En étudiant les premiers stades de développement des embryons, des chercheurs ont fait une découverte extraordinaire : ils ont mis au jour les mécanismes permettant aux embryons d’inverser le processus biologique du vieillissement, les rendant « plus jeunes » que l’oeuf fécondé dont ils sont issus. Une avancée qui pourrait aboutir à de nouveaux traitements pour freiner certaines maladies liées à l’âge.
C’est une question que vous vous êtes sûrement déjà posée : comment des parents âgés produisent-ils une progéniture jeune ? Nos cellules montrent des signes de vieillissement en raison de l’accumulation des dommages causés par l’environnement et le métabolisme de l’organisme. Pourtant, les ovules et le sperme produits par notre corps se combinent pour donner naissance à un bébé biologiquement plus jeune que ses parents (et heureusement).
Cela a conduit les biologistes à suggérer que la lignée germinale — c’est-à-dire les cellules qui donnent naissance aux ovules et aux spermatozoïdes et qui transmettent les gènes aux générations successives, est immunisée contre le vieillissement. Mais des recherches récentes montrent que non seulement la lignée germinale vieillit, mais que le vieillissement commence même lorsque l’embryon se développe dans l’utérus, bien plus tôt que nous le pensions. Les résultats ont été publiés dans la revue bioRxiv.
« La question qui se pose alors est la suivante : si le vieillissement commence plus tôt, quand commence-t-il réellement ? », explique Vadim Gladyshev, du Brigham and Women’s Hospital de Boston. Les dommages liés à l’âge se manifestent par des modifications de la structure des marques de méthylation de l’ADN des génomes des cellules. Ces « horloges épigénétiques » présentent une corrélation fiable avec l’âge chronologique et peuvent être utilisées pour suivre le vieillissement des cellules et des tissus.
Un mécanisme clé qui permettrait d’inverser le vieillissement
Dans la nouvelle étude, Gladyshev et ses collègues ont examiné, sur un modèle murin, ces changements épigénétiques dans les cellules et les tissus dès le début du développement des souris. Ils ont alors constaté que cette mesure du vieillissement commençait à diminuer lorsque l’embryon précoce se transformait en une « boule creuse » appelée blastocyste (un embryon de 5/6 jours) et atteignait son point le plus bas après son implantation dans l’utérus. Elle augmentait ensuite à nouveau à mesure que le développement progressait.
L’équipe a également examiné les données sur les embryons humains et a trouvé des signes d’un schéma similaire, bien que les restrictions éthiques sur la croissance des embryons humains au-delà de 14 jours en laboratoire ont fait que l’équipe n’a pas pu étudier chaque étape du développement. Selon Gladyshev, cette découverte met en évidence un mécanisme de rajeunissement qui permet d’inverser le vieillissement jusqu’à un point minimal à partir duquel un nouvel individu peut commencer sa vie.
Le vieillissement peut également être inversé dans les cellules adultes en les reprogrammant en cellules plus immatures, appelées cellules souches pluripotentes. Toutefois, les cellules perdent alors leurs fonctions adultes spécialisées, ce qui les rend moins utiles pour réparer les dommages liés à l’âge. Gladyshev espère que des études complémentaires permettront de déterminer s’il est possible de séparer ces deux processus.
« Cette observation est passionnante, car elle laisse entrevoir un rajeunissement potentiel et naturel qui réinitialise le temps biologique des cellules germinales au cours des premiers jours du développement », déclare Juan Carlos Izpisúa Belmonte, du Salk Institute à La Jolla, en Californie.