Un engin piloté par l’Homme pourra-t-il un jour dépasser la vitesse de la lumière, comme dans les films de science-fiction ? En théorie, un moteur à distorsion (ou warp drive), qui déforme l’espace-temps et modifie les lois de la physique, pourrait tout à fait propulser un vaisseau à de telles vitesses, lui permettant de parcourir une large partie du cosmos. La NASA a entrepris des recherches sur le sujet ; ces travaux reposent sur un homme, le Dr Harold G. « Sonny » White, qui a quitté l’agence en 2018. Il poursuit néanmoins ses recherches…
Le warp drive est évidemment un concept qui fait rêver bon nombre d’organismes et d’entreprises de l’aérospatial. Il était réservé au monde de la fiction jusqu’en 1994, lorsque le physicien mexicain Miguel Alcubierre propose « la métrique d’Alcubierre », un moyen théorique de transport supraluminique qui soit cohérent avec les équations d’Einstein.
White a été recruté par la NASA au milieu des années 2000 et a commencé à travailler sur le warp drive en 2009 ; il œuvre désormais pour une organisation à but non lucratif basée à Houston appelée Limitless Space Institute. Avec l’autorisation de la NASA, il a récupéré son équipement de laboratoire et poursuit désormais ses recherches. « J’ai un laboratoire ici rempli de tous mes goodies de la NASA », a-t-il déclaré au cours d’une entrevue exclusive accordée à The Debrief. Le physicien souligne que rien n’a jamais été breveté lorsqu’il travaillait au sein de l’agence spatiale américaine.
« C’est cool quand l’art nous motive »
Pendant ses années passées à la NASA, White a pu approfondir la théorie d’Alcubierre pour aboutir à une version encore plus aboutie du modèle original et se rapprocher toujours un peu plus du domaine du possible. Aujourd’hui, le principal modèle à suivre pour des déplacements plus rapides que la lumière est surnommé « l’Alcubierre/White Warp Drive ». Au fil des années, White a continué à affiner son concept de moteur à distorsion, en collaboration avec la NASA, la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) et Lockheed Martin.
Depuis 2018, il travaille au sein du Limitless Space Institute, qui regroupe des scientifiques et des ingénieurs motivés par l’objectif du voyage dans l’espace lointain. Dans une entrevue accordée à The Debrief, il se confie sur son passé et l’historique de ses travaux de recherches. Il raconte que depuis l’enfance, il a toujours été intéressé pas les sciences et l’ingénierie, en particulier du domaine de l’aérospatial ; il avait à cœur de comprendre comment ces technologies fonctionnaient.
Passionné de science-fiction, il s’est très vite interrogé sur la faisabilité des déplacements spatiaux évoqués dans les grandes sagas de l’époque, du type Star Wars et Star Trek — des films qui ont certainement inspiré les travaux d’Alcubierre également, précise-t-il. « C’est cool quand l’art, une belle vision exprimée à travers l’art, nous motive à essayer de comprendre comment faire pour rendre quelque chose comme cela possible », dit-il.
Titulaire d’un master en génie mécanique et d’un doctorat en physique, il entre chez Lockheed Martin en 2000, où il reste quatre ans avant de signer un contrat avec la NASA. Il publie un premier article sur le warp drive en 2003, dans la revue General Relativity and Gravitation, dans lequel il revient sur la métrique d’entraînement à distorsion proposée par Alcubierre — un article qui lui a permis de mieux s’approprier le sujet, selon lui.
Une base pour le premier vaisseau habité à propulsion électrique
C’est lorsqu’on lui a demandé de donner une conférence sur le warp drive, lors du DARPA 100 year Starship Symposium, en 2011, que ses recherches ont pris un nouvel élan. Pour présenter quelque chose de différent, il a entrepris une étude de sensibilité sur la métrique d’Alcubierre, en modifiant plusieurs paramètres, afin d’examiner la faisabilité du projet. Il est alors arrivé à la conclusion que si l’anneau toroïdal était plus épais, l’efficacité énergétique serait beaucoup plus grande, rendant le concept réalisable (en théorie).
Il est allé jusqu’à imaginer un vaisseau spatial de 10 mètres de diamètre, avec une vitesse effective équivalente à 10 fois celle de la lumière. Ces calculs d’optimisation ont permis de réduire la quantité d’énergie nécessaire (produite par une matière hypothétique) à environ « seulement » deux tonnes métriques. Soit une quantité bien plus envisageable que celle déduite de calculs antérieurs (qui avoisinait la masse de Jupiter !).
Au sein de la NASA, White a travaillé sur de nombreux projets liés à la propulsion avancée ; l’un d’eux consistait à élaborer un banc d’essai de propulsion électrique sur la Station spatiale internationale. Il était également question de concevoir des interfaces robotiques sur la station pour tester des propulseurs à effet Hall — un type de propulseur à plasma qui utilise un champ électrique pour accélérer des ions. Le projet n’a toutefois pas abouti, du fait de l’incertitude entourant la durée d’exploitation de l’ISS — dont la fin a régulièrement été repoussée ces dernières années.
Ces travaux ont néanmoins contribué à mettre au point le vaisseau Orion du programme Artemis. « Je pense que ce sera le premier vaisseau spatial opérationnel, ou vaisseau spatial à architecture humaine, doté d’une propulsion électrique. C’est une étape importante », souligne White. Si la propulsion électrique est déjà largement utilisée pour les corrections orbitales des satellites, ce sera en effet la première fois qu’elle sera utilisée pour des engins de missions habitées.
Les progrès réalisés ces dernières années par le Dr White dans la mise au point d’une nouvelle forme de propulsion n’ont pas été évoqués au cours de cette interview ; cependant, il ne s’agit a priori que de la première partie de cet entretien exclusif. Des révélations sont peut-être à venir… En attendant, le warp drive demeure à ce jour du domaine de la théorie, mais White n’en est pas moins excité à l’idée de poursuivre son travail à Limitless Space.