Alors qu’ils procédaient à des travaux d’excavation, des employés de la mine d’or Little Flake, au Yukon, dans le nord-ouest du Canada, ont découvert des ossements préhistoriques, appartenant vraisemblablement à des mammouths laineux. À mesure qu’ils creusaient, les mineurs ramassaient de plus en plus de fragments, jusqu’à rassembler trois squelettes partiels.
Ces ossements ont été découverts près d’une couche de téphra volcanique — des fragments de roche expulsés pendant l’éruption d’un volcan. Selon Grant Zazula, paléontologue en chef du gouvernement du Yukon, ces restes volcaniques datent probablement d’environ 29 000 ans, lorsqu’un volcan des îles Aléoutiennes est entré en éruption. Les mammouths devaient donc vivre dans la région à cette même époque.
Si une grande partie du Canada était alors recouverte de glaciers, la zone où ont été découverts les fossiles était quant à elle épargnée par la glace : elle faisait partie d’une région appelée Béringie, un pont terrestre qui reliait l’Alaska et la Sibérie orientale lors de la dernière période glaciaire ; aujourd’hui, le détroit de Béring sépare les continents asiatique et américain. Les experts pensent que plusieurs animaux (mammouths, bisons, chevaux sauvages, etc.) ont emprunté ce passage pour s’établir en Amérique du Nord, puis plus au sud.
Lorsqu’un pont terrestre reliait l’Asie et l’Amérique du Nord
Selon les paléontologues, cette bande de terre est apparue suite à la baisse du niveau de la mer, il y a 35 000 à 18 000 ans. Les mammouths laineux ont emprunté ce passage, probablement pour fuir les populations humaines d’Asie qui les chassaient. « Le climat était incroyablement froid et sec, probablement sans arbres, ce qui a entraîné la prévalence de mammifères au pâturage », précise Zazula. Une fois en Amérique du Nord, ils ont rapidement migré vers le sud, jusqu’à l’actuel Kansas. Les derniers mammouths laineux vivaient au Yukon il y a environ 11 000 ans selon le spécialiste.
Le climat de l’époque, aride et venteux, aurait contribué à préserver ces fossiles de mammouths : après leur mort, le vent a sans doute permis de recouvrir rapidement de poussières de roche les cadavres de ces animaux, de ce fait moins exposés aux charognards. Certains des os mis au jour étaient même toujours articulés les uns avec les autres. Ils ont aujourd’hui rejoint la collection du Département de paléontologie du gouvernement du Yukon.
Lorsque les mineurs recherchent de l’or, ils doivent retirer les couches de ce limon gelé pour atteindre le gravier susceptible de contenir les précieuses pépites. Ainsi, il arrive souvent qu’ils découvrent au passage des restes d’animaux de l’ère glaciaire ; les mineurs qui travaillent dans le centre du Yukon déterrent des crânes, des os, des défenses et autres fossiles de mammifères depuis la ruée vers l’or du Klondike (qui date de 1896). Mais aussi fréquentes que soient ces trouvailles, elles n’en demeurent pas moins impressionnantes : « Nous étions vraiment ébahis par la taille et le poids du premier os que nous avons trouvé », raconte l’un des mineurs à l’origine de la découverte, Trey Charlie.
Une zone riche en fossiles de l’ère glaciaire
Le secteur est connu pour abriter de nombreux fossiles datant de l’ère glaciaire. En 2016, un résident du village d’Old Crow, dans le nord du Yukon, avait lui aussi fait une découverte étonnante. Alors qu’il chassait le canard sur la rivière Crow, il a aperçu un os dépasser des flots : il s’agissait d’un énorme fémur de mammouth, étonnamment intact. « Nous ne trouvons généralement pas d’os complets dans cette zone, parce qu’ils ont roulé dans une rivière, se heurtant aux rochers ou autre », expliquait Zazula à l’époque.
La disposition des ossements nouvellement découverts suggère que les trois animaux appartenaient vraisemblablement à une même famille et vivaient ensemble : « Nous semblons avoir un grand mammouth adulte, un jeune adulte et un juvénile », a déclaré Zazula. Dans le cas contraire, ces individus auraient également pu appartenir à un troupeau bien plus grand. C’est pourquoi l’expert pense que d’autres mammouths pourraient être enfouis sous le site minier ; lorsque les travaux d’excavation de la mine reprendront d’ici quelques semaines, Zazula et son équipe seront sur place pour le vérifier.
Ces trois mammouths sont morts ensemble, non loin de l’endroit où ont été retrouvés les fossiles. Pour l’instant, la cause de leur mort est inconnue, mais Zazula espère que les recherches en cours apporteront quelques éléments de réponse. Les scientifiques pensent que les mammouths ont disparu suite à un changement climatique, à l’apparition d’une maladie, ou bien ont tout simplement été décimés par la chasse. Leur disparition peut également résulter d’une combinaison de tous ces facteurs.