Une étude rapporte que le bain de bouche Listerine® ainsi que la chlorhexidine — une solution bactéricide prescrite en cas d’affection buccopharyngée — pourraient perturber l’action du SARS-CoV-2 en l’empêchant de se répliquer dans les cellules humaines. Ces effets, observés uniquement en laboratoire pour le moment, pourraient être une nouvelle piste pour prévenir la transmission virale.
Lors de tests en laboratoire reproduisant les conditions d’utilisation du produit dans l’environnement buccal, ces solutions pour bains de bouche ont perturbé l’activité du virus en seulement quelques secondes. Plusieurs types de produits, dont la Listerine et la chlorhexidine, ont été testés et se sont révélés efficaces. Des études supplémentaires sont bien entendu nécessaires pour évaluer leur efficacité réelle chez l’Homme.
Cette étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue Pathogens, a été motivée par les besoins exprimés par les chirurgiens-dentistes, particulièrement exposés au risque de contamination. « En tant que dentistes, nous sommes là, face au visage d’un patient. Nous voulions savoir s’il y avait quelque chose qui pourrait réduire la charge virale », déclare Eileen Hoskin, professeure adjointe à l’École de médecine dentaire de l’Université Rutgers (New Jersey) et co-auteure de l’étude.
Une efficacité qui reste à prouver par essai clinique
Le coronavirus lié au syndrome respiratoire aigu sévère est détectable dans la salive d’individus asymptomatiques, ce qui suggère un avantage potentiel de l’utilisation de bains de bouche pour supprimer la charge virale et réduire la propagation du virus. Une équipe de chercheurs a donc étudié l’efficacité de différentes solutions de bains de bouche vis-à-vis de la transmission virale, notamment pour trouver un moyen de protéger les prestataires de soins dentaires des aérosols expirés par leurs patients — qui ne peuvent évidemment pas porter de masque lors des soins. Plusieurs produits dédiés aux soins buccaux ont fait l’objet de tests : la Listerine®, la chlorhexidine, la bétadine et le Peroxal® (peroxyde d’hydrogène).
Mais la bétadine, composée de povidone iodée, tout comme le Peroxal, a entraîné une destruction significative des cellules épithéliales cultivées dans le cadre de l’essai, contrairement aux deux autres solutions. « La Listerine et la chlorhexidine ont causé une destruction minimale des cellules cutanées à des concentrations similaires à celles ce que l’on trouverait dans l’utilisation quotidienne », explique Daniel H. Fine, président du département de biologie buccale de l’École de médecine dentaire et auteur principal de l’étude.
L’objectif est à présent de déterminer si l’utilisation d’un tel produit deux ou trois fois par jour aurait le potentiel de réduire la capacité à transmettre la maladie. Les auteurs soulignent cependant que ces produits doivent tout d’abord faire l’objet d’études en situation réelle ; tant que leur action antivirale n’a pas été confirmée par des essais cliniques sur l’Homme, ils ne doivent en aucun cas être utilisés comme mesure préventive !
Des recherches antérieures ont déjà montré que divers types de bains de bouche antiseptiques étaient capables de perturber le SARS-CoV-2 et empêcher temporairement sa transmission. Un article publié au mois de septembre rapportait que la Listerine et des produits similaires ont été très efficaces pour inactiver le virus infectieux à plus de 99,9%, même avec un temps de contact de seulement 30 secondes. Mais cette nouvelle étude menée par Fine et son équipe est la première à analyser les différents paramètres qui entrent en jeu, à savoir : la concentration de la solution, le temps de contact et l’impact sur les cellules cutanées.
Une action directe et rapide
Des scientifiques de l’école dentaire et des virologues de l’Institut de recherche en santé publique se sont donc penchés sur l’action de ces produits disponibles dans le commerce. Ils ont tout d’abord déterminé l’effet des bains de bouche sur la viabilité cellulaire, afin de s’assurer que l’activité antivirale n’était pas une conséquence de la cytotoxicité induite par les bains de bouche (car les virus dépendent de cellules hôtes viables).
Les cellules cultivées, exprimant l’enzyme de conversion de l’angiotensine humaine 2 (HeLa-hACE2), ont été exposées à des bains de bouche pendant 20 secondes, puis pendant 2 heures. Tous les bains de bouche non dilués étaient hautement toxiques pour ces cellules HeLa-hACE2 et les cellules épithéliales orales. Le Colgate Peroxyl (peroxyde d’hydrogène) a présenté la plus haute cytotoxicité, suivi par la povidone iodée (bétadine), le gluconate de chlorhexidine et la Listerine (composée principalement d’huiles essentielles et d’alcool) — à savoir que la Listerine est le bain de bouche le plus vendu aux États-Unis.
La puissante action antivirale du bain de bouche Colgate Peroxyl et de la povidone iodée était en réalité la conséquence de dommages cellulaires induits par le rinçage lorsque les produits étaient présents pendant l’infection. Le potentiel du gluconate de chlorhexidine était augmenté lorsque le produit n’était pas rincé après la fixation du virus, ce qui suggère que l’effet prolongé des bains de bouche sur les cellules a un impact sur le résultat antiviral.
Pour minimiser la cytotoxicité associée au produit, et ainsi évaluer les effets directs des différents bains de bouche sur les particules virales, ces produits ont été éliminés des particules virales traitées (par centrifugation) avant de procéder à l’infection des cellules. Les chercheurs ont constaté qu’une dilution à 5% du Colgate Peroxyl et de la povidone iodée avait complètement bloqué l’infection virale. Une dilution à 5% de Listerine et de chlorhexidine a eu un effet modéré sur le virus, mais une dilution à 50% de ces produits a complètement bloqué l’infection. Tous les bains de bouche ont donc montré une activité antivirale, à des niveaux non cytotoxiques. Ces résultats indiquent que les bains de bouche pourraient réduire de manière significative l’infectivité du virus, et donc constituer un nouveau moyen de réduire la propagation du SARS-CoV-2.