Un enfant atteint de myopathie génétique a vu sa situation s’améliorer rapidement grâce à la thérapie génique. Le traitement, qui est toujours en phase de test, est une avancée de plus dans le traitement des maladies héréditaires.
Lorsque la famille Curran a appris en 2015 que Conner, leur garçon aujourd’hui âgé de neuf ans, était atteint de myopathie de Duchenne, ils n’ont pas tardé à tenter de trouver un traitement, malgré l’avis du médecin qui laissait peu d’espoir face à cette maladie responsable d’une dégénération des fibres musculaires, au point où la personne atteinte n’a plus assez de force pour marcher. Par la suite, la mort par crise cardiaque est possible si les muscles du cœur se trouvent trop affaiblis.
Une mutation du gène codant la dystrophine, une grosse protéine ayant pour rôle de maintenir la structure des fibres musculaires, est à l’origine de cette dégénérescence. « Il devait se hisser dans les escaliers », déclare Jessica Curran, la mère de Conner. « Il franchissait quatre marches et ne pouvait pas faire le reste. Il ne pouvait pas tenir une journée entière à l’école. Le professeur disait qu’il le laissait faire une petite sieste dans la classe… ».
Mais un an après le diagnostic, les parents ont entendu pour la première fois parler de la thérapie génique, et que des chercheurs travaillaient sur un remède basé sur cette méthode contre la myopathie de Duchenne. « Le concept est très simple », déclare le Dr Jude Samulski, de l’École de médecine de l’Université de Caroline du Nord. « Il vous manque un gène, alors vous le [remettez] en place ».
Un travail de longue haleine
Depuis 1984, ce pharmacologue a dévoué sa carrière à la création du traitement. Il a débuté durant ses études à l’Université de Floride, où il faisait partie d’un groupe de recherche spécialisé sur les adénovirus, ces derniers étant connus pour causer des gastro-entérites et des dermatoses érythémateuses chez les enfants. Mais dans la majorité des cas, l’infection reste asymptomatique et n’engendre pas ou peu de réponse immunitaire, ce qui a fait de cette famille de virus un agent infectieux de choix pour les recherches sur la thérapie génique dans le monde.
L’approche de Samulski a été d’insérer un gène correct de la dystrophine dans les adénovirus qui, une fois injectés dans le patient, vont infecter les cellules musculaires et remplacer le gène défectueux par celui qu’il transporte.
Cela n’a pas été une tâche facile, car de nombreux obstacles pouvaient entraver le bon déroulement de la thérapie, comme l’insertion du gigantesque gène de la dystrophine, 500 fois plus long que le génome du minuscule virus. Il fallait également être certain que l’adénovirus reconnaisse uniquement les milliards de fibres musculaires dans le corps. Il a donc été modifié pour qu’il ne puisse infecter que ce type de cellule.
Malgré de nombreuses périodes de difficultés au niveau du financement, Samulski n’a jamais renoncé, et a même fondé avec une petite équipe la compagnie Asklepios BioPharmacuetical (ou AskBio), où ils continuèrent ses recherches. Après des essais fructueux sur des cellules in vitro, des souris et des chiens atteints également de myopathie de Duchenne, ils ont vendu le traitement à la compagnie Pfizer, faute de manque de ressources pour des tests sur les humains. En 2018, le géant pharmaceutique débuta les essais dont le premier volontaire fut Conner Curran.
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Des résultats plus que satisfaisants
Bien que les premiers jours après l’administration des virus modifiés (en présence de Samulski) aient été compliqués, avec de la fièvre et des nausées, Conner montra très rapidement des signes positifs. Au bout de trois semaines, il arrivait à courir sur les escaliers et à marcher beaucoup plus longtemps, à des distances inimaginables avant le traitement.
Bien qu’il restera plus petit et moins fort que la moyenne du fait qu’il est impossible de récupérer les cellules musculaires déjà mortes, la thérapie permet aux fibres restantes de mieux fonctionner. Deux années ont passé, et le jeune garçon est toujours sous étroite surveillance en cas de risques de rechute.
Pfizer se prépare maintenant à une étude à plus large échelle, et pour l’instant, huit autres enfants ont eu depuis droit à deux doses différentes du traitement. Six d’entre eux ont vu leur force et endurance s’améliorer, mais les deux autres ont souffert d’effets secondaires plus importants que Conner et ont dû être hospitalisés. L’équipe de Samulski a récemment trouvé une solution pour atténuer les effets secondaires, principalement dus à une forte réponse du système immunitaire face au virus. Des tests sur des animaux sont en cours.