Les précédentes épidémies à coronavirus — le SARS-CoV-1 (2002-2004) et le MERS (2012) — nous avaient fortement alertés, et la pandémie actuelle, la pire de la série, nous l’a confirmé : il est désormais impératif de concevoir des armes « universelles » permettant à l’avenir de lutter efficacement contre d’autres coronavirus. Car oui, les experts le disent depuis des décennies, des pandémies à coronavirus, il y en aura d’autres. Certaines seront moins dévastatrices, tandis que d’autres pourraient l’être davantage.
La pandémie actuelle de COVID-19, qui fait encore rage à travers le monde, avait été prédite par des experts il y a presque 10 ans. Ils tiraient déjà la sonnette d’alarme quant à l’urgence de l’élaboration de plans sanitaires efficaces pour lutter contre ce type d’épidémies. À l’époque, les efforts n’ont pas été suffisants, mais aujourd’hui, après une pandémie qui continue de dévaster populations et économies, il semble y avoir du changement.
Dans cet élan, des chercheurs du Duke University Human Vaccine Institute, en Caroline du Nord, ont mis au point un nouveau vaccin universel potentiel contre les coronavirus. Il s’est avéré efficace lors de tests sur des singes et des souris pour stopper l’infection à différents coronavirus, dont le SARS-CoV-1, le SARS-CoV-2, et d’autres coronavirus apparentés issus de chauves-souris, qui pourraient potentiellement causer la prochaine pandémie.
Vaccin pan-coronavirus : une nécessité
Le nouveau vaccin, appelé vaccin pan-coronavirus, déclenche des anticorps neutralisants par le biais d’une nanoparticule. La nanoparticule est composée de la partie du coronavirus qui lui permet de se lier aux récepteurs cellulaires de l’organisme, et est formulée avec un booster chimique, le fameux adjuvant. Selon les chercheurs, la réussite des premiers tests chez les primates est très pertinente pour estimer l’efficacité potentielle chez les humains. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature.
« Nous avons commencé ce travail au printemps dernier en sachant que, comme tous les virus, des mutations se produiraient chez le SARS-CoV-2 », déclare l’auteur principal de l’étude, Barton F. Haynes, directeur du Duke Human Vaccine Institute (DHVI). « Les vaccins à ARNm étaient déjà en cours de développement, et nous avons donc cherché des moyens de maintenir leur efficacité après l’apparition de ces variantes ».
« Cette approche a non seulement fourni une protection contre le SARS-CoV-2, mais les anticorps induits par le vaccin ont également neutralisé des variantes préoccupantes provenant du Royaume-Uni, de l’Afrique du Sud et du Brésil », ajoute Haynes. « Et les anticorps induits ont réagi avec un panel assez large de coronavirus ».
Haynes et ses collègues, dont Kevin Saunders, directeur de la recherche au DHVI, se sont appuyés sur des études antérieures concernant le SRAS de 2002, la maladie respiratoire causée par le SARS-CoV-1. Ils ont découvert qu’une personne ayant été infectée par ce virus développait des anticorps capables de neutraliser plusieurs coronavirus, ce qui laisse penser qu’un vaccin pan-coronavirus pourrait être réalisable.
Le talon d’Achille des coronavirus est leur domaine de liaison aux récepteurs, situé sur la pointe qui relie les virus aux récepteurs des cellules humaines, appelée protéine Spike (ou « protéine de pointe »). Si ce site de liaison lui permet de pénétrer dans l’organisme et de provoquer une infection, il peut également être ciblé par les anticorps.
Une efficacité de 100% chez les singes
Pour concevoir le vaccin pan-coronavirus, l’équipe de recherche a identifié un site particulier du domaine de liaison aux récepteurs, présent sur le SARS-CoV-2, ses variantes en circulation et les virus liés au SRAS, qui les rend très vulnérables aux anticorps à neutralisation croisée.
L’équipe a ensuite conçu une nanoparticule affichant ce point vulnérable. La nanoparticule est associée à un adjuvant à base de petites molécules — plus précisément, l’agoniste des récepteurs 7 et 8 appelé 3M-052, formulé avec de l’alun (Alhydrogel, Adju-Phos®), qui a été mis au point par 3M et l’Infectious Disease Research Institute. L’adjuvant stimule la réponse immunitaire de l’organisme.
Lors de tests effectués sur des singes, le vaccin à nanoparticules a bloqué à 100% l’infection par le SARS-CoV-2. Il a également suscité des taux de neutralisation nettement plus élevés chez les animaux que les plateformes vaccinales actuelles ou que l’infection naturelle chez l’Homme.
« Ce que nous avons fait, c’est prendre des copies multiples d’une petite partie du coronavirus pour que le système immunitaire y réponde de manière plus intense », a déclaré Saunders. « Nous avons constaté que non seulement cela augmentait la capacité de l’organisme à empêcher le virus de provoquer l’infection, mais que cela ciblait également plus fréquemment ce site de vulnérabilité à réaction croisée sur la protéine spike. Nous pensons que c’est la raison pour laquelle ce vaccin est efficace contre le SARS-CoV-1, le SARS-CoV-2 et au moins quatre de ses variantes communes, ainsi que d’autres coronavirus animaux ».
« Il y a eu trois épidémies de coronavirus au cours des 20 dernières années, il est donc nécessaire de développer des vaccins efficaces qui peuvent cibler ces agents pathogènes avant la prochaine pandémie », a déclaré Haynes. « Ce travail représente une plateforme qui pourrait prévenir, tempérer rapidement ou mettre fin à une pandémie ».