En utilisant les données du réseau européen d’interférométrie à très longue base, une équipe d’astronomes de l’Université d’Amsterdam a pu examiner d’un peu plus près un sursaut radio rapide connu, nommé FRB 180916. Ils ont découvert que ce dernier présentait une structure complexe, selon une gamme d’échelles de temps d’émission qui s’étend sur trois ordres de grandeur, jusqu’à la microseconde.
Les sursauts radio rapides (ou FRB pour fast radio burst) sont des sursauts d’ondes radio d’une durée de quelques millisecondes. Ces impulsions radio soudaines ont été découvertes dans les années 2000 et demeurent inexpliquées ; on les observe principalement dans les galaxies lointaines. Certaines apparaissent à intervalles réguliers, de quelques millisecondes à quelques semaines, suivant des schémas parfois atypiques. Le phénomène intrigue beaucoup les scientifiques.
Que sont exactement ces FRB ? Quelle est leur origine ? Cela fait plus d’une décennie que la communauté des astronomes tente de répondre à ces questions. Les FRB présentent une variété de propriétés spectrales, temporelles et polarimétriques qui peuvent révéler des indices sur leur physique d’émission et leurs effets de propagation dans le milieu local. En examinant un FRB en particulier, des astronomes ont mis au jour un schéma de répétition particulièrement complexe.
Une microstructure de l’ordre de la microseconde
L’équipe dirigée par Kenzie Nimmo, de l’Institut Anton Pannekoek d’astronomie de l’Université d’Amsterdam, a récolté ces données à haute résolution temporelle via le réseau européen d’interférométrie à très longue base — un vaste réseau de radiotélescopes qui couvre quatre continents. Les astronomes s’intéressaient en particulier à la source FRB 180916, un sursaut qui suit un cycle de 16 jours environ, qui se décompose en une période d’émissions de 4 jours, suivie d’une période sans activité de 12 jours. Ce sursaut particulièrement atypique se trouve dans une galaxie située à un peu moins de 500 millions d’années-lumière de notre planète.
Pour la première fois, Nimmo et ses collègues sont parvenus à sonder ces impulsions de quelques millisecondes à une échelle de temps encore plus courte : ils ont ainsi étudié sa signature sur de courtes périodes de seulement 3 à 4 microsecondes. Cette analyse a permis de mettre en évidence une microstructure dans le signal, jamais observée jusqu’alors. Que signifie exactement cette découverte ? Ce n’est pas encore clair, mais les chercheurs estiment que la technique qu’ils ont utilisée est susceptible de dévoiler de nouveaux indices sur la physique des émissions de FRB.
« La microstructure à laquelle nous faisons référence dans le titre [de notre étude] désigne la luminosité de la rafale elle-même, qui varie sur des échelles de temps de l’ordre de la microseconde », précise Nimmo. La spécialiste ajoute que les propriétés polarisées de la salve fluctuent également au niveau de la microseconde. Ces observations signifient que ces variations de luminosité à une échelle de temps très courte contraignent fortement les dimensions de la région d’émission des FRB.
Autrement dit, l’analyse d’un FRB à des échelles de temps très courtes permet en quelque sorte de zoomer sur l’espace physique qui se trouve tout autour de la source inconnue de ces impulsions. Il est donc possible de déterminer plus précisément l’emplacement des sources de FRB.
Les étoiles à neutrons comme sources probables
Des scientifiques avaient déjà réussi à capturer des détails sur les FRB, mais à des échelles de temps d’environ 20 à 30 microsecondes. Cette nouvelle étude est donc environ 10 fois plus précise que tous les travaux qui l’ont précédée ! La résolution en microsecondes obtenue par Nimmo et ses collègues leur a permis de déterminer que la taille de la région d’émission, c’est-à-dire la zone qui crée ces impulsions, est d’environ un kilomètre. Sachant que la source de FRB 180916 est localisée à environ 457 millions d’années-lumière de la Terre, cette précision est tout simplement impressionnante !
À une telle résolution, l’équipe pourrait notamment récolter des données concernant l’angle de position de polarisation (PPA) — l’angle auquel la lumière polarisée de la rafale oscille. Cette propriété est importante pour déterminer les détails du spin de la source FRB et la proximité de l’émission par rapport à sa source, qui peuvent à leur tour conduire à l’identité de cette source. « Nous avons remarqué que sur des échelles de temps très courtes (moins de 100 microsecondes environ), nous voyons de petites variations dans le PPA. Cela pourrait signifier que nous commençons à résoudre la rotation de tout objet qui produit des FRB », explique Nimmo.
Sur la base de leurs résultats, les chercheurs pensent que les étoiles à neutrons pourraient être « le modèle progéniteur le plus convaincant pour les FRB ». Ces étoiles mortes, extrêmement denses, contiennent plus de masse que le Soleil, mais elles ne mesurent qu’une vingtaine de kilomètres de diamètre. Par conséquent, elles sont très volatiles et pourraient être capables de générer des impulsions radio extrêmes, typiques des FRB. L’an dernier, au mois d’avril, un faible sursaut radio a été détecté dans notre galaxie ; il avait été associé à un magnétar — une étoile à neutrons dotée d’un champ magnétique très intense — situé à environ 30 000 années-lumière de la Terre.
Certains modèles de FRB suggèrent que leurs impulsions surviennent près de l’étoile, dans sa magnétosphère, tandis que d’autres suggèrent que l’émission est le résultat d’un choc relativiste qui se produit plus loin de la source. Cette nouvelle étude à haute résolution temporelle privilégie la première hypothèse, dans laquelle l’émission émerge à proximité de l’étoile à neutrons. La périodicité répétée de FRB 180916, quant à elle, laisse entendre qu’il pourrait provenir d’un système binaire, composé d’une étoile à neutrons qui précesse (l’orientation de son axe de rotation varie) et d’une étoile massive, partageant une période orbitale de 16 jours. Lorsque ces deux objets sont les plus proches l’un de l’autre au cours de l’orbite, leurs interactions pourraient amplifier les sursauts, entraînant la période d’activité de quatre jours observée depuis la Terre.
L’équipe espère à présent étudier d’autres FRB à des échelles de temps encore plus courtes. Cet examen plus approfondi pourrait par exemple révéler que les FRB considérés comme ponctuels sont en réalité répétitifs. À ce jour, les experts ne savent pas si ces deux types de FRB peuvent être considérés comme un même phénomène, ou s’ils sont issus de différents progéniteurs et se distinguent par la physique de leurs émissions. Cette nouvelle technique d’analyse à l’échelle de la microseconde permettra sans doute de faire la lumière sur le sujet.