La Chine et la Russie vont signer un accord pour une station lunaire internationale

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| NASA/SAIC/Pat Rawlings
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Dans un communiquรฉ publiรฉ le 11 fรฉvrier, le gouvernement de la Fรฉdรฉration de Russie a annoncรฉ quโ€™il sโ€™apprรชtait ร  signer un protocole dโ€™accord avec la Chine, dans le cadre dโ€™une coopรฉration autour du dรฉveloppement dโ€™une station internationale de recherche lunaire. Selon le bureau de presse de lโ€™agence spatiale russe, Roscosmos, les projets de crรฉation de cette station lunaire seront dรฉvoilรฉs ยซย lors dโ€™un รฉvรฉnement international ร  venirย ยป, vraisemblablement lors de la Confรฉrence mondiale sur lโ€™exploration spatiale qui doit se tenir en juin ร  Saint-Pรฉtersbourg.

Selon Roscosmos, la date de signature du protocole dโ€™accord nโ€™a pas รฉtรฉ prรฉcisรฉe et est toujours en discussion avec les partenaires chinois. Aucun dรฉtail nโ€™a รฉtรฉ communiquรฉ sur les contributions exactes de la Russie ร  cet ambitieux projet initiรฉ par la Chine. En 2020, lโ€™Administration spatiale nationale chinoise (CNSA) prรฉsentait lโ€™International Lunar Research Station (ILRS) comme ยซย la premiรจre plateforme de partage de l’humanitรฉ dans le pรดle Sud lunaire, soutenant l’exploration scientifique ร  long terme et ร  grande รฉchelleย ยป.

Tandis que huit pays viennent de sโ€™associer aux ร‰tats-Unis, via la signature des accords Artemis en octobre dernier โ€” sโ€™engageant ainsi ร  respecter les principes de coopรฉration fixรฉs dans le cadre de lโ€™exploration de la Lune, de Mars, des comรจtes et des astรฉroรฏdes โ€”, il semble que la Russie ait donc finalement pris le parti de la Chine, par ยซ mรฉfiance et scepticisme ยป envers les motivations amรฉricaines, selon Zhang Ming, spรฉcialiste des questions de sรฉcuritรฉ internationale et dโ€™espace.

Une dรฉcision liรฉe au contexte gรฉopolitique

Au mois de dรฉcembre, la mission Changโ€™e 5 a rapportรฉ avec succรจs des รฉchantillons du sol lunaire. Les missions suivantes du programme chinois dโ€™exploration lunaire, ainsi que la mission Luna 27 (dรฉveloppรฉe par Roscosmos en collaboration avec lโ€™Agence spatiale europรฉenne), permettront dโ€™effectuer les travaux et recherche prรฉliminaires nรฉcessaires ร  la construction de la future station. Il est prรฉvu que celle-ci soit รฉtablie au niveau du pรดle Sud de la Lune.

Des missions robotiques longue durรฉe, et potentiellement des missions habitรฉes plus courtes, sont envisagรฉes pour le dรฉbut des annรฉes 2030. Lโ€™objectif de la Chine est dโ€™รฉtablir une prรฉsence humaine ร  long terme entre 2036 et 2045. ร€ ce jour, le projet concerne donc la Chine et la Russie, et potentiellement dโ€™autres pays, qui devront nรฉanmoins disposer de leur propre vaisseau spatial sโ€™ils souhaitent apporter leur contribution.

La Russie est pourtant lโ€™un des partenaires clรฉs des ร‰tats-Unis ร  bord de la Station spatiale internationale (ISS). Mais ce ยซ changement de camp ยป ne surprend pas Bleddyn Bowen, maรฎtre de confรฉrences en relations internationales, spรฉcialiste de la politique spatiale, ร  l’Universitรฉ de Leicester au Royaume-Uni. Selon lui, la Russie a toujours รฉtรฉ sceptique vis-ร -vis du projet de station orbitale lunaire, la Lunar Gateway, qui fait partie intรฉgrante du programme Artemis de la NASA.

