L’expérimentation concerne pour le moment une dizaine de restaurants de la chaîne de fast food, dans la région de Chicago. La prise de commande aux bornes du service drive y est gérée au moyen d’un système de reconnaissance vocale. Selon Chris Kempczinski, PDG de McDonald’s Corporation, le système peut prendre en charge environ 80% des commandes, avec une précision avoisinant les 85%.
Les bornes des drives fonctionnent aujourd’hui comme de simples interphones : le conducteur dicte sa commande à un humain ; quand le service est particulièrement encombré, des employés du restaurant viennent même directement à la rencontre des clients assis au volant pour prendre leur commande manuellement.
McDonald’s est la plus grande chaîne de fast food au monde, avec près de 38 000 restaurants répartis dans plus d’une centaine de pays. Le déploiement de la reconnaissance vocale dans les drives de la chaîne ne sera donc sans doute pas pour demain. « Il y a un grand pas entre le passage de 10 restaurants à Chicago à 14 000 restaurants à travers les États-Unis », souligne Chris Kempczinski. Néanmoins, le PDG estime possible que le système soit opérationnel dans l’ensemble des restaurants américains dans cinq ans.
Objectif : réduire le temps d’attente… et le nombre d’employés
Ce soudain intérêt pour les assistants vocaux n’est pas un hasard : cela fait en réalité quelques temps que McDonald’s s’efforce de réinventer l’expérience de la restauration rapide. En mars 2019, elle a ainsi racheté la start-up Dynamic Yield, pour un montant de plus de 300 millions de dollars (soit la plus grosse acquisition de la chaîne en 20 ans) ; cette start-up est spécialisée dans la personnalisation de l’expérience client (recommandations, optimisation, etc.). Grâce à ce savoir-faire, McDonald’s personnalise les menus proposés aux bornes Drive en fonction de l’heure, de la météo, du trafic en temps réel, des tendances, etc., et propose des produits additionnels adaptés au choix du client.
Quelques mois plus tard, en septembre 2019, l’empire du fast food ajoute une nouvelle corde à son arc, en rachetant la société Apprente, une start-up spécialisée dans les solutions vocales, afin de développer la commande vocale à ses bornes de drive et sur son application mobile. Contrairement à d’autres assistants vocaux intelligents, la technologie d’Apprente ne transcrit pas la voix en texte (speech-to-text), mais est capable d’analyser les sons pour en déduire directement le sens. Une spécificité particulièrement intéressante dans un contexte où les clients peuvent utiliser un langage relativement concis et familier, parfois agrémenté d’un accent, dans un environnement plutôt bruyant.
Cette technologie permet non seulement de réduire le temps d’attente, mais permet aux restaurants de fonctionner avec moins d’employés. La technologie avait déjà été testée, dès le mois de juin 2019, dans certains restaurants de la chaîne ; le logiciel de reconnaissance vocale avait été testé non seulement aux bornes du drive, mais également à l’intérieur du restaurant, pour commander des friteuses automatisées (qui ajoutaient automatiquement des frites ou du poulet dans l’huile selon les commandes).
Kempczinski se dit très satisfait de ce choix stratégique : « Il y a encore beaucoup de travail, mais je suis convaincu par l’acquisition que nous avons faite avec Apprente, le travail que nous avons fait depuis lors, nous sommes satisfaits de la faisabilité technique de celle-ci et de l’analyse de rentabilisation », a-t-il déclaré lors de la conférence AllianceBernstein Strategic Decisions. Selon le PDG, le système automatisé affiche une précision de 85% dans la prise de commande et peut assurer 80% des commandes.
Une technologie pas si simple à mettre en place
Si McDonald’s s’emploie à accélérer son service par tous les moyens, c’est parce qu’il doit faire face à une concurrence accrue de la part des petites chaînes de restaurants, ainsi qu’à une baisse globale de fréquentation des restaurants rapides dans l’ensemble des États-Unis. En outre, le salaire minimum a augmenté dans plusieurs États, ce qui pourrait inciter les directeurs de restaurants à remplacer leurs employés par des machines…
Le PDG du groupe souligne cependant que la mise en place de cette technologie a nécessité un temps d’adaptation de la part des employés, qui étaient tentés d’intervenir chaque fois qu’un client posait une question ou marquait un temps de pause. Or, ces interventions humaines nuisent à l’apprentissage automatique nécessaire à l’amélioration du système. « Il a fallu un peu de temps pour réellement apprendre à faire confiance à la technologie », explique Kempczinski.
Autre point noir de l’automatisation : le coût des équipements (tels que les friteuses ou les grils automatisés), qui pourrait être prohibitif pour de nombreux franchisés. Le PDG reconnaît clairement que l’investissement ne serait pas rentable pour la plupart d’entre eux. L’automatisation de la préparation des repas semble ainsi être un objectif à plus long terme selon les propos du dirigeant.
Enfin, la chaîne doit aussi faire face à certains clients pas vraiment friands de ces nouvelles technologies : un client de l’Illinois a en effet déposé une plainte contre la chaîne, affirmant que l’entreprise avait violé la loi de l’État sur la confidentialité des informations biométriques, en n’obtenant pas son approbation préalable avant d’utiliser la technologie de reconnaissance vocale pour prendre sa commande. L’accusation reproche notamment à McDonald’s d’aller au-delà de l’analyse et de la reconnaissance d’empreintes vocales, en intégrant des routines d’apprentissage automatique qui utilisent également la numérisation des plaques d’immatriculation pour identifier les clients et ainsi leur proposer des menus adaptés en fonction de leurs visites passées.