C’est une première dans le monde de la paléontologie : une équipe internationale de chercheurs a découvert un fossile de dinosaure, assis au sommet d’un nid de ses propres œufs, contenant des embryons fossilisés intacts. Le fossile en question est celui d’un oviraptor, un groupe de petits dinosaures théropodes ressemblant à des oiseaux, qui ont prospéré pendant la période du crétacé, il y a 145 à 66 millions d’années.
Le squelette de l’oviraptor est similaire à celui d’une autruche ; il se trouve en position accroupie, sur deux douzaines d’œufs, dont au moins sept étaient au bord de l’éclosion et contenaient encore des embryons. Cette découverte constitue une première preuve tangible du fait que les dinosaures pondaient et couvaient leurs œufs, le temps nécessaire à l’éclosion de leur progéniture.
« Bien que quelques oviraptoridés adultes aient déjà été trouvés sur des nids de leurs œufs, aucun embryon n’a jamais été trouvé à l’intérieur », souligne le paléontologue Matt Lamanna du Carnegie Museum of Natural History (CMNH), qui a participé à la découverte. Ce fossile âgé de 70 millions d’années est donc un spécimen unique, et fournit de nouveaux indices essentiels sur le comportement de ces animaux.
Un dinosaure très proche de ses œufs
Comme l’a précisé Matt Lamanna, de nombreux nids de dinosaures contenant des œufs fossilisés ont été mis au jour depuis les années 1980. Certains incluaient même le squelette du parent sur le dessus. Mais ces quelques vestiges du passé n’étaient pas suffisants pour déduire avec certitude le comportement parental de ces espèces. Bien que ces fossiles suggéraient que les parents oviraptors couvaient leur nid, il était également possible qu’ils soient morts en pondant ou en surveillant leurs œufs, sans nécessairement les incuber.
Ce nouveau nid fossilisé a été découvert dans une zone appelée Nanxiong Formation, située dans la province du Guangdong, au sud de la Chine — une formation géologique du crétacé supérieur, réputée pour sa richesse en œufs de dinosaures fossilisés. Ce nid ne ressemblait à aucun autre découvert auparavant : le lien entre le parent et ses embryons n’avait jamais été si étroit. Selon les paléontologues, le corps de l’adulte se trouvait si proche de ses œufs que très peu de sédiments, voire pas du tout, s’étaient déposés entre les deux.
Par ailleurs, les chercheurs ont eu la surprise de constater que sept des œufs contenaient du matériel embryonnaire, avec des os parfaitement identifiables. L’un d’eux contiendrait même un squelette complet, incluant les vertèbres, les côtes dorsales, un humérus, les os de la hanche (ilium), deux fémurs et un tibia, le tout disposé en position recourbée (fœtale). En outre, l’analyse des isotopes d’oxygène de ces embryons a révélé que la température d’incubation était comprise en 30 et 38°C, des valeurs qui sont cohérentes avec la température corporelle du parent.
La position particulièrement proche de l’adulte vis-à-vis de ses œufs, associée aux stades de croissance avancés des embryons et à leurs températures d’incubation estimées élevées, fournit un soutien solide à l’hypothèse de couvaison. « Les bébés étaient presque prêts à éclore, ce qui signifie sans aucun doute que cet oviraptoridé avait entretenu son nid pendant assez longtemps. Ce dinosaure était un parent attentionné, qui a finalement donné sa vie tout en nourrissant ses petits », explique Lamanna.
Des comportements similaires aux oiseaux modernes
Détail intéressant : les paléontologues ont remarqué que les embryons de la couvée se trouvaient à différents stades de développement, ce qui suggère la présence d’éclosions asynchrones. Or, les scientifiques pensaient jusqu’à présent que cette caractéristique particulière était apparue beaucoup plus tard, chez certains types d’oiseaux seulement. Ces résultats démontrent que l’évolution de la biologie de la reproduction chez les archosaures de la lignée des oiseaux était un processus complexe plutôt que linéaire et incrémentiel, et suggèrent que certains aspects de la reproduction des théropodes non aviaires étaient uniques à ces dinosaures.
La plupart des oiseaux modernes attendent que tous leurs œufs soient pondus avant d’entamer l’incubation, ce qui conduit à une éclosion synchrone. De la même façon, il se peut que les oviraptors aient attendu que l’ensemble des œufs soient pondus avant de les couver ; en effet, les chercheurs estiment possible que les œufs situés au plus haut du nid se soient développés plus rapidement, car ils étaient plus proches de l’adulte couvant. Cette hypothèse nécessite toutefois plus de preuves avant d’être retenue et l’éclosion asynchrone pourrait aussi avoir d’autres explications.
En attendant, cette découverte suggère que les oviraptors ont plusieurs points communs avec les oiseaux modernes. Le parent fossilisé pourrait être un mâle, ce qui suggère que les deux parents participaient à la couvée — un phénomène que l’on observe par exemple chez les mâles et femelles autruche, qui couvent leurs petits à tour de rôle. À noter que le sexe du fossile n’a pas été catégoriquement identifié, mais des études antérieures de nids de théropodes ont déjà mis en évidence le rôle des mâles dans la couvaison.
Enfin, le fossile a également apporté de nouvelles informations sur le régime alimentaire de ces dinosaures : pour la première fois, de petites pierres ont été retrouvées dans l’estomac de l’animal ; elles ont vraisemblablement été ingérées pour faciliter la digestion. Un autre point commun avec les oiseaux modernes.