La sonde Mars Hope des Émirats arabes unis, en orbite autour de la planète rouge depuis le mois de février, a capturé les images d’un événement très rare et spectaculaire : une aurore nocturne. La sonde est équipée d’un spectromètre ultraviolet, conçu pour étudier le processus d’échappement dans l’espace du dioxygène et du dihydrogène de l’atmosphère de Mars ; la sensibilité de l’instrument a permis de capturer par hasard une magnifique aurore discrète dans la nuit martienne.
Les aurores nocturnes de Mars sont particulièrement difficiles à détecter et cela fait plusieurs décennies que les scientifiques tentent d’étudier le phénomène en détail. Cinq mois à peine après son arrivée, Mars Hope réalise déjà une découverte majeure, qui ne fait même pas partie des objectifs scientifiques initiaux de la mission : des images publiées la semaine dernière montrent de grandes structures lumineuses dans le ciel sombre de la planète.
« [Ces aurores] ne sont pas faciles à saisir, et c’est pourquoi les voir tout de suite avec Emirates Mars Mission était assez excitant et inattendu », a déclaré Justin Deighan, planétologue au Laboratoire de physique atmosphérique et spatiale de l’Université du Colorado et responsable scientifique de la mission Hope. Cette découverte pourrait contribuer à mieux comprendre l’atmosphère martienne et la façon dont elle interagit avec l’activité solaire.
De « mini aimants » répartis sur toute la planète
Sur Terre, les aurores polaires sont liées au champ magnétique de notre planète ; elles se produisent lorsque des particules chargées issues du vent solaire entrent en collision avec la magnétosphère. Ces particules de haute énergie sont captées et canalisées par les lignes du champ magnétique terrestre jusqu’aux pôles ; là, elles excitent et ionisent les atomes de la haute atmosphère qui, en revenant à un état plus stable, émettent un photon. Un « rideau » de diverses couleurs apparaît alors dans le ciel, de par les différents gaz présents dans notre atmosphère.
Sur Mars, le processus est très différent : les aurores ne se limitent pas aux pôles, mais peuvent apparaître sur l’ensemble de la planète. Contrairement à la Terre, Mars ne possède pas (ou plutôt, ne possède plus) de champ magnétique global, assimilable à celui d’un aimant droit géant. À la surface de la planète rouge, les scientifiques ont en revanche détecté des plaques de roches contenant la signature d’un champ magnétique aujourd’hui disparu. « C’est comme si vous aviez pris un sac d’aimants et que vous les aviez jetés dans la croûte de la planète. Ils sont tous pointés de différentes manières et ils ont des forces différentes », explique Deighan.
Finalement, ces champs magnétiques disjoints agissent un peu comme des lentilles guidant les particules du vent solaire vers différentes parties de l’atmosphère martienne ; ces particules entrent ensuite en collision avec les atomes et les molécules de la haute atmosphère, générant la lueur des aurores. Les scientifiques ont observé trois types d’aurores sur Mars. L’un d’eux se produit exclusivement du côté éclairé par le Soleil ; les deux autres se produisent la nuit. Parmi ces phénomènes nocturnes, l’un ne se produit que lors de tempêtes solaires extrêmement puissantes. Les aurores discrètes, telles que celle capturée par Hope, ne se limitent pas à une activité solaire intense et ne se produisent que dans certaines zones de la face nocturne de Mars, là où les traces de magnétisme ancien sont particulièrement denses.
Élucider la disparition de l’atmosphère de Mars
Bien qu’il n’ait pas été conçu spécifiquement pour cet usage, l’EMUS (Emirates Mars Ultraviolet Spectrometer) embarqué sur la sonde Hope avait toutes les chances de capturer le phénomène. « Les aurores sont faibles et tous les instruments sensibles à la lumière visible sur Mars sont conçus pour prendre des photos à la lumière du jour », explique Justin Deighan. Mais EMUS peut effectuer des observations dans l’ultraviolet lointain et sa position offre une vue globale de la planète, sous plusieurs angles.
L’étude et la comparaison des aurores terrestres et martiennes sont particulièrement intéressantes pour les scientifiques, car les deux planètes ont des propriétés magnétiques très différentes. Sur Mars, le magnétisme rémanent de la croûte planétaire est jusqu’à 30 fois supérieur à celui de la croûte terrestre, notamment dans certaines régions de l’hémisphère sud. Ces nouvelles images fournies par Hope peuvent notamment aider à comprendre comment Mars a perdu son atmosphère, qui était bien plus épaisse il y a des milliards d’années. « La question est de savoir comment l’énergie pénètre dans le système et éloigne la haute atmosphère, et les aurores sont pile au cœur de cela », explique Deighan.
L’équipe ne sait toujours pas précisément quelles particules chargées créent ces aurores. Deighan pense que les électrons sont responsables, bien que ceux-ci puissent provenir soit du Soleil, soit de Mars elle-même ; il est dans tous les cas certain que leur énergie est limitée.
La sonde MAVEN de la NASA peut elle aussi prendre des photos d’aurores martiennes lorsque son orbite elliptique l’éloigne suffisamment de la planète ; elle peut également mesurer et identifier directement les particules solaires à l’origine du spectacle lorsqu’elle se trouve à proximité. Mais elle n’a pas la capacité d’effectuer les deux mesures simultanément. Ainsi, en coordonnant les photographies d’aurores de la sonde Hope avec les mesures de particules de MAVEN, les planétologues pourraient être en mesure de mieux comprendre les lumières nocturnes de Mars et de déterminer d’où viennent les particules chargées à l’origine du phénomène.
La mission Hope doit durer une année martienne (soit 687 jours terrestres), ce qui permettra à l’équipe de collecter bien plus d’informations sur ces aurores particulières. « Nous sommes en mesure de capturer ce genre d’images très régulièrement, nous nous attendons donc à des images plus fréquentes d’aurores chaque fois qu’elles se produiront, et cela nous permettra d’étudier davantage les aurores discrètes et pourquoi elles se produisent », explique Hessa Al Matroushi, responsable de la mission.