Hier, le 5 mai, alors que les États-Unis célébraient le soixantième anniversaire du vol suborbital d’Alan Shepard — premier Américain dans l’espace, Starship a réalisé un nouveau vol d’essai, réussi cette fois à la perfection : le décollage et le vol se sont déroulés sans encombre et le lanceur est parvenu à se poser sans exploser, pour la première fois.
SpaceX s’est livrée à quatre vols d’essai depuis le mois de décembre, qui se sont tous soldés par une explosion (juste avant ou peu après l’atterrissage). Le vaisseau spatial de 50 mètres en acier inoxydable, baptisé SN15, a été lancé depuis les installations de la société spatiale à Boca Chica, dans le sud du Texas, mercredi soir à 17h25, heure locale.
Après s’être envolé à environ dix kilomètres d’altitude, l’engin a entamé sa descente à l’horizontale après avoir éteint ses moteurs un à un, avant de les rallumer pour se remettre à la verticale à l’approche de la zone d’atterrissage (une manœuvre de basculement désormais bien connue, appelée belly flop). SN15 s’est ensuite posé en douceur sur la plateforme. Mais plusieurs minutes de tension ont suivi : des flammes se sont échappées de la partie inférieure du lanceur juste après l’atterrissage ; l’incendie a toutefois été maîtrisé et l’engin n’a pas explosé (contrairement à son homologue, le SN10, qui avait explosé peu après l’atterrissage).
« Des centaines d’améliorations de conception »
Le système automatique anti-incendie a lutté contre les flammes pendant plusieurs minutes — bien après que SpaceX a terminé la diffusion officielle de l’événement sur le Web. Cependant, un tel feu « n’est pas inhabituel » compte tenu de la masse de carburant utilisée par cet énorme engin, a expliqué un commentateur de SpaceX lors du direct vidéo. Et tout s’est finalement bien terminé. « Atterrissage de Starship nominal ! », a tweeté Elon Musk, après que le feu a été éteint. C’est donc un exploit colossal pour SpaceX, qui prouve que son lanceur est capable de décoller, puis de revenir sur la terre ferme en toute sécurité.
SN15 est le cinquième prototype grandeur nature à prendre son envol. Comme précisé plus haut, les quatre prototypes précédents (de SN8, testé le 9 décembre à SN11, testé le 30 mars) ont tous connu une fin prématurée, explosant dans d’énormes boules de feu. Pour rappel, le dernier essai en date s’était soldé par une explosion en raison d’une fuite de méthane. Mais selon le PDG de la société, le prototype SN15 a bénéficié « de centaines d’améliorations de conception au niveau des structures, de l’avionique et du moteur ».
Le Starship a été conçu pour remplacer les lanceurs actuels de SpaceX, notamment la fusée Falcon 9. Le retour du lanceur sur son pas de tir permettra sa réutilisation rapide pour un nouveau lancement, ce qui réduira les coûts de manière substantielle. Il sera notamment utilisé pour le lancement de satellites et les trajets vers la Station spatiale internationale. Mais surtout, le Starship est également le vaisseau sélectionné par la NASA pour les prochains vols habités vers la Lune dans le cadre du programme Artemis, à l’horizon 2024.
Cap vers les essais du Super Heavy !
Ce succès est donc crucial pour la firme spatiale : l’atterrisseur de cette mission lunaire sera directement conçu à partir des plans du Starship. D’ici là, la Lunar Gateway — la future station en orbite lunaire — devra être opérationnelle. Il est prévu que les astronautes de la mission soient lancés par le Space Launch System (SLS), un lanceur super-lourd développé par la NASA ; ce dernier viendra ensuite s’amarrer à la station orbitale, où le Starship attendra les astronautes, prêt à les mener jusqu’à la surface de la Lune. Le SLS devrait effectuer son premier vol, accompagné du vaisseau Orion, mais sans équipage, au mois de novembre.
Après ce premier exploit, SpaceX peut de son côté se concentrer sur l’étape suivante, à savoir la mise en orbite du Starship, propulsé par un deuxième lanceur gigantesque : le Super Heavy. Car le Starship constitue en réalité l’étage supérieur de la fusée au complet ; le Super Heavy est le premier étage qui propulsera l’engin dans l’espace. Ce lanceur super-lourd, un cylindre de 70 mètres de haut et de 9 mètres de diamètre, est propulsé par 28 moteurs Raptor, alimentés par un mélange d’oxygène et de méthane liquide. Tout comme le Starship, il est conçu pour être entièrement réutilisable. Les deux engins ensemble formeront un véhicule spatial de 120 mètres de hauteur, qui sera capable d’emporter près de 100 tonnes de fret à son bord.
Le premier vol orbital impliquant le duo Super Heavy-Starship est planifié pour le mois de juillet. À plus long terme, le vaisseau devrait mener l’Homme sur Mars.