Le satellite TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NASA, lancé en avril 2018, est principalement dédié à la recherche d’exoplanètes proches. Mais c’est une tout autre découverte que nous livre aujourd’hui ce télescope spatial : un système de six étoiles situé à environ 1900 années-lumière de la Terre. Quelques autres systèmes du même type ont déjà été découverts dans le passé, mais celui-ci est unique en son genre : il est constitué de trois paires d’étoiles binaires.
Ce système sextuple, nommé TIC 168789840, se situe dans la constellation de l’Éridan. Fait remarquable : les étoiles de ces trois systèmes binaires orbitent autour de trois centres de masse différents et, vues depuis le point d’observation de TESS, s’éclipsent l’une l’autre ! Ce sont d’ailleurs ces éclipses récurrentes, notamment les fluctuations de lumière qu’elles engendrent, qui ont permis aux astronomes de repérer chacune des étoiles. Les trois systèmes restent en outre liés gravitationnellement les uns aux autres et tournent autour d’un même centre galactique, à la manière d’un système stellaire simple.
La plupart des systèmes stellaires découverts par TESS sont des systèmes triples et quadruples. Selon les experts, la probabilité de formation de systèmes de plus de quatre étoiles est faible. Seule une poignée de systèmes sextuples ont été découverts à ce jour. « Avant la découverte de TIC 168789840, il y avait 17 systèmes stellaires sextuples connus, selon la mise à jour de juin 2020 du catalogue ‘Multiple Star’ », précisent le Dr Brian Powell et ses collègues du Goddard Space Flight Center de la NASA.
Une structure stellaire exceptionnelle
Selon Brian Powell, data scientist au centre de recherche des archives scientifiques d’astrophysique des hautes énergies de la NASA, ce système sextuple « existe contre toute attente ». « Le simple fait qu’il existe me bouleverse », déclare-t-il. En effet, ce système adopte une structure hiérarchique atypique : un système quadruple interne (deux binaires à éclipses, désignés A et C), accompagné d’un sous-système binaire externe (noté B). De plus, les trois étoiles binaires du système constituent en réalité un « triplet », car chaque binaire est similaire aux autres en termes de masse, de rayon et de température.
Les étoiles primaires des systèmes binaires ont des masses comprises entre 1,23 et 1,3 fois celle du Soleil et des rayons compris entre 1,46 et 1,69 rayon solaire. Les étoiles secondaires ont, quant à elles, des masses équivalentes à 0,56-0,66 masse solaire et des rayons de 0,52-0,62 rayon solaire. Les scientifiques ont également déterminé les périodes orbitales des différents systèmes binaires : 38 heures pour le binaire A, 31 heures pour le binaire C et 197 heures pour le binaire B, « de sorte que les binaires A et C forment un quadruple sous-système interne d’une période d’environ 4 ans, et que le binaire B forme le sous-système externe avec une période d’environ 2000 ans », précisent les astronomes.
Les scientifiques à l’origine de la découverte soulignent que parmi les systèmes sextuples connus, TIC 168789840 est celui qui ressemble le plus au célèbre système Castor, lui aussi composé de trois binaires proches. Malgré cette grande similitude, la présence des six éclipses (trois primaires, trois secondaires), et le triplet formé par les systèmes binaires, font de TIC 168789840 un système unique en son genre, « qui mérite des recherches plus approfondies sur sa formation et son évolution », soulignent les auteurs de l’article relatant cette découverte.
Six étoiles, six éclipses
À 1900 années-lumière de la Terre, les télescopes ne peuvent pas résoudre les étoiles d’un tel système individuellement ; elles se confondent en un seul et même point lumineux. Pour identifier TIC 168789840 à partir des données collectées par TESS, les scientifiques ont exploité un réseau neuronal artificiel, qui s’exécute dans Discover — le supercalculateur de la NASA —, conçu pour rechercher des modèles de gradation et de luminosité qui pourraient indiquer la présence de systèmes stellaires complexes.
Depuis sa mise en service, TESS a permis de découvrir plus d’une centaine de systèmes d’étoiles triples et quadruples. « Au-delà des étoiles quadruples, la probabilité que des systèmes avec plus d’étoiles soient identifiés par la photométrie seule est faible », explique un spécialiste. Mais par chance, les trois systèmes binaires étaient positionnés de manière à ce que leurs éclipses respectives soient repérables (les étoiles orbitent sur un plan parfaitement aligné avec la Terre). Ainsi, les chercheurs ont rapidement été intrigués par la variation de lumière observée au niveau de TIC 168789840.
Pour l’instant, aucune exoplanète n’a été confirmée dans ce système stellaire. Cependant, du fait que deux des binaires du système tournent très près l’un de l’autre (formant leur propre sous-système quadruple), les astronomes pensent que toutes les planètes en orbite autour de cet amas seraient probablement éjectées ou englouties par l’une des quatre étoiles. Le troisième binaire, en revanche, situé relativement loin des deux autres, pourrait probablement héberger des exoplanètes. À présent, les astronomes espèrent collecter davantage de données, voire découvrir d’autres systèmes sextuples, qui leur permettront de mieux comprendre la formation de ces systèmes rares.