L’extraction du cobalt (notamment pour les véhicules électriques) a de lourdes conséquences en République démocratique du Congo

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| Amnesty International et Afrewatch
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Alors que la production de batteries lithium-ion n’a jamais été aussi soutenue, les demandes en matière de cobalt ne cessent d’augmenter. En effet, ce métal est indispensable à la fabrication de ces accumulateurs. Les principales mines de cobalt se trouvent en Afrique, notamment en République démocratique du Congo. Son extraction se fait malheureusement au détriment de la santé humaine et de l’environnement.

Le sud de la RdC repose sur environ 3,4 millions de tonnes métriques de cobalt, soit près de la moitié des ressources mondiales connues. Une aubaine pour les habitants de la région, qui y voyaient un moyen de sortir de la pauvreté. Malheureusement, aucune réglementation n’encadre l’exploitation des gisements et nombreuses sont les sociétés qui exploitent la population locale pour s’enrichir.

Certains « artisans creuseurs » travaillent à leur compte, avec ou sans licence officielle, risquant leur vie pour extraire un maximum de ce précieux minerai. Les habitants ne cessent de fouiller leur propre terrain, espérant trouver de nouveaux filons ; des excavations qui ruinent complètement les quartiers. Mais le jeu en vaut la chandelle dans un pays où plus de 85% des gens occupent des emplois précaires, peu rémunérés, voire non déclarés, alors que le coût de la vie est très élevé.

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Une exploitation sans limites

Si au départ l’extraction du cobalt est apparue comme une véritable ruée vers l’or, les creuseurs ont vite déchanté lorsqu’ils ont réalisé qu’ils ne seraient jamais rémunérés à la hauteur de leurs efforts. « Lorsque vous êtes un creuseur, vous êtes obligé de faire ce que vous pouvez pour joindre les deux bouts », et cette nécessité l’emporte sur toute crainte concernant la sécurité personnelle, témoigne l’un d’entre eux.

À Kolwezi, l’une des principales villes minières du pays, les enfants apprennent à extraire le minerai le plus pur dès l’âge de trois ans, rapporte The New Yorker. Rapidement, ils apprennent à estimer la valeur des pierres. À proximité des mines, la prostitution des femmes et des jeunes filles est omniprésente. Non seulement les mineurs risquent leur vie en s’aventurant dans des sous-sols instables, mais le minerai brut est lui-même hautement toxique, comme le rappelle une étude parue dans The Lancet l’année dernière : l’étude révèle notamment un lien entre les pères exposés aux produits chimiques miniers et les malformations congénitales observées chez leurs enfants.

C’est en 2014 qu’un gisement de cobalt a été découvert par hasard, par un homme qui effectuait des travaux derrière sa maison, en périphérie de la ville de Kolwezi. Fin 2014, ils étaient près de deux mille creuseurs à travailler sans relâche dans le quartier de Kasulo. « Il y avait beaucoup d’argent et tout le monde pouvait en gagner. Les minéraux étaient proches de la surface et pouvaient être extraits sans creuser de trous profonds », selon le témoignage de l’un d’entre eux, recueilli par The New Yorker. Certaines coopératives de creuseurs extrayaient ainsi jusqu’à deux tonnes de matière première d’une seule fosse. Mais l’excavation à outrance, de plus en plus profonde et sans aucun support pour soutenir les tunnels, a rendu les conditions de travail très dangereuses.

Toute tentative de restriction des fouilles s’est avérée vaine. Le maire de Kolwezi avait officiellement interdit l’extraction de minerais dans le quartier de Kasulo, mais il a fini par fuir face à la colère des habitants. Il est par ailleurs connu que les soldats postés à Kolwezi pour rétablir un peu d’ordre s’introduisent dans les mines la nuit, en toute illégalité. Et pour cause : les prix du cobalt ont bondi de près de 40% depuis le début de l’année.

Des entreprises technologiques poursuivies en justice

L’absence de réglementation encadrant l’exploitation des mines favorise la corruption et les abus de la part de négociants sans scrupules. Pour supporter les conditions de travail, les mineurs sombrent dans l’alcool et la drogue, un fléau qui n’épargne pas les enfants : pour qu’ils continuent à travailler, ces derniers sont souvent drogués avec des coupe-faim.

Selon les enquêteurs, des milliers d’enfants travaillent dans les mines de cobalt, rien qu’à Kolwezi. « Dans une région aussi pauvre, les parents attendent souvent de leurs enfants qu’ils complètent les revenus de la famille, même si le travail est dangereux », explique Mark Canavera, membre du corps professoral de l’Université Columbia qui se concentre sur le bien-être de l’enfance et qui a passé quelques temps dans la région. Officiellement, le gouvernement congolais réprime le travail des enfants, mais en pratique, peu d’adultes s’y opposent, moyennant une compensation financière faisant office de droit de passage.

La plupart des mines du sud de la RdC ont été rachetées par des entreprises chinoises ces dernières années (notamment China Molybdenum ou Congo Dongfang International Mining, une filiale de Huayou Cobalt Co., pointée du doigt par un rapport d’Amnesty International). Elles se sont engagées à durcir la réglementation pour assurer la sécurité des mineurs et des résidents locaux. Mais sur le terrain, la réalité est toute autre, rapporte le journaliste du New Yorker : sur certains sites, les conditions de travail demeurent déplorables (équipement rudimentaire, maltraitance), sans compter que l’activité minière a complètement empoisonné les lacs et cours d’eau de la région.

Tous les grands noms de la tech (Apple, Google, Microsoft, Tesla et consorts) s’approvisionnent dans ces mines. Ces sociétés sont d’ailleurs poursuivies en justice pour avoir causé des décès et des blessures parmi les enfants congolais. Sous la pression du public, toutes promettent d’investiguer et de « nettoyer » leurs chaînes d’approvisionnement pour résoudre le problème. Si Tesla s’est engagée l’an dernier à utiliser des batteries lithium-fer-phosphate sans cobalt dans certaines de ses voitures électriques — une annonce qui a évidemment fait plonger l’action Huayou — on ne sait pas exactement comment elle compte s’y prendre. Apple a elle aussi déclaré qu’elle était fermement opposée au travail des enfants ; Huyaou fait pourtant toujours partie de ses fournisseurs.

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