Les volants d’inertie sont des systèmes à disque emmagasinant de l’énergie par la rotation (inertie). Ils sont utilisés depuis le début du XXe siècle pour des applications motrices industrielles ou depuis les années 50 dans le domaine des transports, afin de récupérer l’énergie de la phase de ralentissement d’un bus par exemple, pour la restituer au démarrage. Récemment, la marine américaine a mis au point une batterie mécanique performante basée sur le même principe. Ce type de batterie pourrait être utilisé pour alimenter des armes laser ou des canons électromagnétiques, ou même pour stocker de l’énergie dans les foyers.
Les générateurs électriques conventionnels fournissent une puissance stable, mais ne peuvent pas être augmentés pour fournir de brefs pics de puissance, qui sont notamment nécessaires pour les armes à énergie dirigée et les canons électromagnétiques. Pour cela, la marine américaine utilise actuellement des batteries au lithium-ion. Ces dernières peuvent certes se décharger rapidement, mais présentent des risques pour les navires de guerre : elles contiennent des matériaux dangereux et sont susceptibles de s’emballer thermiquement et de prendre feu. De plus, les batteries conventionnelles (chimiques) ne fonctionnent pas bien à haute et basse température.
Pour résoudre ces problèmes, des chercheurs de Vishwa Robotics (Massachusetts) et du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont conçu une batterie mécanique qui utilise un ensemble de volants d’inertie placés dans une boîte en forme de disque. Les volants d’inertie ne peuvent généralement pas concurrencer les batteries chimiques en matière de stockage d’énergie, mais cette nouvelle batterie mécanique présente quelques caractéristiques innovantes. Pour commencer, il s’agit d’une collection de petites unités à inertie plutôt que d’un seul grand volant d’inertie.
Un stockage d’énergie plus important qu’une batterie lithium-ion du même poids
« En réduisant les dimensions, chaque cellule peut tourner beaucoup plus vite », explique Bhargav Gajjar, président de Vishwa Robotics. Des roulements spécialement créés rendent l’unité plus efficace et plus économique. Selon Gajjar, cette conception permet de stocker plus d’énergie qu’une batterie lithium-ion du même poids, et de la libérer plus rapidement sans risque thermique.
Pour mettre cela en perspective : un générateur diesel de 5 kilowatts a généralement la taille d’une machine à laver et pèse plus de 100 kilogrammes. Ce prototype de batterie mécanique de 5 kilowatts est un disque de seulement 25 centimètres de diamètre, et la prochaine version fera moins de 20 centimètres de large. Plusieurs batteries peuvent être empilées pour alimenter des armes plus gourmandes en énergie, comme des lasers anti-drones.
« Les dispositifs de conversion et de stockage de l’énergie actuellement disponibles, qui peuvent alimenter de tels systèmes d’armes tueuses de drones à longue portée, présentent deux problèmes. Ils sont fabriqués à partir de produits chimiques explosifs et ils sont très volumineux. Ces deux problèmes rendent très difficile l’intégration de ces armes sur les navires, les sous-marins, les véhicules et les systèmes sans pilote », explique Gajjar.
Un potentiel d’utilisation dans les habitations
Un logiciel gère le réseau de volants d’inertie, surveille et tire de l’énergie des différentes roues en fonction de la demande. Selon Gajjar, la batterie mécanique est également adaptée à un usage domestique. « Un prototype plus petit de 10 kilowattheures fonctionne déjà dans mon garage et alimente toute ma maison la nuit », explique Gajjar. Des panneaux solaires installés sur le toit rechargent l’unité pendant la journée.
Gajjar explique que le volant d’inertie est un dispositif mécanique simple et qu’aucun matériau rare n’est nécessaire pour le fabriquer, de sorte qu’il pourrait être produit en masse à faible coût. Les batteries chimiques perdent de leur efficacité après quelques centaines de cycles de charge/décharge, mais la batterie mécanique ne montre aucun effet après des dizaines de milliers de cycles et devrait durer des décennies, dit-il.
Keith Pullen, de la City University de Londres, estime que la batterie mécanique semble bien adaptée aux applications nécessitant des pics d’énergie soudains. Mais il doute qu’elles produisent plus d’énergie que les batteries lithium-ion pour le même poids. L’objectif premier de la marine est d’obtenir une meilleure sécurité que les batteries chimiques, bien qu’il y ait eu des accidents notables avec des volants d’inertie dans le passé, lorsqu’elles ont projeté des débris ou se sont détachées en plein fonctionnement, blessant des personnes.
« Les volants d’inertie ont la réputation d’être dangereux », explique Pullen, « mais ils sont plus sûrs que les batteries chimiques s’ils sont correctement conçus ». La marine américaine a attribué le mois dernier un contrat de développement de deux ans pour cette batterie mécanique, qui comprendra des tests de performance et de sécurité dans diverses conditions. Le dispositif sera évalué pour fournir de l’énergie non seulement pour les armes, mais aussi pour les capteurs et la propulsion, par exemple dans les sous-marins sans équipage, et pour l’alimentation électrique de secours.