Des physiciens de l’université du Sussex, au Royaume-Uni, complexifient davantage notre compréhension de la physique des trous noirs (pourtant incomplète) en suggérant qu’ils posséderaient leur propre version exotique de la pression à leur bordure, appelée « pression quantique ».
Différente de celle que l’on trouve sur Terre et ailleurs dans l’Univers, son existence serait tout sauf attendue par les physiciens. Selon les chercheurs, les calculs de l’influence de la mécanique quantique sur la gravité à la périphérie des trous noirs indiquent que ces régions pourraient être soumises à cette pression quantique. Une découverte inattendue.
La question de l’interaction entre la mécanique quantique et la gravité est l’un des plus grands mystères de la physique moderne, et le bord d’un trou noir est l’une des rares régions où les conditions sont suffisamment extrêmes pour que les effets des deux phénomènes soient simultanément pertinents. Xavier Calmet et Folkert Kuipers, de l’université du Sussex, ont utilisé un cadre appelé théorie quantique des champs pour explorer ce qui se passe lorsque la mécanique quantique et la gravité se rencontrent aux abords d’un trou noir.
Pression quantique : nécessaire pour expliquer les fluctuations des particules
Ils ont calculé comment de minuscules fluctuations quantiques créeraient des effets non pris en compte par nos équations standard de la gravité. Ces calculs ont révélé une variable surprenante, qui semble suggérer que les fluctuations des particules quantiques au bord d’un trou noir devraient donner au trou noir une pression exotique, différente de celle que nous connaissons.
« C’était totalement inattendu », déclare Calmet. Lorsque les trous noirs ont fait l’objet des premières hypothèses, les physiciens pensaient qu’ils devaient être extrêmement simples. Les travaux ultérieurs du célèbre physicien Stephen Hawking et d’autres ont montré qu’ils émettent des particules dans un processus désormais connu sous le nom de rayonnement de Hawking, ce qui signifie qu’ils doivent avoir une température. « En soi, c’était une surprise. Maintenant, l’ajout de la pression signifie que les trous noirs sont encore plus compliqués », déclare Calmet.
Cependant, les chercheurs n’ont pas encore compris ce que cette pression pouvait signifier au sens physique du terme. Le concept habituel de pression implique que les molécules poussent contre un objet et rebondissent sur ce dernier, mais le bord (l’horizon des événements) d’un trou noir est presque vide. Il n’y a donc pas grand-chose contre quoi « pousser ».
« La source de la pression ici doit être à 100% des fluctuations purement quantiques », explique Stephen Hsu de l’université d’État du Michigan. Les fluctuations quantiques créent des particules virtuelles, qui pourraient, en théorie, être à l’origine de la pression. « Ce n’est pas le type de pression auquel nous sommes habitués », explique-t-il.
Comme un ballon qui fuit…
Si vous imaginez l’horizon des événements d’un trou noir comme un ballon, la pression ne vient pas de l’intérieur ou de l’extérieur pour rétrécir ou dilater le ballon, elle provient de l’intérieur même du matériau du ballon. « On peut imaginer l’horizon comme une surface assez particulière, et la pression va donc le pousser vers l’intérieur (si elle est négative) ou vers l’extérieur (si elle est positive), ce qui correspond respectivement à une réduction ou à une augmentation de la masse du trou noir », explique Roberto Casadio de l’université de Bologne, en Italie.
Les chercheurs ont constaté que la pression était négative, ce qui devrait correspondre à un rétrécissement du trou noir au fil du temps, comme un ballon qui fuit. Ce résultat est cohérent avec d’autres travaux qui suggèrent que les trous noirs perdent de la matière lorsqu’ils subissent le rayonnement de Hawking. Les deux phénomènes pourraient même être liés.
Il faudra sans doute de nombreux travaux supplémentaires pour comprendre d’où vient exactement cette pression et quelles en sont les conséquences pour notre compréhension des trous noirs, explique Hsu. Mais comme elle provient de fluctuations quantiques, le fait d’en apprendre davantage à son sujet pourrait constituer un pas en avant vers la compréhension de la gravité quantique.
« Toute nouvelle caractéristique que nous découvrons sur les trous noirs au niveau quantique peut nous donner des indications sur la manière de fusionner la relativité et la mécanique quantique, et sur les caractéristiques que doit avoir cette théorie sous-jacente », explique Calmet.