Un mélange unique de radiations provenant d’une étoile morte a été détecté dans notre galaxie, la Voie lactée. En effet, une étoile morte située à quelque 14’350 années-lumière de la Terre vient de devenir l’indice le plus important pour résoudre le mystère des sursauts radio rapides. Plus tôt au cours de cette année, l’étoile a craché un éclat colossal de quelques millisecondes et à présent, la toute première analyse publiée de l’événement note sa similitude avec des signaux extragalactiques énigmatiques.
Dans un premier temps, il faut savoir que les sursauts radio rapides, ou FRB (de l’anglais fast radio burst), ou encore sursauts Lorimer, sont des sursauts d’ondes radio d’une durée de quelques millisecondes, provenant de galaxies situées à des millions d’années-lumière de la Terre. Le premier d’entre eux a été découvert par une équipe de chercheurs menée par Duncan Lorimer, qui a analysé les données d’un relevé astronomique du Petit Nuage de Magellan, en 2007. Depuis, les FRB sont un mystère pour les astronomes. Durant ces éclats extrêmement brefs, certains FRB déchargent plus d’énergie que des centaines de millions de soleils (ou autant d’énergie que le Soleil en 10’000 ans).
Étant donné que la plupart des FRB détectés à ce jour sont des événements ponctuels, non répétitifs, qui viennent de très loin et ne peuvent être prédits, ils se sont révélés extrêmement difficiles à localiser, et donc à étudier. À l’heure actuelle, les explications proposées vont des supernovae aux extraterrestres (ce qui reste extrêmement improbable), mais un type de candidat s’est montré de plus en plus prometteur : les magnétars.
Dans le cas de l’événement observé plus tôt cette année, c’est le magnétar SGR 1935+2154, émettant une rafale d’ondes radio d’une durée d’une milliseconde, qui a été détectée par des instruments du monde entier. « Il s’agit de la toute première connexion d’observation entre les magnétars et les sursauts radio rapides », a déclaré l’astrophysicien Sandro Mereghetti, de l’Institut national d’astrophysique, en Italie. « C’est vraiment une découverte majeure, et cela aide à mettre en lumière l’origine de ces phénomènes mystérieux », a-t-il ajouté.
Un magnétar est un type d’étoile à neutrons disposant d’un champ magnétique extrêmement intense, qui émet des radiations électromagnétiques de haute énergie, comme les rayons X et gamma. Par exemple, en 2004, l’explosion du magnétar SGR 1806-20 a été enregistrée : l’énergie libérée a affecté l’atmosphère supérieure de la Terre alors qu’elle se trouvait à 50’000 années-lumière de celle-ci (ce qui signifie que l’explosion a eu lieu il y a environ 50’000 ans).
Les champs magnétiques extrêmement puissants des magnétars (soit 1000 fois plus puissants que les étoiles à neutrons moyennes) ont un effet étrange. Comme la gravité applique une force vers l’intérieur, maintenant l’étoile stable, le champ magnétique tire la matière vers l’extérieur, déformant l’étoile.
Ces deux forces concurrentes permanentes créent une tension qui entraîne parfois des tremblements d’étoiles massifs. Ceux-ci sont appelés explosions de magnétar et produisent généralement des rayons X et gamma. Ce n’est que très rarement que des magnétars ont été capturés émettant des ondes radio.
Les astronomes prêtent attention aux explosions de magnétars car nous ne savons pas grand-chose sur la manière dont fonctionnent leurs champs magnétiques, et toute activité que nous pouvons observer du phénomène pourrait aider à mieux comprendre ces phénomènes. Ainsi, lorsque le magnétar SGR 1935+2154 a commencé à gronder à la fin du mois d’avril, les instruments de surveillance du monde entier ont été tournés dans sa direction.
Au départ, les chercheurs pensaient qu’il s’agissait d’une explosion de magnétar habituelle. Cependant, le 28 avril, un événement sans précédent s’est produit : une onde radio très brillante qui ressemblait de manière choquante à un sursaut radio rapide a été détectée par plusieurs instruments.
Cette onde était si brillante que le télescope de l’expérience canadienne de cartographie de l’intensité de l’hydrogène, dit CHIME (de l’anglais Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment), conçu spécialement pour détecter les événements transitoires et responsable de la découverte d’un bon nombre de FRB, ne pouvait pas tout à fait le quantifier. Et ce n’est pas parce que l’onde était intrinsèquement plus puissante que les FRB extragalactiques (elle était en fait intrinsèquement plus faible), mais parce qu’elle était tellement plus proche.
C’est en utilisant les données collectées par le satellite INTEGRAL de l’Agence spatiale européenne, que Mereghetti et son équipe ont associé positivement le signal au magnétar, l’ont analysé et caractérisé. « Fondamentalement, l’imageur IBIS sur Integral nous a permis de localiser précisément l’origine de l’éclat d’ondes, validant son association avec le magnétar », a déclaré l’astrophysicien Volodymyr Savchenko, de l’Université de Genève, en Suisse. « La plupart des autres satellites impliqués dans l’étude collaborative de cet événement n’ont pas été en mesure de déterminer sa position dans le ciel – et c’était crucial pour identifier que l’émission provenait bien de SGR 1935+2154 », a-t-il ajouté. Bien que l’onde elle-même soit un peu plus faible que les FRB extragalactiques, presque tout le reste correspond au profil FRB extragalactique.
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Mais il y a également eu un autre élément qui a surpris les scientifiques : le sursaut radio avait un homologue en rayons X, quelque chose que les scientifiques n’avaient encore jamais observé dans un FRB extragalactique. Cela ne signifie pas que les FRB extragalactiques n’ont pas d’équivalents aux rayons X : en réalité, cela pourrait signifier le contraire, que les signaux sont plus complexes que nous le pensions auparavant, crachant plusieurs types de rayonnement en dessous de notre seuil de détection. « C’est un résultat très intrigant et il soutient l’association entre les FRB et les magnétars », a déclaré Mereghetti. « Les FRB identifiés jusqu’à présent sont extragalactiques. Ils n’ont jamais été détectés aux rayons X/gamma. Un sursaut de rayons X avec une luminosité comme celle du magétar SGR 1935+2154 serait indétectable pour une source extragalactique », a-t-il ajouté.
Dans ce cas, la contrepartie dans les rayons X a permis à l’équipe d’affiner les mesures de distance du magnétar. Auparavant, les scientifiques pensaient qu’il se trouvait à environ 30’000 années-lumière de la Terre. Bien que ce soit une preuve extrêmement convaincante (en faveur de l’origine du magnétar pour les FRB), ce serait cependant une erreur de dire que tous les mystères ont été résolus. En effet, selon les chercheurs, il est tout à fait possible qu’il existe d’autres sources, notamment parce que certains des signaux se comportent très différemment.
En effet, certains sont plus forts, d’autres sont plus faibles. Certains autres se répètent (bien que la plupart ne le font pas). Deux signaux ont même été surpris en train de se répéter sur un cycle. Ce n’est donc très certainement pas la dernière fois que nous entendons parler du magnétar SGR 1935+2154.