Les batteries lithium-ion sont aujourd’hui largement présentes dans notre quotidien, que ce soit dans notre équipement électronique portable ou bien dans les véhicules électriques. Les temps de charge, dans un cas comme dans l’autre, sont toutefois relativement lents et ces batteries ne peuvent supporter un transfert d’énergie plus important. Pour augmenter leur potentiel, des chercheurs ont développé une technique permettant de scruter leur fonctionnement interne afin de comprendre et d’optimiser les cycles de charge-décharge.
Pour faire progresser la technologie des batteries lithium-ion, en particulier la vitesse de charge, la clé réside dans une meilleure compréhension des processus dynamiques qui se produisent au sein même des matériaux, en temps réel et à l’échelle nanométrique. Plusieurs méthodes ont déjà été mises en œuvre pour observer l’intérieur des batteries lithium-ion (rayons X synchrotron, microscopie électronique), mais elles s’avéraient relativement coûteuses et chronophages.
La méthode proposée par les chercheurs de l’Université de Cambridge est une technique de microscopie à diffusion interférométrique optique. Elle leur a permis de suivre le déplacement des ions lithium en temps réel pendant que les batteries se chargent et se déchargent. Ils ont ainsi pu identifier les processus de limitation de vitesse qui, une fois résolus, permettront d’obtenir des batteries capables de se charger en cinq minutes à peine !
Objectif : développer des batteries à charge rapide
Les batteries lithium-ion possèdent un nombre maximum de cycles, avant lequel leur autonomie commencera à s’effondrer (pour rappel, un cycle représente une décharge complète suivie d’une recharge complète de la batterie). Grâce à leur nouvelle approche, les chercheurs ont constaté que la vitesse de charge dépend de la vitesse à laquelle les ions lithium peuvent traverser les particules de matière active. De même, la vitesse de décharge dépend de la vitesse à laquelle les ions s’insèrent sur les bords de la cathode. « Si nous pouvions contrôler ces deux mécanismes, cela permettrait aux batteries lithium-ion de se charger beaucoup plus rapidement », résume le Dr Ashkay Rao du laboratoire Cavendish de Cambridge, qui a dirigé la recherche.
Cette technique d’observation pourrait non seulement contribuer à améliorer les matériaux de batterie actuels, mais pourrait accélérer le développement de batteries nouvelle génération — l’un des obstacles technologiques majeurs à surmonter pour basculer vers un monde sans combustible fossile. Les batteries lithium-ion possèdent une densité d’énergie élevée (même si elles sont loin d’égaler le pétrole sur ce point) et sont exemptes d’effet mémoire, contrairement aux accumulateurs à base de nickel ; elles se déchargent aussi beaucoup moins rapidement que les modèles d’accumulateurs précédents.
Leur coût de production reste cependant très élevé et elles sont sujettes à la surchauffe, voire à l’explosion. Par conséquent, elles sont aujourd’hui peu adaptées à une utilisation de masse dans deux technologies « propres » majeures : les voitures électriques et le stockage d’énergie solaire à l’échelle du réseau. Conclusion : il est indispensable aujourd’hui de développer de meilleures batteries, autrement dit « une batterie qui peut stocker beaucoup plus d’énergie ou qui peut se charger beaucoup plus rapidement — idéalement les deux », résume le Dr Christoph Schnedermann, co-auteur de l’étude.
Pour développer des batteries plus efficaces, une seule solution : comprendre ce qu’il se passe précisément à l’intérieur. C’est pourquoi cette équipe de Cambridge a développé cette nouvelle technique de microscopie, qui leur a permis de visualiser l’ensemble des processus mis en œuvre. Leur microscope est capable d’observer les batteries en train de se charger et de se décharger, sur une période de plusieurs heures, tout en capturant les processus extrêmement rapides qui s’y produisent.
Étudier la dynamique des ions dans les matériaux
Ils ont notamment pu observer des particules individuelles d’oxyde de lithium et de cobalt (communément appelé LCO) se charger et se décharger, en mesurant la quantité de lumière diffusée. Le LCO traverse une série de transitions de phase lors du cycle de charge-décharge ; or, les limites de phase au sein des particules LCO changent au fur et à mesure que les ions lithium entrent et sortent. Ainsi, les batteries lithium-ion affichent différentes limites de vitesse selon qu’elles soient en mode charge ou en mode décharge. « Le fait que nous puissions réellement voir ces limites de phase se charger en temps réel était vraiment surprenant. Cette technique pourrait être une pièce importante du puzzle dans le développement des batteries de nouvelle génération », souligne Schnedermann.
Bien que les batteries lithium-ion existent depuis des décennies, c’est la première fois que des scientifiques parviennent à déterminer à quelle vitesse une batterie est capable de passer par un cycle de charge-décharge. « La technique est un moyen assez général d’étudier la dynamique des ions dans les matériaux à l’état solide, de sorte que vous pouvez l’utiliser sur presque tous les types de matériaux de batterie », remarque le professeur Clare Grey, du département de chimie Yusuf Hamied de Cambridge, qui a codirigé la recherche.
L’équipe se réjouit d’étudier de la même façon les matériaux des batteries de la prochaine génération et éventuellement, d’en améliorer les performances grâce à ces connaissances nouvellement acquises. Leur approche, qui offre un aperçu en temps réel, permettra en outre de mieux comprendre ce qu’il se passe lorsque les batteries tombent en panne et ainsi, trouver les moyens de l’éviter.