Bien qu’elles soient aujourd’hui largement répandues dans le monde entier, équipant de très nombreux appareils électroniques du quotidien, les batteries lithium-ion présentent un certain nombre de problèmes, notamment : un risque d’incendie et une perte de performance à basse température ; ainsi qu’un impact environnemental considérable lors de la mise au rebut des batteries usagées. Pour contourner ces écueils, une équipe de chimistes russes a mis au point une nouvelle batterie basée sur un polymère différent, peu cher et respectueux de l’environnement, assurant une charge 10 fois plus rapide qu’une batterie lithium-ion traditionnelle.
Selon Oleg Levin, professeur au département d’électrochimie de l’Université de Saint-Pétersbourg, les chimistes ont exploré les polymères contenant du nitroxyle à activité redox comme matériaux pour le stockage d’énergie électrochimique. Ces polymères se caractérisent par une densité d’énergie élevée et une vitesse de charge et de décharge rapide, grâce à une cinétique redox rapide. Un défi pour la mise en œuvre d’une telle technologie est la conductivité électrique insuffisante. Cela empêche la collecte des charges, même avec des additifs hautement conducteurs tels que le carbone.
Un nouveau polymère pour une efficacité augmentée
À la recherche de solutions pour surmonter ce problème, les chercheurs de l’Université de Saint-Pétersbourg ont synthétisé un polymère à base du complexe nickel-salen (NiSalen). Les molécules de ce métallopolymère agissent comme un fil moléculaire auquel sont attachés des groupements nitroxyl actifs. L’architecture moléculaire du matériau permet d’obtenir des performances de haute capacité sur une large plage de températures.
« Nous avons imaginé le concept de ce matériau en 2016. En étudiant le mécanisme de transport de charge dans cette classe de composés, nous avons découvert qu’il existe deux directions clés de développement. Premièrement, ces composés peuvent être utilisés comme couche de protection pour recouvrir le câble conducteur principal de la batterie, qui serait sinon constitué de matériaux de batterie lithium-ion traditionnels. Et deuxièmement, ils peuvent être utilisés comme composant actif de matériaux de stockage d’énergie électrochimique », explique Levin.
Le développement du polymère a duré plus de trois ans. Au cours de la première année, les chimistes ont testé le concept du nouveau matériau : ils ont combiné des composants individuels pour simuler le squelette électriquement conducteur et des groupements contenant du nitroxyle actif redox. Il est essentiel de s’assurer que toutes les parties de la structure fonctionnent ensemble et se renforcent les unes les autres. La prochaine étape était la synthèse chimique du composé. C’était la partie la plus difficile du projet.
Un complexe nickel-salen assurant une charge 10 fois plus rapide
En effet, certains des composants sont extrêmement sensibles et même la moindre erreur peut entraîner une dégradation des échantillons. Parmi les nombreux échantillons de polymère obtenus, un seul s’est avéré suffisamment stable et efficace. La chaîne principale du nouveau composé est formée de complexes de nickel avec des ligands salen (salicylaldéhyde et éthylènediamine). Un radical libre stable, capable d’oxydation et de réduction rapides (charge et décharge), a été lié à la chaîne principale via des liaisons covalentes.
« Une batterie fabriquée à partir de notre polymère se recharge en quelques secondes — environ dix fois plus vite qu’une batterie lithium-ion traditionnelle. Cela a déjà été démontré par une série d’expériences. Cependant, à ce stade, il est encore à la traîne en matière de capacité – 30 à 40% de moins que dans les batteries lithium-ion. Nous travaillons actuellement à l’amélioration de cet indicateur tout en maintenant le taux de charge-décharge », explique Levin.
« La nouvelle batterie est capable de fonctionner à basse température et sera une excellente option là où une charge rapide est cruciale. Son utilisation est sûre — il n’y a rien qui puisse présenter un risque de combustion, contrairement aux batteries à base de cobalt qui sont répandues aujourd’hui. Elle contient également beaucoup moins de métaux susceptibles de nuire à l’environnement. Le nickel est présent dans notre polymère en petite quantité, mais il y en a beaucoup moins que dans les batteries lithium-ion ».