Lorsque nous pensons au courant électrique, nous imaginons surtout la façon dont il alimente les différents appareils électriques de notre domicile, où comment il circule dans les minuscules circuits imprimés de notre smartphone. Mais à une tout autre échelle, le courant électrique est également utilisé pour contrôler le plasma qui alimente les réactions de fusion au sein d’un réacteur nucléaire à fusion. Récemment, des chercheurs du laboratoire de physique des plasmas de l’université de Princeton (PPPL) ont découvert que des courants électriques peuvent se former d’une façon jusqu’ici inconnue au sein d’un réacteur à fusion. Ces nouvelles découvertes permettront de mieux comprendre les forces en jeu dans la stabilisation du plasma, et de s’approcher un peu plus de la maîtrise de cette énergie nucléaire tant convoitée, dont la réaction a naturellement lieu dans les étoiles.
« Il est très important de comprendre quels processus produisent des courants électriques dans le plasma et quels phénomènes pourraient interférer avec ces derniers », a déclaré Ian Ochs, étudiant diplômé du programme de physique du plasma de l’Université de Princeton et auteur principal de l’étude, publiée dans la revue Physics of Plasmas. « Ils sont le principal outil que nous utilisons pour contrôler le plasma dans la recherche sur la fusion magnétique ».
La fusion est le processus qui consiste à « écraser » des éléments légers sous forme de plasma — l’état chaud et chargé de la matière composée d’électrons libres et de noyaux atomiques —, générant des quantités massives d’énergie. Les scientifiques cherchent à reproduire la fusion pour un approvisionnement pratiquement inépuisable d’énergie, pour produire de l’électricité d’une nouvelle façon.
Un type particulier d’onde magnétique à l’origine des courants nouvellement découverts
Les courants inattendus découverts se produisent dans le plasma, dans les installations de fusion en forme de beignet appelées tokamaks. Les courants se développent lorsqu’un type particulier d’onde électromagnétique (comme celles émises par les radios et les fours à micro-ondes) se forme spontanément. Ces vagues poussent certains des électrons déjà en mouvement, « qui surfent sur la vague comme des surfeurs sur une planche de surf », explique Ochs.
Mais les fréquences de ces ondes sont importantes. Par exemple, lorsque la fréquence est élevée, l’onde fait avancer certains électrons et en fait reculer d’autres. Dans ce cas, les deux mouvements s’annulent et aucun courant ne se produit.
Cependant, lorsque la fréquence est basse, les ondes poussent vers l’avant sur les électrons et vers l’arrière sur les noyaux atomiques, ou les ions, créant un courant électrique. Ochs a découvert que les chercheurs pouvaient étonnamment créer ces courants lorsque l’onde basse fréquence était d’un type particulier, appelé « onde acoustique ionique », possédant certaines caractéristiques des ondes sonores.
De nouveaux mécanismes magnétiques s’étendant à l’échelle de l’Univers
L’importance de cette découverte s’étend de l’échelle relativement petite du laboratoire à la vaste échelle du cosmos. « Il existe des champs magnétiques dans tout l’univers à différentes échelles, y compris à la taille des galaxies, et nous ne savons pas vraiment comment ils sont apparus », a déclaré Ochs. « Le mécanisme que nous avons découvert aurait pu aider à « semer » des champs magnétiques cosmiques, et tout nouveau mécanisme pouvant produire des champs magnétiques est intéressant pour la communauté astrophysique ».
Les résultats des calculs des chercheurs consistent en des expressions mathématiques qui leur donnent la capacité de calculer comment ces courants, qui se produisent sans que les électrons interagissent directement, se développent et s’étendent. « La formulation de ces expressions n’était pas simple », déclare Ochs. « Nous avons dû condenser les résultats afin qu’ils soient suffisamment clairs et qu’ils utilisent des expressions simples pour capturer la physique clé ».
Les résultats approfondissent la compréhension d’un phénomène physique fondamental, mais étaient inattendus. Ils semblent contredire la notion conventionnelle selon laquelle les entraînements par courant nécessitent des collisions d’électrons.
« La question de savoir si les ondes peuvent entraîner un courant dans le plasma est en fait très profonde, et concerne les interactions fondamentales des ondes dans le plasma », a déclaré Nathaniel Fisch, co-auteur de l’étude, professeur et directeur associé du Département des sciences astrophysiques et directeur du programme de physique des plasmas. « Ce qu’Ochs en a tiré de façon magistrale, didactique et avec une rigueur mathématique, c’est non seulement la façon dont ces effets sont parfois équilibrés, mais aussi comment ils interagissent parfois pour permettre la formation de courants électriques nets ».
Ces résultats jettent les bases de recherches futures dans ce domaine, qui seront sans doute décisives. « Ce qui m’excite particulièrement, c’est que le formalisme mathématique qu’Ochs a mis en place ainsi que les intuitions et les connaissances physiques qu’il a acquises, lui permettent aujourd’hui de remettre en question, ou de fonder sur une base solide, un comportement encore plus curieux dans les interactions des ondes avec les particules résonantes du plasma », conclut Fisch.