Le phénomène d’expansion de l’Univers est confirmé depuis le début du 20e siècle, et son accélération depuis 1998. Au cours des dernières années, de nombreuses missions telles que Planck, WMAP ou encore H0liCOW ont mesuré la constante de Hubble, donnant la valeur du taux d’expansion. Cependant, les deux principales méthodes utilisées donnent des valeurs en désaccord. Cette dichotomie concernant la valeur de la constante de Hubble est aujourd’hui l’un des plus grands paradoxes de la cosmologie. Mais récemment, un physicien théoricien suisse a proposé une explication permettant de concilier les valeurs obtenues.
La Terre, le Système solaire, toute la Voie lactée et les quelques milliers de galaxies les plus proches de nous se déplacent dans une vaste bulle de 250 millions d’années-lumière de diamètre, où la densité moyenne de la matière est deux fois moins élevée que pour le reste de l’Univers. Telle est l’hypothèse avancée par un physicien théoricien de l’Université de Genève (UNIGE) pour résoudre une énigme qui divise la communauté scientifique depuis une décennie : quelle est la vitesse de l’expansion de l’Univers ?
Jusqu’à présent, au moins deux méthodes de calcul indépendantes sont arrivées à deux valeurs différentes d’environ 10% avec un écart statistiquement inconciliable. Cette nouvelle approche, exposée dans la revue Physics Letters B, efface cette divergence sans recourir à une « nouvelle physique ».
Fond diffus cosmologique et supernovas : des valeurs en désaccord pour la constante de Hubble
La constante de Hubble (H0) correspond au taux d’expansion de l’Univers. Les meilleures estimations de H0 se situent actuellement autour de 70 (km/s)/Mpc (ce qui signifie que l’Univers s’étend de 70 kilomètres par seconde plus rapidement tous les 3.26 millions d’années-lumière). Le problème est qu’il existe deux méthodes de calcul contradictoires.
La première est basée sur le fond diffus cosmologique. En utilisant les données précises fournies par la mission spatiale Planck, et étant donné que l’univers est homogène et isotrope, une valeur de 67.4 (km/s)/Mpc est obtenue pour H0 en utilisant la théorie de la relativité générale d’Einstein.
La deuxième méthode de calcul est basée sur les supernovas qui apparaissent sporadiquement dans les galaxies éloignées. Ces événements très lumineux fournissent à l’observateur des distances très précises, une approche qui a permis de déterminer une valeur pour H0 de 74 (km/s)/Mpc.
Lucas Lombriser, professeur au Département de physique théorique de la Faculté des sciences de l’UNIGE, explique : « Ces deux valeurs ont continué à se préciser pendant de nombreuses années tout en restant différentes l’une de l’autre. Il n’a pas fallu grand-chose pour déclencher une controverse scientifique et même pour susciter l’espoir excitant que nous avions peut-être affaire à une nouvelle physique ».
Hypothèse de la bulle de Hubble : elle permettrait de concilier les valeurs de H0
Pour réduire l’écart, le professeur Lombriser a émis l’idée que l’univers n’est pas aussi homogène qu’on le prétend, hypothèse qui peut sembler évidente à des échelles relativement modestes. Il ne fait aucun doute que la matière est distribuée différemment à l’intérieur d’une galaxie plutôt qu’à l’extérieur. Il est cependant plus difficile d’imaginer des fluctuations de la densité moyenne de matière calculées sur des volumes des milliers de fois plus importants qu’une galaxie.
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« Si nous étions dans une sorte de gigantesque « bulle », où la densité de la matière était nettement inférieure à la densité connue pour l’Univers entier, cela aurait des conséquences sur les distances des supernovas et, finalement, sur la détermination de H0 », indique Lombriser. Il suffirait que cette « bulle de Hubble » soit suffisamment grande pour inclure la galaxie qui sert de référence pour mesurer les distances.
En établissant un diamètre de 250 millions d’années-lumière pour cette bulle, le physicien a calculé que si la densité de matière à l’intérieur était de 50% inférieure à celle du reste de l’Univers, une nouvelle valeur serait obtenue pour la constante de Hubble, qui serait alors en accord avec celle obtenue en utilisant le CMB. « La probabilité qu’il y ait une telle fluctuation à cette échelle est de 1 sur 20 à 1 sur 5, ce qui signifie que ce n’est pas le fantasme d’un théoricien. Il y a beaucoup de régions comme la nôtre dans le vaste Univers », conclut-il.