Depuis plusieurs décennies, les scientifiques tentent de recréer artificiellement le fonctionnement du cerveau humain au travers de l’IA et des réseaux de neurones artificiels. À côté de ces recherches, ils tentent également de lier les fonctions cérébrales aux machines via les interfaces cerveau-ordinateur. Mais récemment, une équipe internationale de chercheurs a franchi une nouvelle étape : faire communiquer des neurones biologiques et des neurones artificiels à travers Internet. Cette prouesse scientifique devrait permettre le développement de nouvelles technologies neuroprothétiques et neuroélectroniques interconnectées.
La recherche sur de nouveaux dispositifs nanoélectroniques, dirigée par l’Université de Southampton, a permis à des neurones cérébraux et artificiels de communiquer entre eux.
L’étude a pour la première fois montré comment trois technologies émergentes clés peuvent fonctionner ensemble : les interfaces cerveau-ordinateur, les réseaux de neurones artificiels et les technologies de mémoire avancées (également appelées memristors). Cette découverte ouvre la porte à de nouveaux développements significatifs dans la recherche en intelligence neurale et artificielle.
Les fonctions cérébrales sont rendues possibles par des circuits de neurones reliés entre eux par des liaisons microscopiques mais très complexes appelées « synapses ». Dans cette expérience, dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature Scientific Reports, les chercheurs ont créé un réseau de neurones hybrides où des neurones biologiques et artificiels dans différentes parties du monde ont pu communiquer entre eux via Internet, par le biais d’un hub de synapses artificielles conçues en utilisant une nanotechnologie de pointe.
Une communication bidirectionnelle en temps réel entre neurones biologiques et artificiels
C’est la première fois que les trois composants se réunissent dans un réseau unifié. Au cours de l’étude, des chercheurs basés à l’Université de Padoue en Italie ont cultivé des neurones de rat dans leur laboratoire, tandis que des partenaires de l’Université de Zürich et de l’ETH Zürich ont créé des neurones artificiels sur des puces en silicium. Le laboratoire virtuel a été réuni via une configuration élaborée contrôlant les synapses nanoélectroniques développées à l’Université de Southampton. Ces dispositifs synaptiques sont connus sous le nom de memristors.
Les chercheurs basés à Southampton ont capturé des impulsions électriques envoyées sur Internet à partir des neurones biologiques en Italie, puis les ont distribuées aux synapses memristives. Les réponses ont ensuite été envoyées aux neurones artificiels de Zürich également sous forme d’activité électrique. Le processus fonctionne simultanément en sens inverse également ; de Zürich à Padoue. Ainsi, les neurones artificiels et biologiques ont pu communiquer bidirectionnellement et en temps réel.
Themis Prodromakis, professeur de nanotechnologie et directeur du Center for Electronics Frontiers de l’Université de Southampton, explique : « L’un des plus grands défis dans la conduite de recherches de ce type et à ce niveau a été d’intégrer des technologies de pointe distinctes et une expertise spécialisée qui ne se trouvent généralement pas sous un même toit. En créant un laboratoire virtuel, nous avons pu y parvenir ».
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Vers de nouvelles technologies neuroprothétiques et neuroélectroniques connectées
Les chercheurs prévoient maintenant que leur approche trouvera des applications dans plusieurs disciplines scientifiques et accélérera le rythme de l’innovation et des progrès scientifiques dans le domaine de la recherche sur les interfaces neuronales. En particulier, la capacité de connecter de manière transparente des technologies disparates à travers le monde est une étape vers la démocratisation de ces technologies, supprimant un obstacle important à la collaboration.
« Nous sommes très heureux de ce nouveau développement. D’un côté, il jette les bases d’un nouveau scénario qui n’a jamais été rencontré au cours de l’évolution naturelle, où les neurones biologiques et artificiels sont liés entre eux et communiquent à travers les réseaux mondiaux ; nous posons ainsi les bases de l’Internet de la neuroélectronique. D’un autre côté, cela offre de nouvelles perspectives aux technologies neuroprothétiques, ouvrant la voie à la recherche pour remplacer les parties dysfonctionnelles du cerveau par des puces dotées d’IA », conclut Prodromakis.