Les semi-conducteurs et les supraconducteurs sont des domaines de recherche actifs en physique de la matière condensée, au regard de leurs possibilités quasi illimitées. Récemment, des chercheurs sont parvenus pour la première fois à connecter les deux matériaux dans un système stable, combinant ainsi leurs propriétés respectives. Cette prouesse devrait ouvrir la voie à de toutes nouvelles applications, notamment en électronique quantique, où le dispositif pourrait servir à contrôler extrêmement finement les champs magnétiques microscopiques.
Les chercheurs ont réussi à combiner pour la toute première fois deux types de matériaux aux propriétés intéressantes : un semi-conducteur ultrafin d’une épaisseur d’un seul atome ; et un supraconducteur, capable de conduire l’électricité avec une résistance nulle. Ces deux matériaux ont des propriétés inhabituelles et fascinantes, et en les associant grâce à un processus de fabrication en laboratoire délicat, l’équipe à l’origine de la recherche espère ouvrir toutes sortes de nouvelles applications en physique classique et quantique.
Les semi-conducteurs sont la clé des appareils électriques qui dominent nos vies, des téléviseurs aux téléphones. Ce qui les rend si utiles par rapport aux métaux ordinaires, c’est que leur conductivité électrique peut être ajustée en leur appliquant une tension (entre autres méthodes), ce qui facilite l’activation et la désactivation d’un flux de courant.
La combinaison de deux matériaux aux comportements différents
Ici, une seule couche de bisulfure de molybdène semi-conducteur (MoS2) a été extraite et ajoutée au processus de fabrication. Dans cette configuration, un supraconducteur appelé molybdène rhénium (MoRe) a été ajouté au système, et les chercheurs s’attendent à observer des phénomènes physiques complètement nouveaux à partir de leurs matériaux combinés. « Dans un supraconducteur, les électrons s’organisent en paires, comme des partenaires dans une danse – avec des conséquences étranges et surprenantes, telles que le passage du courant électrique sans résistance », explique le physicien Andreas Baumgartner, de l’Université de Bâle en Suisse.
« Dans le bisulfure de molybdène semi-conducteur, d’autre part, les électrons exécutent une danse complètement différente, une étrange routine en solo qui incorpore également leurs moments magnétiques. Maintenant, nous aimerions découvrir sur quelles danses nouvelles et exotiques les électrons s’accordent si nous combinons ces matériaux ».
Les semi-conducteurs ultrafins comme celui utilisé ici sont actuellement un sujet de recherche actif pour les chercheurs : ils peuvent être empilés pour former des matériaux synthétiques entièrement nouveaux connus sous le nom d’hétérostructures de Van der Waals. Ces structures ont de nombreuses utilisations potentiellement innovantes, telles que la capacité de contrôler le magnétisme électronique avec des champs électriques.
L’existence d’un couplage fort entre semi-conducteur et supraconducteur
Cependant, une grande partie de ce potentiel est encore théorique, car les scientifiques ne savent tout simplement pas encore quels effets ils vont obtenir et quels appareils ils pourraient être capables de fabriquer. C’est pourquoi réussir à créer cette combinaison est si important. Dans cette dernière configuration, l’équipe a trouvé des preuves d’un fort couplage (interactions connues sous le nom d’effet de proximité) entre la couche semi-conductrice et le supraconducteur, lorsque les matériaux étaient refroidis juste au-dessus du zéro absolu.
« Le couplage fort est un élément clé dans les phénomènes physiques nouveaux et passionnants que nous nous attendons à voir dans de telles hétérostructures de Van der Waals, mais que nous n’avons jamais pu démontrer », explique le physicien Mehdi Ramezani, de l’Université de Bâle. L’établissement de cette liaison semi-conducteur-supraconducteur n’est pas facile.
Le semi-conducteur est placé dans un sandwich, avec des couches isolantes au-dessus et en dessous, tandis que des trous gravés dans le haut de la couche isolante fournissent l’accès au contact électrique. Le matériau supraconducteur comble les espaces laissés par les trous, et le processus est achevé à l’intérieur d’une boîte remplie d’azote pour protéger le système fini des dommages. Des micromanipulateurs télécommandés sont utilisés pour terminer la fabrication, sous un microscope optique.
La fabrication étant terminée, les tests et les expériences peuvent commencer dans des systèmes refroidis près du zéro absolu. De plus, les chercheurs pensent qu’ils pourront utiliser la même technique pour exploiter d’autres semi-conducteurs à l’avenir, augmentant encore son potentiel.