Depuis plusieurs décennies, les physiciens tentent de reproduire et contrôler le processus physique qui se déroule au cœur des étoiles : la fusion nucléaire. La fusion nucléaire contrôlée permettrait en effet d’avoir accès à une source d’énergie presque inépuisable. Cependant, les conditions de température et densité nécessaires rendent cet objectif extrêmement difficile à atteindre. Au-delà de ces contraintes, les physiciens doivent également résoudre certains problèmes affectant le plasma tournant à l’intérieur des réacteurs à fusion. L’une de ces problématiques est la présence d’îlots magnétiques perturbant l’évolution du plasma. Mais récemment, des chercheurs ont mis au point une solution permettant de neutraliser l’effet négatif de ces îlots.
Des physiciens de l’Université de Princeton et du Laboratoire de physique des plasmas (PPPL) du Département de l’énergie, ont utilisé les ondes radioélectriques et la température pour stabiliser le plasma chaud et dense qui tourne à l’intérieur des réacteurs à fusion comme les tokamaks et les stellarators. L’étude a été publiée dans la revue Physics of Plasmas.
Quel est le problème que cette technologie essaie de résoudre ? Les réacteurs à fusion tokamak impliquent un tore de plasma élémentaire aussi chaud que le Soleil. Lorsque le plasma traverse la chambre de réaction, il est dirigé et confiné par un champ magnétique extrêmement puissant, ce qui signifie que le plasma « flotte librement » sans toucher aucune partie de la structure. Dans le flux de plasma surchauffé, la fusion nucléaire a lieu, idéalement.
La problématique des îlots magnétiques
Mais il y a un effet secondaire de ce champ magnétique. À mesure que le plasma se déplace, le champ magnétique forme d’étranges structures semblables à des bulles, appelées îlots magnétiques. « Celles-ci peuvent être produites à partir de perturbations du courant hélicoïdal dans le plasma », écrivait l’Oak Ridge National Laboratory dans un rapport de 1974.
« Physiquement, les îlots sont le résultat de la présence d’une composante harmonique de la composante radiale du champ magnétique perturbé en résonance avec les lignes de champ de surface rationnelles non perturbées, en présence de cisaillement ». Dès qu’un îlot perturbe le flux de plasma, le tokamak peut perdre de la température, ce qui prend des jours ou des mois pour récupérer la puissance initiale. Le plasma peut également frapper et endommager la structure du tokamak lui-même, et le réparer est extrêmement difficile.
Le travail des physiciens comprend le « contrôle des îlots » depuis des décennies, et les flux de plasma soutenus les plus longs se terminent souvent par une complication provenant de ces structures. Ainsi, 46 ans après le rapport d’Oak Ridge, les îlots magnétiques sont toujours l’un des principaux obstacles au développement des tokamaks.
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Utiliser les ondes radio pour stabiliser le plasma
La nouvelle recherche est le dernier développement d’une solution de stabilité qui remonte aux années 1980. Les chercheurs ont alors réalisé que frapper le plasma avec des ondes radio contribuait grandement à stabiliser le courant et à réduire les facteurs qui entraînaient des perturbations (îlots). En 2019, des chercheurs ont identifié un moyen d’améliorer la stabilisation de ces ondes radio, en les stimulant avec de minuscules fluctuations de température, appelées perturbations.
En « déposant » des ondes radioélectriques accumulées dans les îlots magnétiques, les physiciens peuvent inhiber les îlots et les empêcher de croître. Et dans cette nouvelle étude, les chercheurs suggèrent qu’en contrôlant soigneusement et en faisant varier la température du plasma, ils peuvent amplifier l’effet de contrôle des ondes radio. Ce traitement non linéaire de la température introduit également de nouvelles variables.