Équipé de lasers, de caméras et de brouilleurs radio, le Ghost 4 est un véritable concentré de technologie. Ce drone de deux mètres de long est pliable, peut tenir dans un sac à dos, et résiste aux intempéries. Contrôlé à distance par un pilote, ou évoluant en toute autonomie grâce à l’intelligence artificielle, l’appareil est destiné à des missions de reconnaissance et d’identification.
Cet engin a été conçu par Anduril, une startup de technologie militaire fondée par Palmer Luckey, le créateur d’Oculus Rift (un casque de réalité virtuelle). Luckey qualifie son nouveau produit de « couteau suisse capable de tout faire ».
Une force militaire dans un petit appareil
Une série de petits drones, chargés de capteurs, ont récemment parcouru le ciel californien à des fins de tests. Leur mission ? Dénicher des (faux) lanceurs de missiles cachés au sol. Selon son constructeur, le Ghost 4 est la première génération de drones capable d’effectuer des missions de reconnaissance, y compris la détection de matériel ou de soldats ennemis au sol.
L’appareil peut voler pendant une centaine de minutes. Doté d’équipements à la pointe de la technologie, il est capable d’identifier des cibles beaucoup plus rapidement et plus efficacement que les humains. Particulièrement résistant, il peut atterrir même sur les terrains difficiles tels que le sable, la boue ou résister à l’eau de mer. Il a été conçu pour transporter divers équipements (caméras de reconnaissance, ciblage laser, brouilleurs, etc.) et peut larguer des charges pesant jusqu’à 15 kg environ. Palmer Luckey ajoute que le drone pourrait même transporter ses propres armes à l’avenir. Ce serait une première dans l’armement militaire…
Le Ghost 4 est en réalité un mix de deux concepts. Il réunit la puissance et les capacités des gros drones utilisés actuellement dans les zones de conflits, tel que l’énorme Predator conçu par General Atomics, avec la finesse et l’agilité des petits drones développés pour les usages civils, comme les drones de livraison d’Amazon ou les engins utilisés pour les photographies aériennes de biens immobiliers. Plus silencieux, il peut également transporter plus de charge utile qu’un drone traditionnel.
Les algorithmes d’intelligence artificielle embarqués dans l’appareil ont été développés pour identifier et suivre des personnes, des missiles ou l’équipement du champ de bataille. Chaque drone a la capacité de s’associer à ses homologues pour former un véritable essaim de partage de données et ainsi relayer les informations à Lattice, le système de surveillance mis au point par Anduril, chargé de recueillir les données de milliers de capteurs (vidéos haute définition, images infrarouges, émissions radio des équipements ennemis…). Ainsi, si un appareil est dans l’incapacité de communiquer avec la station de base, il pourra transférer ses données à l’un de ses « collègues ».
Pour le moment, les clients d’Anduril utilisent le système Lattice sur des ordinateurs portables ou des smartphones. À long terme, Luckey pense que les soldats pourraient être équipés de casques de réalité augmentée, bénéficiant ainsi des détails fournis par Lattice, superposés à leur environnement réel. « Je sais que cela ressemble à de la fantaisie, mais c’est ce que j’essaie de construire », dit-il.
L’IA, élément incontournable de la guerre moderne
L’utilisation d’une intelligence artificielle pour l’identification de cibles est une pratique toutefois vivement controversée. En effet, en juin 2018, sous la pression croissante de ses employés et du grand public, Google avait finalement dû mettre fin à son partenariat avec le Pentagone autour du projet Maven — un système de surveillance de masse, constitué d’une flotte de drones autonomes équipés de caméras. De la même façon, en février 2019, des employés de Microsoft s’étaient opposés à un contrat d’utilisation militaire de sa technologie de réalité augmentée HoloLens.
Luckey pense au contraire que les forces armées américaines ne peuvent aujourd’hui se permettre d’évincer cette technologie, sous peine d’être devancées par leurs adversaires, comme la Chine et la Russie. « Je ne pense pas que nous puissions gagner une course aux armes intelligentes en pensant que cela n’arrivera pas », déclare-t-il dans un communiqué. Ainsi, le jeune entrepreneur de 27 ans ambitionne d’apporter toute la technologie nécessaire (intelligence artificielle, véhicules autonomes et robotique) à un corps d’armée qu’il juge vieillissant…
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En dehors des applications militaires de ses technologies, d’autres choix passés de Luckey l’opposent à plusieurs entités de la sphère IT américaine. Tandis que le secteur s’oppose vivement à la politique de Donald Trump — notamment sur des sujets tels que l’immigration ou les droits des personnes transgenres —, Luckey est un éminent partisan du Président. Facebook, qui avait racheté la société Oculus VR en 2014, a d’ailleurs limogé Luckey en 2017, peu de temps après la médiatisation du rôle trouble qu’il aurait joué dans les publicités anti-Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle de 2016.
Anduril compte aujourd’hui des membres du gouvernement parmi ses clients, mais les élections américaines de novembre pourraient déboucher sur des priorités nationales différentes. Luckey ne semble pas s’en inquiéter : « Le ministère de la Défense est une machine intemporelle », a-t-il déclaré.