Mardi 22 septembre, le président chinois Xi Jinping a annoncé, contre toute attente, que la Chine prévoyait de devenir totalement neutre en carbone d’ici 2060. Une initiative surprenante et très ambitieuse de la part du pays le plus pollueur au monde, avec plus de 9 milliards de tonnes d’émissions de CO2 par an. Mais si l’objectif était atteint, cela constituerait un nouvel espoir dans la lutte contre le changement climatique.
« L’humanité ne peut plus ignorer les avertissements répétés de la nature », a déclaré Xi Jinping dans sa visioconférence, lors de l’assemblée générale des Nations unies. Si la Chine s’engage pleinement dans cette voie — ce qui est techniquement possible selon les experts —, l’impact environnemental sera considérable et influera largement sur l’avenir du climat.
Un pays tourné vers les énergies vertes
Des mesures « plus vigoureuses » pour atteindre les objectifs climatiques énoncés dans l’Accord de Paris, c’est ce que promet le président chinois. Rappelons que l’objectif de cet accord sur le climat est de contenir d’ici à 2100 le réchauffement climatique « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ». Pas de détails concernant ce plan ambitieux, mais il se peut que la Chine dévoile davantage ses actions l’année prochaine, lorsque le gouvernement publiera la prochaine version de son plan quinquennal, décrivant les objectifs du pays.
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La Chine se donne donc quarante ans pour devenir neutre en carbone. Atteindre la neutralité en carbone, cela signifie que toutes les émissions de gaz à effet de serre sont compensées par un système permettant de retirer ces gaz de l’atmosphère. Plusieurs spécialistes de l’environnement estiment que le calendrier annoncé est réaliste. Au passage, rappelons que l’Europe s’est fixé la date de 2050, soit dix ans plus tôt, pour atteindre le même objectif.
Est-ce que la Chine pourra relever le défi ? C’est possible, mais pas si simple. Aujourd’hui, la Chine produit 85% de son énergie à partir de combustibles fossiles et brûle à elle seule environ autant de charbon que le reste du monde. Le pari a donc de quoi laisser dubitatif. « Ce qui est envisagé ici n’a jamais été fait auparavant […] C’est un défi monumental », a déclaré Neil Beveridge, analyste chez Bernstein Research. « C’est un grand défi qui impliquera l’arrêt ou la rénovation d’un grand nombre de centrales à énergies fossiles relativement modernes », souligne Neil Hirst, chercheur à l’Imperial College London.
De 1990 à 2015, la consommation énergétique de la Chine a triplé, passant de 650 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) à 1900 Mtep ! Pour répondre à ses besoins, le pays s’est appuyé sur une source d’énergie dont il dispose en grande quantité, le charbon, grâce auquel il assure 65% de la production de l’électricité. Mais la Chine dispose aussi des plus grandes capacités mondiales d’énergie hydraulique : le barrage des Trois-Gorges sur le fleuve Yangzi Jiang — la plus grande centrale hydroélectrique au monde — produisait en 2009 environ 84,7 TWh d’électricité par an, soit une puissance moyenne annuelle de 9700 mégawatts.
Parallèlement, l’énergie solaire et éolienne connaissent une hausse constante dans le pays : de 2015 à 2017, la capacité installée en solaire photovoltaïque a plus que doublé ; la croissance de l’éolien a ralenti depuis 2015, mais la Chine détient environ un tiers de la capacité éolienne mondiale. Résultat : elle est aujourd’hui le plus grand producteur d’électricité renouvelable dans le monde ; 26% de son électricité sont issus d’énergies renouvelables. Le pays est donc véritablement tourné vers l’énergie verte depuis quelques années.
Un effort honorable, qui laisse sceptique
Mais malgré ces récents efforts, la Chine demeure le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre ; elle émet environ 28% du CO2 mondial. Son récent boom économique et la taille de sa population (1,4 milliard d’habitants) font que le pays consomme toujours plus de charbon et continue à construire de nombreuses centrales à charbon à travers le pays. Le Global Energy Monitor et le Center for Research on Energy and Clean Air rapportaient au mois de juin que l’équivalent de 97,8 GW étaient en cours de construction et 151,8 GW supplémentaires étaient en préparation. Le tout représente une augmentation de 21% par rapport à fin 2019.
Seul l’avenir dira si la Chine est capable de tenir ses engagements. En attendant, certains spécialistes de l’Empire du Milieu demeurent sceptiques « Déjà, à la fin du XXe siècle, la Chine voulait ramener sa consommation de charbon à 1,2 milliard de tonnes par an. Or, en 2018, elle en a consommé 4,84 milliards de tonnes. Donc les promesses pour 2060… », résume François Godement, spécialiste de l’Asie à l’Institut Montaigne.
En attendant, l’annonce donne un second souffle à l’Accord de Paris. « Tous les pays doivent prendre des mesures décisives pour honorer cet accord », a encore déclaré Xi Jinping, désignant implicitement son rival occidental. Car bien entendu, la décision de Pékin vient aussi alimenter la pseudo guerre froide qui oppose actuellement la Chine et les États-Unis. En effet, le discours de Xi Jinping est aussi une manière de montrer que la Chine prend les questions climatiques bien plus au sérieux que les États-Unis.
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Donald Trump a pourtant profité de son allocution à l’ONU ce 22 septembre, pour dénoncer les violations environnementales effectuées par la Chine (notamment concernant le rejet de plastique dans les océans). Une intervention plutôt déplacée lorsque l’on sait que les États-Unis, deuxième pollueur mondial (avec un peu moins de 5 milliards de tonnes d’émissions de CO2 par an), se sont bien gardés d’émettre le moindre objectif en matière de lutte contre le réchauffement. Dès son élection, Trump s’est même retiré de l’accord de Paris, comme il l’avait promis durant sa campagne ! Légalement, le retrait ne sera officiel qu’au lendemain des prochaines élections présidentielles.
Tous les regards sont donc désormais tournés vers Washington, car le candidat démocrate, Joe Biden, a promis de redevenir signataire de l’Accord de Paris et de faire en sorte que les États-Unis atteignent la neutralité carbone d’ici 2050. Et si les deux superpuissances mondiales prennent de réels engagements contre le réchauffement climatique, l’avenir pourrait devenir un peu moins sombre que prévu.