Le domaine aéronautique a bénéficié de grandes avancées technologiques ces dernières décennies, notamment concernant la sécurité, mais également au niveau de l’efficacité énergétique. Cependant, il lui reste un point très critiqué, celui de l’émission d’une importante quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, contribuant au réchauffement climatique. De ce fait, les scientifiques tentent depuis des années de pallier ce problème en imaginant et testant des procédés de capture du carbone afin d’en produire du carburant. Mais jusqu’ici, aucun n’a démontré un rendement suffisant pour rendre un tel système rentable (énergétiquement et financièrement).
Récemment, des chercheurs de l’Université d’Oxford ont présenté un système semblant répondre à ce besoin : un nouveau catalyseur à base de fer qui convertit le dioxyde de carbone en carburéacteur (carburant pour avions) avec un rendement très acceptable pour un prototype. Les détails ont été publiés le 22 décembre dans la revue Nature Communications.
Comment produire des avions qui polluent moins ? On pourrait par exemple penser à l’énergie électrique d’origine éolienne ou solaire, mais contrairement aux voitures, les avions (du moins ceux transportant des passagers) ne peuvent pas assumer le poids de batteries suffisamment grandes pour fonctionner entièrement à l’électricité… Du moins pas avec les technologies actuellement disponibles.
Transformer le CO2 en carburéacteur en une seule étape
Les chercheurs se sont donc demandé : et si le CO2, plutôt que le pétrole, était utilisé pour fabriquer du carburant en une seule étape ? En effet, cela pourrait fortement réduire l’empreinte carbone de l’industrie du transport aérien, qui représente actuellement 12% de toutes les émissions de CO2 liées au transport.
Les tentatives passées de conversion du dioxyde de carbone en carburant ont fait appel à des catalyseurs fabriqués à partir de matériaux relativement coûteux, comme le cobalt, et ont nécessité de multiples étapes de traitement chimique. Mais la nouvelle poudre catalytique développée ici est composée d’ingrédients peu coûteux, dont le fer, et permet de transformer le CO2 en une seule étape.
Il existe deux façons de convertir le CO2 en hydrocarbures liquides : par voie indirecte, qui convertit le CO2 en CO ou en méthanol et ensuite en hydrocarbures liquides, ou la voie d’hydrogénation directe du CO2, généralement décrite comme une combinaison de la réduction du CO2 en CO par la réaction de conversion inverse du gaz à l’eau (RWGS) et de l’hydrogénation ultérieure du CO en hydrocarbures à longue chaîne par le procédé (ou synthèse) de Fischer-Tropsch (FTS).
Le carburéacteur peut alors être obtenu à partir des produits, après des traitements reconnus industriellement tels que la distillation ou l’hydro-isomérisation. « La deuxième voie, directe, est généralement reconnue comme étant plus économique et plus acceptable sur le plan environnemental, car elle comporte moins d’étapes de traitement chimique et la consommation énergétique globale pour l’ensemble du processus est plus faible », expliquent les chercheurs dans le document.
Lorsqu’il est placé dans une chambre de réaction avec du dioxyde de carbone et de l’hydrogène gazeux, le catalyseur aide le carbone des molécules de CO2 à se séparer de l’oxygène et à se lier à l’hydrogène — formant ainsi les molécules d’hydrocarbures qui composent le carburant des avions. Les atomes d’oxygène restants du CO2 se joignent à d’autres atomes d’hydrogène pour former de l’eau.
Un rendement prometteur
Tiancun Xiao, un chimiste de l’Université d’Oxford, et ses collègues, ont testé leur nouveau catalyseur convertisseur de dioxyde de carbone dans une petite chambre de réaction réglée à 300 degrés Celsius et pressurisée à environ 10 fois la pression atmosphérique au niveau de la mer (soit environ 10’000 hPa).
En 20 heures, le catalyseur a converti 38% du dioxyde de carbone présent dans la chambre en nouveaux produits chimiques. Environ 48% de ces produits étaient des hydrocarbures de carburéacteur. Parmi les autres sous-produits, on trouve des produits pétrochimiques similaires, comme l’éthylène et le propylène, qui peuvent notamment être utilisés pour fabriquer des plastiques.
« Comme ce dioxyde de carbone est extrait de l’air et réémis par les carburants pour avions à réaction lors de leur combustion en vol, l’effet global est un carburant neutre en carbone. Cela contraste avec les carburéacteurs produits à partir de sources d’hydrocarbures fossiles, où le processus de combustion libère le carbone fossile, qui finit dans l’atmosphère, sur le long terme, sous forme de dioxyde de carbone », écrivent les chercheurs.