La région de Boca Chica, située au sud du Texas, est aujourd’hui célèbre dans le monde entier car elle abrite le site de lancement de SpaceX. C’est en août 2014 qu’Elon Musk a officiellement choisi cette zone pour établir son site. Depuis, plusieurs de ses lanceurs réutilisables ont décollé du pas de tir. Mais aujourd’hui, le PDG de SpaceX voit plus grand : en mars dernier, il présentait officiellement son projet Starbase, un immense port spatial englobant le site de lancement et toute la région environnante. Un projet que les résidents actuels voient d’un mauvais œil…
Boca Chica est une petite communauté non constituée en municipalité, située à une vingtaine de kilomètres de Brownsville, au Texas. Établie depuis la fin des années 1960, ce n’est que très récemment que cette région a connu des changements majeurs : l’installation de SpaceX en 2014 a complètement bouleversé le paysage et englouti peu à peu la zone. Une « invasion » qui commence à agacer les résidents locaux.
D’autant que les projets de SpaceX ne vont pas s’arrêter en si bon chemin ! Elon Musk ambitionne de créer sur le site une nouvelle ville, baptisée Starbase, un projet qu’il a d’ores et déjà soumis aux autorités du comté. Pour mener à bien ce projet, la société propose aux habitants de racheter leurs propriétés ; elle serait déjà parvenue à s’approprier plus d’une centaine de terrains, mais certains habitants sont toujours réticents.
Avis d’évacuation et fermetures des accès
Lorsqu’Elon Musk sélectionne la région pour s’y installer, il évoque un maximum de douze lancements par an. Au fil du temps, les projets de l’entreprise ont pris de l’ampleur ; depuis 2019, Boca Chica est le site de test des différents prototypes du StarShip et de son lanceur, le Super Heavy. Des tests qui nécessitent une activité accrue et qui ne se déroulent pas toujours comme prévu, provoquant explosions et incendies. Pour les résidents, difficile de vivre à proximité en toute sérénité…
Bien souvent, les habitants sont invités à évacuer la zone afin que SpaceX puisse réaliser ses essais ; dans ce cas, l’entreprise finance leur séjour dans un hôtel voisin. Parfois, ils reçoivent des communiqués, les informant que leurs fenêtres peuvent se briser à cause des vibrations et des chocs explosifs éventuels. Certains rapportent également des fermetures de route ou d’accès à la plage voisine sans aucun avertissement préalable. « Je n’aime pas ce qu’ils font, mais vous ne voulez pas commencer un combat avec eux […] ils font ce qu’ils veulent de toute façon », témoigne Jim Crawford, un résident local. « Ils agissent comme s’ils possédaient déjà tout, y compris vous et votre maison », confie une autre habitante au Wall Street Journal.
Plusieurs habitants ont donc accepté l’argent de SpaceX pour déménager. Ceux qui restent se voient désormais proposer environ 150 000 dollars (soit 122 000 euros) pour chacune de leurs propriétés, soit environ trois fois leur valeur estimée, rapporte le Houston Chronicle. Le journal précise par ailleurs que SpaceX et ses sociétés écrans possèdent aujourd’hui 25 des 37 propriétés de Weems Street, l’une des rues principales du site. L’entreprise aurait même repeint les façades de ces maisons en noir et blanc, ce qui contraste avec les maisons de brique rouge des résidents. Ces derniers sont pour la plupart des retraités ; peu de personnes demeurent à l’année dans le village en dehors des employés de SpaceX.
Ceux qui refusent de vendre dénoncent par ailleurs les méthodes employées par SpaceX pour les convaincre de partir ; ils pensent que la société travaille avec les autorités du comté pour les pousser à quitter leur maison et ainsi faciliter la création de Starbase. Selon le Wall Street Journal, David Finlay, le directeur principal des finances de SpaceX, aurait fait comprendre à certains propriétaires réfractaires à l’idée de se séparer de leurs biens qu’il pourrait mettre en œuvre « des approches alternatives » pour les y inciter.
Des retombées économiques notables pour le comté
Le site de lancement de SpaceX représente non seulement une nuisance pour les habitants, mais il impacte aussi fortement l’environnement : en dehors du fait que la construction du site elle-même a nécessité la destruction du paysage, les diverses explosions de fusée ont malheureusement répandu des éclats de matériau dans toute la zone ; selon le US Fish and Wildlife Service, d’énormes morceaux de fusée se trouvent encore dans les marais alentour.
En compensation de ces « désagréments », la société met la main au portefeuille : le 30 mars dernier — suite à l’explosion du SN11 — Elon Musk annonçait qu’il ferait don de 20 millions de dollars aux écoles du comté de Cameron et de 10 millions de dollars à Brownsville. Un coup de pouce qui tombe à pic selon le maire de la ville, Trey Mendez, car en plus de la pandémie de COVID-19, la communauté a enduré un hiver particulièrement rigoureux cette année.
Malgré le mécontentement des habitants, Elon Musk n’est pas près de lever le pied. Il a récemment annoncé sur son compte Twitter que SpaceX était à la recherche de nouveaux collaborateurs : « Les besoins de SpaceX en matière d’embauche d’ingénieurs, de techniciens, de constructeurs et de personnel de soutien essentiel de toutes sortes augmentent rapidement. Starbase va s’agrandir de plusieurs milliers de personnes au cours des deux prochaines années ». Une annonce qui a provoqué un véritable boom de l’immobilier dans la région de Brownsville.
Mais si le comté se réjouit des retombées économiques de la présence de SpaceX, ce n’est définitivement pas le cas de la population locale. « La « colonisation de Mars » par SpaceX commence à avoir un impact sur la vallée du Rio Grande. Cela nous prive de l’accès à notre plage, embourgeoise notre communauté et provoque des explosions dévastatrices », déplore une activiste locale nommée Bekah Hinojosa.