnes.
Pandémie fictive à coronavirus : 65 millions de morts en 18 mois
La simulation de Toner d’une hypothétique pandémie mortelle de coronavirus a suggéré qu’après six mois, presque tous les pays du monde seraient infectés. En 18 mois, 65 millions de personnes pourraient mourir.
La simulation a imaginé un virus fictif appelé CAPS. L’analyse, réalisée dans le cadre d’une collaboration avec le Forum économique mondial et la Fondation Bill et Melinda Gates, a examiné ce qui se passerait si une pandémie naissait dans les élevages de porcs du Brésil (le coronavirus de Wuhan est originaire d’un marché de fruits de mer qui vendait des animaux vivants).
Vidéo de l’Event 201 sur l’émergence et la propagation du coronavirus fictif CAPS :
Le virus de la simulation était résistant à tout vaccin moderne. Il était plus mortel que le SRAS, mais à peu près aussi facile à attraper que la grippe. La prétendue épidémie a commencé à très petite échelle : les agriculteurs brésiliens ont commencé à présenter des symptômes qui ressemblaient à la grippe ou à la pneumonie. De là, le virus s’est propagé dans des quartiers urbains surpeuplés et pauvres d’Amérique du Sud.
Les vols ont été annulés et les réservations de voyages ont chuté de 45%. Les gens ont diffusé de fausses informations sur les réseaux sociaux. Après six mois, le virus s’était propagé dans le monde entier. Un an plus tard, il avait tué 65 millions de personnes. De son côté, la pandémie de grippe espagnole de 1918 a coûté la vie à 50 millions de personnes.
Des conséquences économiques et financières
La pandémie simulée de Toner a également déclenché une crise financière mondiale : les marchés boursiers ont chuté de 20 à 40% et le produit intérieur brut mondial a chuté de 11%. « Le point que nous avons essayé de faire valoir lors de notre exercice en octobre, c’est qu’il ne s’agit pas seulement des conséquences sur la santé. Il s’agit des conséquences sur les économies et les sociétés ».
Vidéos de l’Event 201 sur les conséquences commerciales et économiques de la pandémie fictive :
Et concernant l’impact sur le marché financier mondial :
Il a ajouté que le coronavirus de Wuhan pourrait également avoir des effets économiques importants si le nombre total de cas atteignait les milliers. Mardi dernier, le marché boursier de Hong Kong a chuté de 2.8%. Cette baisse est attribuable aux secteurs du tourisme et des transports, notamment les compagnies aériennes, les agences de voyage, les hôtels, les restaurants et les parcs à thème.
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L’absence de vaccin contre le coronavirus
Dans la simulation CAPS, les scientifiques n’ont pas pu développer un vaccin à temps pour arrêter la pandémie. C’est une hypothèse réaliste : même les vrais coronavirus comme le SRAS ou le MERS (un virus qui a tué plus de 840 personnes depuis 2012) n’ont toujours pas de vaccins.
« Si nous pouvions faire en sorte d’avoir un vaccin en quelques mois plutôt que des années ou des décennies, cela changerait la donne. Mais ce n’est pas seulement l’identification de vaccins potentiels. Nous devons réfléchir davantage à la façon dont ils sont fabriqués à l’échelle mondiale, distribués et administrés aux gens » explique Toner.
Une simulation pour mieux se préparer au risque de pandémie
Les « acteurs » de la simulation de l’événement 201 comprenaient des experts en santé des Nations Unies et des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), ainsi que plusieurs universitaires et représentants d’entreprises privées. En d’autres termes, il s’agissait des mêmes types de personnes susceptibles de planifier la réponse du monde à une pandémie réelle de coronavirus.
Cela rend le résultat dévastateur de l’exercice particulièrement troublant. Mais selon les organisateurs de l’Event 201, le but de la simulation n’était pas d’attiser la peur. Au lieu de cela, ils espéraient que cela servirait d’expérience d’apprentissage, soulignant à la fois l’impact potentiel d’une pandémie ainsi que les lacunes actuelles dans notre préparation.
Après la fin de la simulation, ils ont créé une liste de sept actions que les dirigeants des secteurs public et privé pourraient prendre maintenant pour se préparer à un scénario comme l’Event 201.
Vidéo récapitulant les points importants de l’Event 201 :