Cela fait quelque temps que le MIT travaille sur le projet : une source d’énergie révolutionnaire à zéro émission, un réacteur à fusion nucléaire compact baptisé SPARC. Aujourd’hui, l’équipe chargée de définir et d’affiner la physique à la base de l’engin affirme, après plusieurs mois de travaux de recherche, que le concept est « très susceptible de fonctionner ». L’une des sources d’énergie les plus prometteuses sera-t-elle « bientôt » disponible ?
Il y a deux ans et demi, le MIT concluait un accord avec la start-up Commonwealth Fusion Systems pour développer un réacteur à fusion nouvelle génération, appelé SPARC. Les recherches en physique théorique autour de ce projet — sept articles au total, rédigés par 47 chercheurs de 12 institutions — sont très encourageantes. « Dans l’ensemble, les travaux progressent sans heurt et sur la bonne voie », se réjouit Martin Greenwald, directeur adjoint du Plasma Science and Fusion Center du MIT et chef du projet.
Un concept validé par de nombreuses recherches
Le projet est donc en bonne voie de concrétisation. Aucun obstacle inattendu ne s’est pour le moment manifesté pendant les différentes étapes de son développement, ce qui renforce la confiance de l’équipe dans la réalisation de sa mission. La technologie promet de devenir un jour un moyen sûr et propre de produire de l’énergie en fusionnant des noyaux atomiques, à l’instar des réactions qui se déroulent au cœur du Soleil.
SPARC est l’un des plus grands projets privés du domaine de la fusion, et même le premier du genre : ce réacteur à « plasma brûlant » est conçu pour fusionner différents isotopes de l’élément hydrogène pour former de l’hélium, sans autre apport d’énergie. L’étude du comportement de ce plasma brûlant est considérée comme cruciale pour accéder à l’étape suivante : le développement d’un prototype fonctionnel d’une centrale électrique pratique et génératrice d’énergie. L’atout de ces centrales à fusion ? Elles pourraient réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre issues du secteur de la production d’électricité, l’une des principales sources de cette pollution dans le monde.
À l’origine, les chercheurs se donnaient une quinzaine d’années pour atteindre leur objectif ; les travaux de recherche récemment publiés suggèrent que ce calendrier pourra bel et bien être respecté. « Cette série d’articles fournit un haut niveau de confiance dans la physique des plasmas et les prévisions de performance pour SPARC », souligne Greenwald. Il ajoute que ces recherches théoriques permettront également de répondre aux questions relatives à la conception technique au fur et à mesure de son déroulement.
Au total, sept articles scientifiques, publiés dans le Journal of Plasma Physics, décrivent les bases physiques théoriques et empiriques du nouveau système de fusion, que le consortium prévoit de commencer à construire l’année prochaine. L’équipe du projet dispose donc d’une base solide pour le fonctionnement de l’appareil une fois construit. Pour ces scientifiques, c’est aussi l’occasion de valoriser ce travail de grande envergure qui pourrait un jour révolutionner le secteur de l’énergie : « C’est notre première occasion de raconter notre histoire, de la faire réviser, d’obtenir le sceau d’approbation et de la diffuser dans la communauté », explique Greenwald.
Des performances comparables à l’ITER
Jusqu’à présent, seuls des changements mineurs ont été apportés à la conception générale. Le diamètre du tokamak a par exemple été augmenté d’environ 12%, mais Greenwald précise que peu de choses ont changé en dehors de cela. Et pour cause : en dehors des contraintes mécaniques et thermiques inhérentes à la machine, la moindre modification pourrait affecter ses performances !
Grâce aux progrès réalisés dans le domaine des aimants supraconducteurs, l’équipe espère atteindre avec son engin compact des performances comparables à celles de réacteurs beaucoup plus grands, comme le gigantesque réacteur ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) de Cadarache, dont l’assemblage a commencé au mois de juillet. Ces aimants sont utilisés pour contenir les réactions extrêmement chaudes et à haute pression qui se déroulent à l’intérieur du réacteur, l’un des plus grands défis de la fusion. Les nouveaux types d’aimants supraconducteurs permettent de construire des systèmes de fusion plus petits.
Selon les calculs de l’équipe, SPARC devrait être en mesure de produire deux fois plus d’énergie de fusion que la quantité nécessaire pour générer la réaction. Une véritable prouesse, car ce serait la première fois qu’un plasma de fusion de quelque nature que ce soit produirait plus d’énergie qu’il n’en consommerait. En outre, la théorie suggère qu’il pourrait même être possible de générer dix fois cette quantité ! Mais beaucoup de travail reste à faire avant de pouvoir le confirmer.
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Si ces premiers travaux permettent d’établir la base physique sous-jacente de SPARC, les recherches continuent pour identifier les derniers éléments de conception de la machine et définir les procédures d’exploitation et les tests qui seront impliqués à mesure que les travaux progresseront vers la centrale électrique. Parmi les détails techniques qui restent à éclaircir se trouvent les meilleurs moyens d’introduire de l’énergie et du carburant dans l’appareil, de couper l’alimentation, de faire face à des transitoires thermiques ou de puissance soudains, et aussi, comment et où mesurer les paramètres clés pour surveiller le fonctionnement de la machine ?
Les limites imposées par la pandémie de COVID-19 ont ralenti un peu l’avancement du projet, mais Greenwald n’est pas inquiet : « Nous visons toujours un début de construction vers juin 2021 », affirme-t-il. Le MIT espère achever son réacteur compact au cours des trois à quatre prochaines années, avec pour objectif final de produire de l’électricité à partir de 2035.