Bien qu’elle soit considérée comme la planète sœur de la Terre, les propriétés fondamentales de Vénus, telles que sa distribution de masse interne et les variations de la durée du jour, étaient jusqu’alors inconnues. Mais à partir de mesures radar réalisées entre 2006 et 2020, des scientifiques ont réussi à déterminer certaines de ces propriétés, ce qui leur a permis d’estimer la taille approximative du noyau de la planète.
Vénus présente quelques similitudes avec la Terre. En dehors du fait que ce sont deux planètes rocheuses, leurs masses et dimensions sont comparables et elles sont toutes deux relativement proches du Soleil ; 41 millions de kilomètres les séparent l’une de l’autre. Et selon cette première estimation, Vénus a un noyau d’environ 7000 kilomètres de diamètre, soit à peu près de la même taille que celui de la Terre.
Néanmoins, les deux planètes « sœurs » diffèrent aussi radicalement par d’autres aspects : le champ magnétique de Vénus est bien plus faible (elle ne possède pas de véritable magnétosphère), il y fait bien plus chaud (462 °C en moyenne) et son atmosphère, composée à plus de 96% de dioxyde de carbone, est beaucoup plus dense que l’atmosphère terrestre : la pression atmosphérique à la surface de cette planète est 92 fois supérieure à celle de la Terre !
Des mesures beaucoup plus précises
Cette atmosphère particulièrement épaisse, qui dissimule les détails de la surface, rend les observations depuis la Terre beaucoup plus difficiles. Ainsi, des radars et d’autres techniques spécifiques sont nécessaires pour sonder cette planète voisine. Jean-Luc Margot et ses collègues de l’Université de Californie à Los Angeles ont examiné Vénus de 2006 à 2020, en utilisant le Goldstone Solar System Radar (GSSR), qui a déjà permis d’étudier à plusieurs reprises les planètes du système solaire. À noter que le radar de l’observatoire d’Arecibo, aujourd’hui détruit, était la seule installation comparable au GSSR.
L’engin comprend un émetteur en bande X de 500 kW (8500 MHz) et un récepteur à faible bruit situés sur l’antenne de 70 mètres du Goldstone Deep Space Communications Complex, localisé dans le désert de Mojave en Californie. Pendant des années, les scientifiques ont frappé la planète avec des ondes radio à plusieurs reprises, puis ont suivi les échos des ondes alors qu’elles revenaient sur Terre, à l’aide du GSSR, mais aussi du télescope de l’observatoire de Green Bank, situé à quelque 3000 kilomètres de là, en Virginie-Occidentale.
Les réflexions complexes sur Vénus intensifient ou atténuent de manière erratique le signal de retour, qui balaie la Terre. L’antenne Goldstone détecte l’écho en premier, puis Green Bank le capte environ 20 secondes plus tard. Le délai exact entre la réception dans les deux installations fournit un instantané de la vitesse à laquelle Vénus tourne, tandis que la fenêtre de temps dans laquelle les échos sont les plus similaires révèle l’inclinaison de la planète. Les observations ont nécessité un timing précis pour s’assurer que Vénus et la Terre étaient correctement positionnées.
Ce suivi sur le long terme a permis à Margot et son équipe de repérer de très petits changements dans l’orientation de l’axe de spin, le moment d’inertie et la durée du jour. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Astronomy. Ils ont notamment constaté que l’axe de rotation de Vénus, inclinée de 2,6392 ± 0,0008° par rapport à son plan orbital, oscillait très légèrement selon un schéma qui, selon leurs calculs, se répéterait tous les 29 000 ans ; un phénomène que les scientifiques attribuent à l’attraction du Soleil.
Caractériser le noyau pour mieux comprendre la planète
Ils ont également découvert que la durée d’un jour sur Vénus, à peu près équivalent à 243 jours terrestres — Vénus est la planète du système solaire qui tourne le plus lentement autour de son axe — fluctuait jusqu’à 21 minutes au cours des 15 années d’observation. « Cela explique probablement pourquoi les estimations précédentes ne concordaient pas les unes avec les autres », a déclaré Margot. Le principal facteur expliquant cette fluctuation est l’épaisse atmosphère de la planète, qui en s’agitant autour de la planète, échange beaucoup d’énergie avec la surface, accélérant et ralentissant la rotation. Le phénomène se produit aussi sur Terre, mais du fait que notre atmosphère est beaucoup moins dense, l’échange d’énergie et moindre et n’a qu’un impact infime (de l’ordre de la milliseconde) sur la durée d’un jour.
Mais l’équipe pense que le noyau de la planète est lui aussi responsable de la variation observée ; ainsi, ils ont entrepris d’utiliser ces données pour calculer la taille d’un noyau qui entraînerait de telles fluctuations. Résultat : ils estiment le rayon du noyau à environ 3500 kilomètres. Leurs analyses n’ont cependant pas permis de déduire si ce noyau était liquide ou solide. Des études théoriques antérieures suggèrent qu’il est principalement composé de fer et de nickel, comme celui de la Terre. Mais les chercheurs auraient souhaité en savoir plus : « On ne sait pas si Vénus a un noyau solide interne et un noyau liquide externe, comme la Terre, ou si ce noyau est entièrement solide ou entièrement liquide », regrette Margot.
Cette estimation de la taille du noyau s’avère conforme aux modèles précédents, mais le fait de disposer d’une valeur réelle, mesurable, ouvre la voie à des études plus précises de Vénus. Connaître la taille et la densité du noyau peut notamment être utile pour comprendre l’histoire de cette planète : sa formation, son activité volcanique et la façon dont sa surface a évolué avec le temps. « Presque tout ce qui concerne l’évolution d’une planète est dicté par la taille de son noyau », confirme Margot. Le spécialiste ajoute que seule une bonne image de la structure interne permet de comprendre pleinement l’historique d’une planète.