Les modèles géologiques actuels font remonter la calotte glaciaire groenlandaise à au moins 45 millions d’années et, bien que les données à ce sujet soient relativement disparates, les géologues sont pratiquement certains que cette calotte est restée intacte au cours du dernier million d’années. Toutefois, la récente analyse d’une carotte de glace extraite il y a plus de 50 ans au Groenland est venue contredire cette hypothèse. En effet, des chercheurs y ont trouvé des restes divers de végétaux, indiquant que la couche de glace groenlandaise a fondu au moins une fois en un million d’années, donnant la possibilité aux plantes de pousser. Au-delà de ce constat, cette découverte rappelle la fragilité extrême de la calotte glaciaire et à quel point les conséquences seraient désastreuses en cas de fonte due au réchauffement climatique.
Dans une carotte de glace de 1,4 kilomètre forée dans le nord-ouest du Groenland, des scientifiques ont trouvé des restes végétaux anciens. Cela suggère qu’au moins une fois au cours du dernier million d’années et plusieurs fois au cours des quelques millions d’années précédentes, la calotte glaciaire du Groenland a fondu suffisamment longtemps pendant les périodes chaudes pour qu’une végétation importante — peut-être même une forêt — puisse prendre racine et prospérer.
Des périodes chaudes comme celles que nous traversons actuellement en raison du changement climatique, selon une équipe internationale de chercheurs dirigée par le géologue Andrew Christ de l’Université du Vermont, se sont déjà produites. « Notre étude montre que le Groenland est beaucoup plus sensible au réchauffement climatique naturel que nous ne le pensions ; et nous savons déjà que le réchauffement incontrôlé de la planète par l’humanité dépasse largement le taux naturel », explique Christ.
Arborez un message climatique percutant 🌍
La redécouverte d’une carotte de glace vieille de 55 ans
Les preuves proviennent d’une carotte de 1368 mètres recueillie en 1966 — il y a plus de 50 ans — dans la base militaire de la guerre froide Camp Century. Le plan secret de la base était de creuser un système de tunnels pour cacher des centaines d’armes nucléaires (cela a échoué parce que la glace était trop instable). Le but officiel de la base était, entre autres, de mener des recherches scientifiques, et c’est pourquoi la carotte de glace a été extraite.
La carotte comprenait 14 mètres de glace limoneuse et 3.44 mètres de sédiments gelés sous la calotte glaciaire. Ce sédiment a été emballé, dans des pots de divers types, et déplacé de congélateur en congélateur, pour finalement aboutir dans une chambre froide au Danemark, où il attendait, oublié. Il n’a été redécouvert qu’en 2018, lorsque des chercheurs de l’Université de Copenhague triaient les échantillons stockés en vue de leur transfert dans un nouveau congélateur. Lorsqu’ils ont réalisé ce qu’il y avait dans les bocaux, ils ont mobilisé une équipe pour étudier les restes glacés.
À leur immense surprise, il ne s’agissait pas simplement de glace. Des feuilles et des brindilles fossilisées ont également été trouvées mélangées aux sédiments. « Les calottes glaciaires pulvérisent et détruisent généralement tout sur leur passage. Ce que nous avons découvert, ce sont des structures végétales délicates, parfaitement préservées. C’est une capsule temporelle de ce qui vivait au Groenland il y a des millions d’années », indique Christ.
Une fonte complète de la calotte glaciaire au cours du dernier million d’années
Le climat a beaucoup fluctué au cours de l’histoire de la Terre, avec de multiples périodes glaciaires entrecoupées de périodes interglaciaires plus chaudes. Pendant ces périodes, les scientifiques pensent qu’au moins une certaine couverture de glace a persisté au Groenland au cours des derniers millions d’années, même pendant la période interglaciaire. La carotte du Camp Century, prélevée à une latitude élevée de 77.1667 N, ébranle cette hypothèse.
Selon l’analyse de l’équipe sur les sédiments, des isotopes rares d’aluminium et de béryllium, qui ne se forment que lorsque les rayons cosmiques frappent le sol nu, ont été trouvés dans les plantes. Cela signifie que la région a entièrement fondu et est restée dénuée de glace assez longtemps pour que les rayons cosmiques forment ces isotopes et que la végétation pousse et les absorbe, avec de la mousse et peut-être même des arbres en plein essor.
La datation au radiocarbone et la datation par luminescence — estimant le temps écoulé depuis la dernière exposition du sédiment à la lumière — ont placé cette fonte à moins d’un million d’années. Dans l’ensemble, les preuves suggèrent que la calotte glaciaire du Groenland — qui couvre actuellement environ 80% du territoire — n’est peut-être pas aussi permanente que nous le pensions. Les géologues ont prédit que si la calotte glaciaire du Groenland fondait complètement, la mer pourrait monter jusqu’à 7 mètres, le problème n’est donc pas trivial.