Depuis le lancement du premier satellite (Spoutnik-1) le 4 octobre 1957, et d’autant plus depuis l’arrivée des nouvelles technologies de lancement — notamment les fusées réutilisables de SpaceX, la problématique des déchets spatiaux ne cesse de prendre de l’ampleur. En effet, plus les années passent, plus nous avons de facilité à envoyer des objets en orbite. De ce fait, leur nombre commence à devenir inquiétant. Actuellement, il y a environ 2800 satellites fonctionnels en orbite autour de la Terre. Un chiffre qui paraît déjà élevé, mais qui n’est rien comparé à la quantité de satellites défunts et de débris spatiaux.
Les scientifiques estiment que près de 25’000 objets, dont 3000 satellites morts, orbitent actuellement autour de la Terre. Et encore une fois, ce chiffre ne tient pas compte des environ 900’000 débris de moins de 10 centimètres de long, qui pourraient causer de sérieux dégâts si un morceau frappait le mauvais satellite au mauvais moment.
Depuis de nombreuses années donc, les scientifiques et les ingénieurs du monde entier travaillent d’arrache-pied pour tenter de résoudre le problème, et l’Agence spatiale européenne, en collaboration avec l’entreprise ClearSpace, prévoit de mettre en œuvre une solution pour le moins originale et inattendue : un satellite chasseur muni d’une « pince spatiale » qui saisirait les satellites défunts et les renverrait dans l’atmosphère terrestre. Dans le cadre de la première mission d’essai, l’objet capturé et la pince elle-même rentreront ensemble dans l’atmosphère. Mais à terme, la pince chasseuse relâchera les objets pour qu’ils brulent dans l’atmosphère puis remontera pour en capturer d’autres.
Une start-up suisse
Le projet a été initialement proposé en 2019, mais l’ESA vient de signer officiellement un contrat avec la start-up suisse ClearSpace pour construire et lancer sa toute première mission d’enlèvement des débris, appelée ClearSpace-1. La première cible de la pince est un VESPA (Vega Secondary Payload Adapter), qui est en orbite autour de la Terre depuis qu’il a contribué au lancement d’une fusée Vega de l’ESA en 2013. Le VESPA pèse 112 kg et, selon l’ESA, sa taille est proche de celle d’un petit satellite.
Pour en savoir plus sur le système, Trust My Science a directement posé la question à ClearSpace : dites-nous-en plus sur le fonctionnement exact du système ? « Le système est un chasseur robotique qui a la capacité de naviguer de façon autonome, mais supervisé pour assurer un service qui ne crée pas de nouveaux débris. ClearSpace-1 va être lancé sur une orbite basse, à environ 500 km d’altitude, où nous pourrons faire des tests et aussi rattraper l’orbite du VESPA. Une fois cette orbite du VESPA alignée avec l’orbite de ClearSpace-1, le satellite fera des manœuvres pour monter à plus haute altitude et pour procéder au rendez-vous. Le rendez-vous sera fait par phases afin de se rapprocher, après vérifications, du VESPA. La dernière phase sera la capture, moment clé où l’approche se fera de façon très lente et contrôlée. Le système de capture sera ouvert, et ClearSpace-1 viendra entourer le VESPA, pour refermer ses bras autour. Nous procèderons alors à la phase finale où le ClearSpace-1 et le VESPA redescendront ensembles dans l’atmosphère terrestre, où ils seront consumés lors de la rentrée atmosphérique », répond Muriel Richard-Noca, co-fondatrice de ClearSpace.
Dans le cadre de cette première mission, le satellite chasseur et le débris VESPA reviendront dans l’atmosphère, « mais pour le service commercial, les doigts relâcheront le VESPA, qui lui rentrera dans l’atmosphère et le chasseur ira chercher un autre débris », ajoute Richard-Noca.
L’ESA contribue à hauteur de 86 millions d’euros au coût de la mission, tandis que ClearSpace devrait financer le reste. À savoir que l’entreprise tente de faire de l’enlèvement des déchets spatiaux l’une de ses activités à long terme. ClearSpace pense lancer sa première mission en 2025. Espérons donc que cette mission sera la première d’une longue série, et qu’ils puissent éventuellement améliorer rapidement leur premier système pour le rendre plus efficace. Nous avons littéralement pollué les orbites terrestres proches et continuons de le faire à une vitesse exponentielle. Pour cette raison, nettoyer derrière nous n’est plus une option.
Des cas dangereux à traiter en priorité
Les collisions entre objets de toutes tailles peuvent créer des débris supplémentaires, mais une préoccupation majeure est la rupture des satellites ou des corps de fusée provoquée par l’explosion des batteries ou des réservoirs de propergol qui s’y trouvent. « Les explosions en orbite, causées par les restes d’énergie (carburant et batteries) à bord des engins spatiaux et des fusées, sont la principale cause du problème actuel des débris spatiaux », a déclaré dans un communiqué Holger Krag, responsable du programme de sécurité spatiale de l’ESA. « Malgré les mesures mises en place depuis des années pour prévenir ce phénomène, nous ne constatons aucune diminution du nombre de ces événements ».
Les corps de fusées sont particulièrement préoccupants car, en raison de leur taille, ils peuvent engendrer un grand nombre d’objets. Par exemple, la désintégration d’un étage supérieur d’un lanceur japonais H-IIA en 2019 a créé plus de 70 débris, dont l’un s’est suffisamment approché de la Station spatiale internationale en septembre pour justifier une légère manœuvre d’évitement de la station.
Une idée
Pour ma part, je pense qu’une idée envisageable à long terme serait celle de responsabiliser davantage les propriétaires des objets en orbite les plus encombrants ou dangereux (une fois arrivés en fin de vie) ainsi que les entreprises spatiales chargées des lancements : le client propriétaire contribuerait financièrement (dans le cas où son système ne prévoit pas une destruction planifiée dans l’atmosphère), à l’avance, à une taxe de pollution spatiale augmentée des frais de retrait du satellite une fois arrivé en fin de vie. De son côté, l’entreprise ou l’agence spatiale procéderait à l’enlèvement du satellite défunt le moment venu (s’ils estiment que celui-ci ne retombera pas dans l’atmosphère dans un délai imparti), avec ses propres moyens technologiques (qu’elle serait légalement tenue de développer et maintenir) ou le cas échéant en étant sous contrat avec des entreprises comme ClearSpace.
De cette façon, bien qu’une telle organisation soit techniquement et administrativement lourde pour une entreprise spatiale (ce qui n’est pas forcément un point négatif étant donné le nombre d’emplois que cela pourrait générer), le problème des débris spatiaux deviendrait sans doute rapidement gérable. Imaginez cette conversation dans un 2040 utopique : – « Tu fais quoi dans la vie ? », – « Je traque les débris spatiaux dangereux… Je me charge de leur suivi et je planifie leur destruction ou leur récupération »… Ça sonne plutôt bien n’est-ce pas ?
Animation montrant le ramassage d’un adaptateur de chargement VESPA par une pince ClearSpace :