Une étude publiée le 19 avril dans la revue Nature Medicine fait le point sur la situation en Israël, pays le plus vacciné au monde. Au 7 janvier 2021, près de 70% de la population de plus de 60 ans avait déjà été vaccinée (ou s’était rétablie de la COVID-19) ; au 24 février, 68,7% de la population éligible à la vaccination (à partir de 16 ans) avait reçu une première dose de vaccin. Selon les analyses, cette campagne nationale de vaccination a eu un effet certain sur la dynamique pandémique.
Le programme de vaccination d’Israël, le plus vaste du globe, a connu un tel succès qu’il a « pratiquement éradiqué la COVID-19 d’Israël, du moins pour l’instant », a écrit dans un tweet Eran Segal, chercheur à l’Institut Weizmann et co-auteur de l’étude. Le port du masque est toujours de mise en intérieur, certains lieux demeurent fermés, mais la vie est quasiment revenue à la normale, constate le scientifique.
Dans cette étude, les chercheurs ont analysé la dynamique temporelle du nombre de nouveaux cas de COVID-19 et d’hospitalisations après la campagne de vaccination, qui a débuté le 20 décembre 2020 dans le pays. Les résultats montrent une baisse significative des cas et hospitalisations chez les personnes de plus de 60 ans, suivies par les groupes d’âges plus jeunes, selon l’ordre de priorité de vaccination.
Une vaccination massive et rapide
Pour effectuer leurs analyses, les chercheurs se sont appuyés sur les données du ministère israélien de la Santé, collectées entre le 28 août 2020 et le 24 février 2021. Afin de s’assurer que les effets observés étaient bien dus à la vaccination et non pas au confinement mis en place le 8 janvier (suite à l’émergence locale du variant britannique), ils se sont livrés à plusieurs comparaisons. Ils ont notamment comparé les effets observés chez les différents groupes d’âge — qui n’ont pas été vaccinés au même moment — les effets observés après chaque période de confinement (septembre 2020 et janvier 2021), puis les effets observés dans les villes vaccinées au plus tôt.
Le pays a opté pour le vaccin développé par Pfizer et BioNTech. Les personnes âgées de plus de 60 ans, les résidents des maisons de soins infirmiers, les travailleurs de la santé et les personnes souffrant de comorbidités graves ont été les premiers à en bénéficier. La vaccination a ensuite été rapidement élargie aux 55 ans et plus (le 12 janvier), puis aux 40 ans et plus (le 19 janvier). Ce fut ensuite le tour des jeunes âgés de 16 à 18 ans, pour leur permettre d’assister à leurs examens scolaires. Finalement, toutes les personnes âgées de 16 ans et plus étaient éligibles à la vaccination dès le 4 février. Le 24 février, 68,7% de la population éligible avait reçu une première dose, 48% avait reçu la deuxième dose et 8% était rétablie de la COVID-19 (et bénéficiait donc de l’immunité induite par l’infection).
Plusieurs jours après le début du confinement mis en place le 8 janvier et le début de l’administration des secondes doses de vaccin le 10 janvier, le nombre de nouveaux cas chez les personnes âgées de 60 ans et plus a atteint un sommet ; s’en est suivi un pic d’hospitalisation des individus de ce groupe d’âge. Mais les nombres de cas et d’hospitalisations ont ensuite considérablement chuté et ce, avant même l’administration de la seconde dose. Au 24 février, le nombre d’hospitalisations avait diminué de 68% et le nombre de cas sévères avait diminué de 67% par rapport au pic enregistré à la mi-janvier. Cette diminution était plus importante et plus précoce dans ce groupe d’âge que chez les personnes plus jeunes.
L’effet de la vaccination se manifeste également via un décalage considérable vers un plus jeune âge de la distribution des patients atteints de COVID-19 sévère. Les chercheurs précisent en outre que les cas de COVID-19 et les taux de positivité des tests PCR ont chuté plus rapidement dans le groupe des 16-21 ans — prioritaires pour passer leurs examens, ou jeunes servant dans les Forces de défense israéliennes — par rapport à des groupes d’âge similaires qui n’étaient pas encore vaccinés (14-15 ans et 22-23 ans).
Un retour à la normale menacé par les variants
Pour prouver que les mesures de confinement n’étaient pas la cause de la dynamique observée, les chercheurs ont comparé les données associées aux second et troisième confinements nationaux mis en place, le 18 septembre 2020 et le 8 janvier 2021 respectivement. Bien que toutes les mesures cliniques affichent quasiment la même dynamique pour tous les groupes d’âge au cours du second confinement, ces dynamiques différaient considérablement entre les groupes d’âge au cours du troisième confinement, lors duquel la campagne de vaccination était active. On observe notamment un déclin plus important et plus précoce chez les personnes plus âgées (plus de 60 ans) par rapport aux individus plus jeunes.
De la même façon, la comparaison entre les villes vaccinées le plus tôt et celles vaccinées plus tardivement a révélé une diminution plus importante et plus précoce du nombre de cas de COVID-19 et d’hospitalisations chez les personnes de 60 ans et plus dans les villes où la vaccination s’est faite plus précoce.
Finalement, l’analyse montre qu’un peu plus de 2 mois après le début de la campagne de vaccination, Israël a enregistré une baisse d’environ 77% des cas et une baisse de 68% des hospitalisations par rapport aux valeurs de pointe. Les chercheurs soulignent que la diminution des mesures cliniques analysées ne s’est produite qu’après que plus de 50% de la population d’un groupe d’âge donné a reçu une première dose (ou soit immunisée par une infection). Ceci, ajouté au fait que les effets se sont fait ressentir dans chaque groupe d’âge selon l’ordre de priorité vaccinale, prouve que le vaccin est bel et bien à l’origine d’une régression des cas et des hospitalisations.
À la suite de cette première victoire sur la COVID-19, le gouvernement a assoupli les règles de port du masque, qui n’est plus obligatoire en extérieur. De plus, toutes les écoles et universités ont été rouvertes. Mais la bataille n’est pas encore terminée : l’émergence de nouveaux variants du coronavirus suscite des inquiétudes quant à la longévité de la protection offerte par les vaccins. Pfizer vient d’ailleurs d’annoncer qu’une troisième injection serait probablement nécessaire au bout d’un an.
Israël a pris de l’avance en vaccinant 61,7% de ses 9,3 millions de citoyens, mais le pays est pointé du doigt pour n’avoir pas déployé les mêmes efforts en Cisjordanie et à Gaza, territoires actuellement sous occupation israélienne. Le pays a notamment été critiqué pour ne pas avoir aidé les autorités palestiniennes à vacciner leur population.