Le gouvernement de l’Uttar Pradesh en Inde veut mettre en œuvre une politique à deux enfants et un programme de stérilisation volontaire pour garantir un « équilibre de population entre les différentes communautés ». En proposant d’importants avantages aux familles avec deux voire un seul enfant, et des pénalités pour celles à plus de deux enfants, cette politique souhaite réduire la démographie indienne via des procédés jugés non démocratiques et hautement coercitifs par ses nombreux détracteurs.
L’État du nord de l’Inde est l’une des régions les plus peuplées du monde, avec une densité de population deux fois supérieure à la moyenne nationale. Elle abrite plus de 220 millions d’habitants, soit plus que la population de la plupart des pays africains, européens et sud-américains. Les critiques disent que la politique est coercitive envers les femmes et cible les communautés minoritaires. La politique proposée suggère de pénaliser les familles nombreuses en les rendant inéligibles aux élections locales, en interdisant l’accès aux emplois du gouvernement de l’État, aux promotions et aux régimes d’avantages sociaux du gouvernement.
D’importants avantages pour les familles à un seul enfant
Les incitations à la « stérilisation volontaire » vont des réductions d’impôts et des suppléments de salaire pour les emplois publics aux subventions pour l’achat d’une maison ou d’un terrain. Les personnes travaillant pour le gouvernement obtiennent encore plus d’avantages salariaux s’ils n’ont qu’un seul enfant, ainsi que des soins de santé et une éducation gratuits pour l’enfant jusqu’à l’âge de 20 ans. Il existe même une incitation en espèces unique de 80 000 INR (900 euros) si l’enfant unique est un garçon et de 100 000 INR (1200 euros) s’il s’agit d’une fille.
Yogi Adityanath, le ministre en chef de l’Uttar Pradesh, a déclaré aux médias indiens qu’il devrait également y avoir un écart adéquat entre les deux naissances, si une famille veut un deuxième enfant. « La nouvelle politique démographique ne vise pas seulement à stabiliser la croissance démographique, mais aussi à ouvrir la voie à la prospérité pour chaque citoyen », a-t-il déclaré lors de la présentation des mesures, ajoutant que la réduction du taux de fécondité « habilitera » les femmes à faire des choix personnels éclairés. Le projet de loi 2021 sur la population de l’Uttar Pradesh (contrôle, stabilisation et bien-être) était ouvert aux suggestions du public jusqu’à aujourd’hui.
Une politique jugée hautement coercitive
Le projet de loi n’est pas sans opposants. Les experts qualifient la politique de « coercitive », tout à fait dans le sens de la politique de l’enfant unique de la Chine, en particulier pour ses femmes. « Chaque fois qu’il y a un contrôle de la population, cela conduit à des violences contre le corps des femmes », déclare la militante féministe Kavitha Krishnan. Dans les années 1970, le gouvernement de l’époque, sous le Congrès national indien, a lancé une campagne de stérilisation de masse qui avait pris une tournure « horrible » lorsque des millions de personnes ont été stérilisées de force.
Même maintenant, les organes de presse rapportent régulièrement des décès de femmes dans les camps de stérilisation gérés par le gouvernement. « Les mesures de contrôle de la population peuvent entraîner une augmentation des pratiques sexospécifiques et des avortements à risque étant donné la forte préférence pour les fils en Inde, comme cela a été observé dans quelques États dans le passé », explique Poonam Muttreja, directeur général de l’association à but non lucratif Population Foundation of India.
L’inefficacité des mesures de contrôle de la population
« La Chine est un excellent exemple de l’inefficacité avérée des politiques coercitives, et illustre que l’Inde ne doit pas les adopter. Aujourd’hui, la Chine est confrontée à une pénurie de jeunes travailleurs, qui aura une profonde influence sur son économie », ajoute Muttreja. La Chine a abandonné la politique de l’enfant unique en 2015 pour une politique à deux enfants. En mai 2021, Pékin a annoncé que les couples pourraient avoir jusqu’à trois enfants.
Les mesures semblent également reposer sur les inquiétudes entourant la prétendue explosion démographique de l’Inde, que les experts ont qualifiée de fausse. L’inquiétude concernant une explosion démographique n’est « pas étayée par des données nationales ou mondiales. Il n’y a aussi aucune preuve qu’il y ait une explosion démographique en Inde ou en Uttar Pradesh », indique Muttreja. En fait, l’Inde est « en bonne voie » pour parvenir à la stabilisation de la population. « Selon les données disponibles, l’Inde a déjà commencé à connaître un ralentissement de la croissance démographique et une baisse du taux de fécondité ».