Après avoir suscité d’importantes réactions négatives parmi la population, les forces de police de New York ont décidé de mettre fin au déploiement du chien robot conçu par Boston Dynamics. Surnommé Digidog, ce robot conçu pour protéger les officiers de police lors d’opérations dangereuses est surtout perçu comme une dépense inutile.
Plus tôt ce mois-ci, des agents du NYPD ont déployé le Digidog dans un immeuble de logements sociaux, à Manhattan. Les vidéos du robot en action sont rapidement devenues virales sur les réseaux sociaux. « Vous ne pouvez pas augmenter le salaire minimum, vous ne pouvez pas me donner un logement abordable ; je travaille dur et je ne peux pas obtenir de congés payés, je ne peux pas obtenir de garderies abordables. Au lieu de cela, nous avons de l’argent, de l’argent des contribuables, pour des chiens robots ? ». Cette déclaration, de Jamaal Bowman, représentant du Bronx et du comté de Westchester, reflète le ressenti de bon nombre de personnes.
Après que le robot a fait plusieurs apparitions publiques, son déploiement a été vivement critiqué. Une machine sans vie se promenant sur une scène de crime n’est pas vraiment une image rassurante pour le public. Face aux critiques, la police a décidé de renvoyer le chien robot à son constructeur plus tôt que prévu. Le contrat de location, d’une valeur d’environ 94 000 $, a été écourté et résilié le 22 avril selon le New York Times.
Une technologie de surveillance qui inquiète
Le chien robot a intégré la police de New York l’année dernière. Il a été conçu pour intervenir lorsque la situation est jugée trop dangereuse pour les agents humains. « Ce chien va sauver des vies. Cela va protéger les gens. Cela va protéger les officiers », avait déclaré l’inspecteur Frank Digiacomo, de l’Unité d’intervention de l’assistance technique, dans une interview télévisée au mois de décembre. Mais l’engin a rapidement fait l’objet de débats houleux. Utilisé lors d’une prise d’otages qui s’est déroulée dans un appartement du Bronx au mois de février, le robot a surtout été vu comme un dangereux outil de surveillance. Dans ce cas précis, le Digidog avait permis d’évaluer la situation à distance, notamment de déterminer si les agresseurs étaient toujours présents.
Mais le test n’a pas convaincu. Surtout depuis que le conseil municipal de New York a adopté une loi en juin dernier, qui oblige le département de police à être plus transparent au sujet des outils et technologies de surveillance qu’il utilise — une loi instaurée suite au meurtre de George Floyd. « Le fait d’autoriser un robot à effectuer un travail policier pourrait avoir des implications sur les préjugés, la surveillance mobile, le piratage et la confidentialité », soulignait alors Jay Stanley, analyste politique principal à l’American Civil Liberties Union.
Plus récemment, le chien robot a suscité une nouvelle vague d’indignation, lorsqu’il a été déployé dans un immeuble de logements sociaux, à Manhattan. Certaines personnes ont notamment décrit l’appareil comme « emblématique de l’agressivité excessive de la police face aux communautés pauvres ».
John Miller, le commissaire adjoint du service de police au renseignement et à la lutte contre le terrorisme, a défendu tant que possible l’utilisation du Digidog, arguant que la police utilise des robots depuis près de 50 ans pour répondre à des situations dangereuses, y compris des unités robotiques permettant de désamorcer des explosifs sans mettre la vie des humains en danger.
Ce dispositif conçu par Boston Dynamics est beaucoup plus agile que les robots traditionnels, il peut même monter des escaliers ; ses outils d’enregistrement vidéo sont également de bien meilleure qualité. Mais le déploiement du Digidog a été perçu comme « une militarisation inutilement coûteuse de la police » par ses nombreux détracteurs. Dès lors que le robot est devenu une « cible » pour alimenter les débats sur les inégalités raciales et la surveillance, le département de police a pris la décision d’écourter sa période de test. Initialement, le bail devait prendre fin en août et il était prévu que la police teste les capacités de l’engin pendant toute la période.
Une victime de la politique
De son côté, le conseiller municipal Ben Kallos, représentant démocrate de l’Upper East Side, se réjouit que cette période d’essai ait été écourtée. « À un moment où nous devrions avoir plus de policiers déployés dans la rue, établissant des relations avec les résidents, ils se dirigent en fait dans une autre direction en essayant de les remplacer par des robots », remarque le conseiller, ajoutant que ces chiens robots ressemblaient à ceux de l’épisode « Metalhead » de la série Black Mirror. De même, Bill Neidhardt, porte-parole du maire de New York Bill de Blasio, a déclaré qu’il était « heureux que le Digidog ait été renvoyé ». La plupart des gens sont en effet inquiets des capacités des robots de haute technologie tels que celui-ci, qui pourraient menacer leur sécurité.
Pour rassurer la population, un porte-parole de Boston Dynamics a déclaré que les robots de l’entreprise n’étaient « pas conçus pour être utilisés comme armes, infliger des dommages ou intimider des personnes ou des animaux ». L’un des dirigeants de la société, Michael Perry a par ailleurs précisé dans une interview que sur les quelque 500 chiens robotiques qui sont actuellement déployés dans le monde, la plupart sont utilisés par des entreprises de services publics, sur des chantiers de construction ou dans d’autres contextes commerciaux impliquant des situations dangereuses ; selon ses dires, seuls quatre appareils étaient utilisés par les services de police.
« Nous pensons que Spot [le nom commercial du robot] est un outil rentable comparativement aux appareils robotiques historiques utilisés par la sécurité publique pour inspecter les environnements dangereux », a déclaré la porte-parole. John Miller a admis la possibilité que le Digidog réintègre un jour les rangs de la police, notamment si le département réalise qu’il s’avère plus efficace que d’autres appareils du même type. « Mais pour l’instant, c’est une victime de la politique et de la désinformation », conclut le commissaire adjoint.