C’est une découverte étonnante qu’ont réalisée des astronomes du programme de relevé des objets célestes Sloan Digital Sky Surveys (APOGEE). Ils ont identifié ce qui semble être une « galaxie fossile », cachée dans les profondeurs de notre propre galaxie, la Voie lactée. La communauté scientifique s’enthousiasme et s’attend à devoir revoir les modèles expliquant la formation de la Voie lactée.
Les astronomes, travaillant récemment avec les données de l’expérience sur l’évolution galactique de l’observatoire Apache Point au Nouveau-Mexique (États-Unis) du Sloan Digital Sky Surveys (APOGEE), sont eux-mêmes surpris de la découverte. Les conclusions de leur étude, publiée la semaine dernière dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, pourraient bien bouleverser notre compréhension de la façon dont la Voie lactée s’est développée pour devenir la galaxie que nous connaissons aujourd’hui.
La galaxie fossile proposée pourrait avoir heurté la Voie lactée il y a dix milliards d’années, lorsque notre galaxie n’en était encore qu’à ses débuts. Les astronomes l’ont appelée Héraclès, en hommage au héros de la Grèce antique qui a reçu le don de l’immortalité lors de la création de la Voie lactée.
Les vestiges d’Héraclès représentent environ un tiers du halo sphérique de la Voie lactée. Mais si les étoiles et le gaz d’Héraclès constituent un pourcentage aussi important du halo galactique, pourquoi ne l’avons-nous pas repérée avant ? La réponse réside dans sa localisation au plus profond de la Voie lactée.
Comme trouver des aiguilles dans une botte de foin
« Pour trouver une galaxie fossile comme celle-ci, nous avons dû examiner la composition chimique détaillée et les mouvements de dizaines de milliers d’étoiles », explique Ricardo Schiavon de l’université John Moores de Liverpool (LJMU) au Royaume-Uni, membre de l’équipe de recherche. « C’est particulièrement difficile à faire pour les étoiles situées au centre de la Voie lactée, car elles sont cachées à la vue par des nuages de poussière interstellaire. APOGEE nous permet de percer cette poussière et de voir plus profondément au cœur de la Voie lactée que jamais auparavant ».
Pour ce faire, APOGEE observe les spectres des étoiles en lumière proche infrarouge, au lieu de la lumière visible, obscurcie par la poussière. Au cours de ses dix années d’observation, APOGEE a mesuré les spectres de plus d’un demi-million d’étoiles dans l’ensemble de la Voie lactée, y compris son noyau.
« L’examen d’un si grand nombre d’étoiles est nécessaire pour trouver des étoiles inhabituelles dans le cœur densément peuplé de la Voie lactée, ce qui est comme trouver des aiguilles dans une botte de foin », explique Danny Horta, étudiant diplômé de LJMU et auteur principal de cette nouvelle étude. Pour séparer les étoiles appartenant à Héraclès de celles de la Voie lactée, l’équipe a analysé et comparé à la fois les compositions chimiques et les vitesses des étoiles mesurées par l’instrument APOGEE. « Sur les dizaines de milliers d’étoiles que nous avons examinées, quelques centaines avaient des compositions chimiques et des vitesses étonnamment différentes », déclare Horta.
Comme les galaxies se développent par la fusion de galaxies plus petites au fil du temps, les restes des galaxies plus anciennes sont souvent repérés dans le halo extérieur de la Voie lactée, un immense nuage d’étoiles enveloppant la galaxie principale. Mais comme notre galaxie s’est construite de l’intérieur, pour identifier les premières fusions, il est nécessaire d’observer les parties les plus centrales du halo galactique, qui sont enfouies profondément dans le disque.
Une galaxie plus inhabituelle qu’on ne le pensait
Les étoiles appartenant à l’origine à Héraclès représentent environ un tiers de la masse de l’ensemble du halo de la Voie lactée aujourd’hui — ce qui signifie que cette collision ancienne a dû être un événement majeur dans l’histoire de notre galaxie. Cela suggère que notre galaxie est peut-être inhabituelle, puisque la plupart des galaxies spirales massives similaires ont eu des vies primitives beaucoup plus calmes. « En tant que notre foyer cosmique, la Voie lactée est déjà spéciale pour nous, mais cette ancienne galaxie enfouie en son sein la rend encore plus spéciale », déclare Schiavon.
« APOGEE est l’une des études phares de la quatrième phase du SDSS, et ce résultat est un exemple de la science étonnante dont tout le monde peut être l’acteur, maintenant que nous avons presque terminé notre mission de dix ans », commente Karen Masters, porte-parole du SDSS-IV.
Et cette nouvelle ère de découvertes ne se terminera pas avec l’achèvement des observations d’APOGEE. En effet, la cinquième phase du SDSS a déjà commencé à recueillir des données, et son « Milky Way Mapper » s’appuiera sur le succès d’APOGEE pour mesurer les spectres de dix fois plus d’étoiles dans les différentes régions de la Voie lactée, en utilisant la lumière proche infrarouge, la lumière visible ou les deux.
La simulation ci-dessous montre la formation d’une galaxie similaire à la Voie lactée, sur environ 13 milliards d’années :