En sortie du bruit ambiant régnant à l’intérieur du Système solaire, les sondes Voyager ont trouvé un peu plus de calme une fois entrées dans le milieu interstellaire. Cependant, calme ne signifie pas pour autant silencieux. En effet, les données renvoyées par Voyager 1 indiquent l’existence d’un léger bourdonnement issu des ondes de plasma interstellaires. Bien que les astrophysiciens n’en connaissent pas encore la cause, ce phénomène devrait aider les chercheurs à cartographier en détail le plasma interstellaire ainsi que la dynamique de l’interaction entre vent solaire et milieu interstellaire.
Voyager 1, après avoir passé plus de 43 ans à s’éloigner de la Terre depuis son lancement en 1977, est maintenant à plus de 150 fois la distance entre la Terre et le Soleil. Il faut plus de 21 heures pour que les transmissions voyageant à la vitesse de la lumière arrivent sur Terre. Elle a officiellement passé l’héliopause — la limite où le vent solaire est arrêté par le milieu interstellaire — en 2012.
Dans la dernière analyse des données de la sonde, à une distance de près de 23 milliards de kilomètres, les astrophysiciens ont découvert, à partir de 2017, un bourdonnement constant des ondes de plasma dans le milieu interstellaire, le gaz ionisé diffus présent entre les étoiles. « Il est très faible et monotone, car il est dans une bande passante de fréquence étroite. Nous détectons le léger bourdonnement persistant du gaz interstellaire », explique l’astronome Stella Koch Ocker de l’Université Cornell.
Un bourdonnement issu des ondes de plasma interstellaires
Les sondes Voyager sont les premiers objets fabriqués par l’Homme à pénétrer dans l’espace interstellaire et représentent donc une occasion unique d’échantillonner directement le milieu interstellaire. Même si loin du Soleil, et même hors de portée du vent solaire, ce n’est pas si facile. Le Soleil est toujours un objet brillant et bruyant, laissant échapper des éruptions solaires qui peuvent saturer les conditions physiques ambiantes.
« Le milieu interstellaire est comme une pluie calme, qui peut être facilement perturbée », indique l’astronome James Cordes de l’Université Cornell. Cette douce pluie, selon l’équipe, suggère qu’il pourrait y avoir plus d’activité de bas niveau dans le milieu interstellaire que les scientifiques ne l’avaient pensé.
La cause de cette activité n’est pas tout à fait claire ; il peut s’agir d’oscillations de plasma excitées thermiquement, ou de bruit quasi thermique généré par les mouvements d’électrons dans le plasma, produisant un champ électrique local. Quelle que soit la cause, la découverte a plusieurs implications.
Cartographier et étudier la dynamique du milieu interstellaire
Le bourdonnement peut être utilisé pour cartographier la densité du plasma lorsque les deux sondes Voyager se déplacent plus profondément dans l’espace interstellaire. Il peut également être utilisé pour mieux comprendre l’interaction entre le milieu interstellaire et le vent solaire. Nous savons qu’il y a une augmentation de la densité électronique juste de l’autre côté de l’héliopause — les deux sondes Voyager l’ont détectée lors de leur passage.
Connaître plus précisément la densité du milieu interstellaire peut nous aider à comprendre pourquoi. La découverte et la persistance de l’émission suggèrent également que Voyager continuera à être capable de la détecter, nous fournissant des données en cours qui nous aideront à comprendre la turbulence et la structure à grande échelle du milieu interstellaire.
« Nous n’avons jamais eu l’occasion de l’évaluer. Maintenant, nous savons que nous n’avons pas besoin d’un événement fortuit lié au Soleil pour mesurer le plasma interstellaire. Indépendamment de ce que fait le Soleil, Voyager renvoie des détails. L’engin dit: « voici la densité dans laquelle j’évolue en ce moment. Et la voici maintenant. Et la voici maintenant. Et la voici maintenant », explique l’astronome Shami Chatterjee de l’Université Cornell. Mais pas pour toujours. Le générateur thermoélectrique radio-isotopique qui alimente les instruments de la sonde se dégrade un peu plus chaque année. Vers 2025, il ne sera peut-être plus en mesure de les faire fonctionner.