Dans le modèle cosmologique standard — le modèle lambda-CDM (pour cold dark matter) —, les anomalies détectées dans les courbes de rotation des galaxies, la formation des grandes structures et certaines lentilles gravitationnelles sont toutes expliquées par la présence d’une forme de matière inconnue et invisible appelée matière noire. Si elle est actuellement un domaine de recherche très actif et l’hypothèse prédominante, elle n’est cependant pas la seule à être proposée pour expliquer ces phénomènes. Une théorie concurrente, appelée MOND (théorie de la dynamique newtonienne modifiée), se passe de matière noire et se base sur une modification de la seconde loi de Newton aux accélérations très faibles. Et récemment, des chercheurs ont observé un des mécanismes essentiels de MOND dans les galaxies, confortant la plausibilité de la théorie.
Un groupe international de cosmologistes, dont la présidente du département d’astronomie de l’Université Case Western Reserve, Stacy McGaugh, a publié des recherches proposant qu’une hypothèse cosmologique concurrente de la matière noire prédit plus précisément un phénomène galactique qui semble défier les règles classiques de la gravité.
Les partisans de la matière noire théorisent que la plus grande partie de la matière de l’Univers connu est faite d’un matériau qui n’interagit pas avec la lumière, ce qui la rend invisible et indétectable — mais que cette matière représente une grande partie de l’attraction gravitationnelle entre les galaxies. C’est la théorie dominante depuis près de 50 ans.
La détection de l’effet de champs externes dans plus de 150 galaxies
La théorie MOND, une contre-explication introduite par le physicien Mordehai Milgrom de l’Institut Weizmann (Israël) au début des années 1980, suggère que cette attraction gravitationnelle existe parce que les règles de la gravité sont légèrement modifiées. Au lieu d’attribuer l’attraction gravitationnelle excessive à une matière noire invisible et indétectable, MOND suggère que la gravité à de faibles accélérations est plus forte que ce qui serait prédit par une compréhension newtonienne pure.
De plus, MOND a fait une prédiction audacieuse : les mouvements internes d’un objet dans le cosmos ne devraient pas seulement dépendre de la masse de l’objet lui-même, mais aussi de l’attraction gravitationnelle de toutes les autres masses de l’univers : un phénomène appelé effet de champ externe (EFE). Milgrom déclare que les résultats, s’ils étaient solidement confirmés, seraient « le fait prouvant que les galaxies sont gouvernées par une dynamique modifiée plutôt que d’obéir aux lois de Newton et de la relativité générale ».
McGaugh et ses collaborateurs disent avoir détecté cet EFE dans plus de 150 galaxies étudiées. Leurs résultats ont été publiés récemment dans la revue The Astrophysical Journal. « L’effet de champ externe est une signature unique de MOND qui ne se produit pas dans la gravité de Newton-Einstein. Cela n’a aucune analogie dans la théorie conventionnelle avec la matière noire. La détection de cet effet est un véritable casse-tête », explique McGaugh.
« J’ai travaillé sous l’hypothèse que la matière noire existe, donc ce résultat m’a vraiment surpris. Au départ, j’étais réticent à interpréter nos propres résultats en faveur de MOND. Mais maintenant, je ne peux pas nier le fait que les résultats tels qu’ils sont soutiennent clairement MOND plutôt que l’hypothèse de la matière noire », déclare Kyu-Hyun Chae, astrophysicien à l’université de Corée du Sud.
Des résultats renforçant la plausibilité de la théorie MOND
Le groupe a analysé 153 courbes de rotation de galaxies à disque dans le cadre de leur étude. Les galaxies ont été sélectionnées à partir de la base de données Spitzer Photometry and Accurate Rotation Curves (SPARC), créée par Federico Lelli. Les auteurs déclarent avoir déduit l’EFE en observant que les galaxies dans des champs externes puissants ralentissaient (ou présentaient des courbes de rotation décroissantes) plus fréquemment que les galaxies dans des champs externes plus faibles — comme le prédit MOND.
Lelli explique qu’il était sceptique quant aux résultats de départ. « parce que l’effet de champ externe sur les courbes de rotation devrait être minime. Nous avons passé des mois à vérifier diverses systématiques. En fin de compte, il est devenu clair que nous avions une détection réelle et solide ».
McGaugh indique que le scepticisme fait partie du processus scientifique et comprend la réticence de nombreux scientifiques à considérer la théorie MOND comme une possibilité. « Je viens du même endroit que ceux de la communauté de la matière noire. Ça fait mal de penser que nous pourrions nous tromper. Mais Milgrom l’a prédit il y a plus de 30 ans avec MOND. Aucune autre théorie n’a prédit le comportement observé ».