Les gènes rapporteurs ont été un pilier de la recherche en biotechnologie, permettant aux scientifiques de suivre l’expression des gènes, de comprendre les processus intracellulaires et de déboguer des circuits génétiques modifiés. Mais les schémas de rapport conventionnels qui reposent sur la fluorescence et d’autres approches optiques, s’accompagnent de limitations pratiques qui pourraient jeter une ombre sur les progrès futurs du domaine. C’est pourquoi une équipe de recherche a développé une nouvelle technologie permettant d’exploiter plus efficacement les systèmes de communication entre cellules et ordinateurs.
Des chercheurs de l’Université de Washington et de Microsoft ont créé ce qu’ils appellent un « nanopore-tal » afin de mieux comprendre ce qui se passe à l’intérieur de ces systèmes biologiques complexes, permettant aux scientifiques de voir les gènes rapporteurs sous un tout nouveau jour.
L’équipe a introduit une nouvelle classe de gènes rapporteurs qui peuvent être directement lus par un dispositif de détection à nanopores disponible dans le commerce. Le nouveau système — surnommé « Nanopore-adressable protein Tags Engineered as Reporters » ou « NanoporeTERs » — peut détecter plusieurs niveaux d’expression de protéines à partir de cultures de cellules bactériennes et humaines bien au-delà de la capacité des techniques existantes.
L’étude a été publiée dans la revue Nature Biotechnology. « Les nanoporeTER offrent un nouveau lexique plus riche permettant aux cellules modifiées de s’exprimer et de jeter un nouvel éclairage sur les facteurs qu’elles sont conçues pour suivre. Ils peuvent nous en dire beaucoup plus sur ce qui se passe dans leur environnement », explique Nicolas Cardozo, chercheur à l’UW Molecular Engineering and Sciences Institute.
Une nouvelle technologie de communication entre cellules et ordinateurs
« Nous permettons essentiellement à ces cellules de « parler » aux ordinateurs de ce qui se passe dans leur environnement à un nouveau niveau de détail, d’échelle et d’efficacité, qui permettra une analyse plus approfondie que ce que nous pouvions faire auparavant ». Pour les méthodes de marquage conventionnelles, les chercheurs ne peuvent suivre simultanément que quelques gènes rapporteurs optiques, tels que la protéine fluorescente verte, en raison de leurs propriétés spectrales qui se chevauchent.
Par exemple, il est difficile de distinguer plus de trois couleurs différentes de protéines fluorescentes à la fois. En revanche, les NanoporeTER ont été conçus pour transporter des « codes-barres » de protéines distincts composés de chaînes d’acides aminés qui, lorsqu’ils sont utilisés en combinaison, permettent au moins dix fois plus de possibilités de multiplexage. Ces protéines synthétiques sont sécrétées à l’extérieur d’une cellule dans l’environnement, où les chercheurs peuvent les collecter et les analyser à l’aide d’un réseau de nanopores disponible dans le commerce.
Les chercheurs ont conçu les protéines NanoporeTER avec des « queues » chargées afin qu’elles puissent être attirées dans les capteurs nanopore par un champ électrique. Ensuite, l’équipe utilise l’apprentissage automatique pour classer les signaux électriques de chaque code-barres NanoporeTER afin de déterminer les niveaux de sortie de chaque protéine.
Une méthode prometteuse aux multiples applications futures
« Il s’agit d’une interface fondamentalement nouvelle entre les cellules et les ordinateurs. Une analogie que j’aime faire est que les protéines fluorescentes rapporteuses sont comme des phares et que les NanoporeTER sont comme des messages dans une bouteille », explique l’auteur principal Jeff Nivala, professeur adjoint de recherche à l’UW Paul G. Allen School of Computer Science & Engineering.
« Les phares sont vraiment utiles pour communiquer un emplacement physique, car vous pouvez littéralement voir d’où vient le signal, mais il est difficile d’intégrer plus d’informations dans ce type de signal. Un message dans une bouteille, d’un autre côté, peut contenir beaucoup d’informations dans un très petit récipient, et vous pouvez en envoyer beaucoup à un autre endroit pour les lire. Vous pourriez perdre de vue l’emplacement physique précis où les messages ont été envoyés, mais pour de nombreuses applications, cela ne posera pas de problème ».
« Nous sommes particulièrement enthousiasmés par le potentiel de la protéomique unicellulaire, mais cela pourrait également changer la donne en termes de notre capacité à faire de la biodétection multiplexée pour diagnostiquer une maladie et même cibler des thérapies sur des zones spécifiques à l’intérieur du corps. Et le débogage de conceptions de circuits génétiques compliqués deviendrait beaucoup plus facile et beaucoup moins long si nous pouvions mesurer les performances de tous les composants en parallèle plutôt que par essais et erreurs ».