Selon Bowen, si la Russie a choisi dโ€™abandonner ses partenaires de lโ€™ISS pour se rapprocher de la Chine, cโ€™est essentiellement dรป au contexte gรฉopolitique (le conflit ukrainien notamment, qui perdure depuis 2014). Lโ€™expert explique que ce rapprochement ne concerne pas que lโ€™exploration lunaireย : les deux nations tendent ร  se rapprocher sur plusieurs plans. Ce protocole dโ€™accord repose sur une coopรฉration dรฉjร  existante en matiรจre de science des matรฉriaux, de partage de donnรฉes et dโ€™รฉchanges commerciaux. Bowen souligne par ailleurs quโ€™il ne sโ€™agit que dโ€™un protocole dโ€™accord et que lโ€™on ne sait pas encore ce qui en dรฉcoulera.

Une relation de confiance qui sโ€™รฉtiole

La Chine et la Russie sont des partenaires de longue date en matiรจre dโ€™exploration spatiale. Pourquoi ces deux nations rechignent-elles ร  coopรฉrer avec les ร‰tats-Unis ? Zhang Ming souligne que la Russie a exprimรฉ des inquiรฉtudes sur le fait que le programme Artemis รฉtait trop centrรฉ sur les ร‰tats-Unis. ยซ Les ร‰tats-Unis ont fait progresser leur programme spatial de maniรจre agressive et parfois unilatรฉrale ces derniรจres annรฉes, malgrรฉ les inquiรฉtudes du reste du monde. […] La mรฉfiance et le scepticisme envers les motivations amรฉricaines inciteront la Chine et la Russie ร  approfondir leur coopรฉration spatiale ยป, explique Zhang.

La dรฉcision ne date pas dโ€™hier. L’annรฉe derniรจre, le chef de Roscosmos, Dmitri Rogozine, avait dรฉclarรฉ aux mรฉdias russes que la Chine et la Russie avaient convenu de construire ยซ probablement ยป ensemble une base de recherche lunaire, suite ร  une entrevue avec le directeur de la CNSA, Zhang Kejian. Brian Weeden, de la Secure World Foundation, estime รฉgalement que la scission planait depuis un certain temps, suite ร  l’invasion de l’Ukraine et l’ingรฉrence รฉlectorale de 2016 : ยซ Je pense que nous sommes dans une relation spatiale amรฉricano-russe bien diffรฉrente de celle que nous avions ces derniรจres dรฉcennies ยป, dit-il.

Quel impact cet accord sino-russe aura-t-il sur le programme Artemisย ? Rien de sรฉrieux, selon Weeden, qui explique que le partenariat avec la Russie autour de lโ€™ISS รฉtait davantage motivรฉ par des raisons de sรฉcuritรฉ nationale et de politique รฉtrangรจre que par la nรฉcessitรฉ de disposer de l’expertise russe. ยซ La Russie a en effet une certaine expรฉrience des atterrisseurs lunaires robotiques, mais aucune expรฉrience des vols spatiaux habitรฉs et leur secteur spatial est en dรฉclin depuis un certain temps ยป, ajoute-t-il.

ร€ noter que lโ€™Agence spatiale europรฉenne a elle aussi participรฉ ร  des discussions avec la Chine, alors mรชme quโ€™elle a rรฉcemment officialisรฉ son partenariat avec la NASA autour de la passerelle Artemis. ยซ ร€ l’ESA, nous suivons de trรจs prรจs les plans d’exploration lunaire chinoise, afin de voir oรน nos intรฉrรชts respectifs pourraient se rencontrer, principalement les missions Changโ€™e 6, 7 et 8, mais aussi le projet ILRS ยป, dรฉclarait lโ€™annรฉe derniรจre Karl Bergquist, chargรฉ des relations internationales de l’ESA.

Les prochaines รฉtapes de lโ€™exploration lunaire chinoiseย ? La mission Chang’e 6, prรฉvue pour 2023 ou 2024, dont lโ€™objectif sera de rapporter des รฉchantillons prรฉlevรฉs au niveau du pรดle Sud, suivie de la mission Changโ€™e 7, chargรฉe de dรฉployer un rover lunaire et une mini sonde aรฉrienne. Lโ€™ultime mission du programme, Chang’e 8, sera dรฉdiรฉe ร  l’utilisation des ressources in situ, aux tests d’impression 3D, et aux expรฉrimentations biologiques liรฉes aux sรฉjours longue durรฉe sur la Lune. Ces trois missions constitueront la base robotique de l’ILRS, avant que celle-ci ne devienne une vraie station lunaire, ร  plus long terme.

Source :ย SpaceNews

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