Le télescope spatial Hubble de la NASA a capturé en images, un véritable « jeu d’ombres » qui pourrait potentiellement provenir d’une planète.
Rechercher des planètes autour d’autres étoiles n’est pas une chose facile : elles sont si petites et faibles en lumière, qu’il est difficile de les repérer. Mais une potentielle planète dans un système stellaire voisin peut trahir sa présence d’une manière unique, par une ombre balayant la face d’un disque de gaz et de poussière entourant une jeune étoile.
La planète elle-même ne provoque pas l’ombre projetée, mais elle y contribue fortement en attirant avec sa gravité le matériau situé près de l’étoile, et déformant ainsi la partie interne du disque. Le disque intérieur est torsadé, mal aligné et l’ont peut voir cette ombre se projeter à la surface du disque externe.
Les images que vous pouvez découvrir ci-dessous, ont été prises par le télescope spatial Hubble et révèlent une ombre se déplaçant dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, autour d’un disque de gaz et de poussière qui entoure la jeune étoile TW Hydrae. Les deux images situées en haut, ont été prises par le Spectrographe d’imagerie du télescope spatial Hubble et montrent une luminosité irrégulière sur le disque. C’est grâce à un traitement d’image amélioré (les images du bas), que l’assombrissement devient encore plus évident.
En se basant sur les données d’archives du télescope spatial Hubble, les astronomes ont déterminé que l’ombre accomplit une rotation autour de l’étoile centrale, tous les 16 ans. Ils savent que cette caractéristique est une ombre, car la poussière et le gaz dans le disque ne tournent pas autour de l’étoile aussi rapidement. Ainsi, cette fonction (l’ombre) ne doit pas faire partie du disque physique. Les astronomes pensent que l’ombre peut être causée par l’effet gravitationnel d’une planète, invisible pour nous et orbitant près de l’étoile. Cette planète retirerait le matériau du disque principal, créant un disque interne déformé : le disque tordu bloque alors la lumière de l’étoile et jette une ombre sur la région externe du disque.
Une équipe d’astronomes, dirigée par John Debes, du Space Telescope Science Institute de Baltimore, au Maryland, affirme que ce scénario est l’explication la plus plausible concernant cette ombre qu’ils ont constatée dans le système stellaire de TW Hydrae, situé à 192 années-lumière de la Terre. L’étoile est âgée d’environ 8 millions d’années et est un peu moins massive que notre soleil. C’est en analysant 18 années d’observations archivées du télescope spatial Hubble de la NASA, que l’équipe de Debes a découvert ce phénomène d’ombre. « Il s’agit du premier disque où nous avons tant d’images, sur une si longue période de temps, ce qui nous permet de constater cet effet intéressant. Cela nous donne l’espoir que ce phénomène d’ombre peut être assez commun dans les jeunes systèmes stellaires », explique Debes.
Le premier élément que l’équipe de Debes a relevé quant au phénomène, était le changement de position de la luminosité au sein du disque. Les astronomes ont utilisé le Spectrographe d’imagerie du télescope spatial (STIS) de Hubble, et ont premièrement remarqué une asymétrie de luminosité en 2005 déjà. Mais à l’époque, ils n’avaient qu’un seul ensemble d’observations et ne pouvaient pas tirer une conclusion définitive sur la nature de cette ombre. C’est en continuant à effectuer des recherches dans les archives, que l’équipe de Debes a finalement rassemblé six images, provenant de plusieurs époques différentes.
Il faut savoir que le STIS est équipé d’un coronographe (qui reproduit le phénomène céleste des éclipses totales et permet d’effacer la partie centrale de l’étoile. Ainsi, seule la couronne de l’étoile observée apparaît, car elle n’est plus « noyée » par la lumière du disque stellaire), ce qui permet donc à Hubble d’observer l’étoile avec précision. Au fil du temps, l’ombre a semblé se déplacer dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour du disque, et en 2016, elle était dans la même position que sur les images prises en 2000.
C’est cette période de 16 ans qui a rendu Debes perplexe : au début, ce dernier pensait que l’ombre faisait partie du disque. Mais, sous les lois de la gravité, les disques tournent à des vitesses très lentes, les parties les plus externes du disque de TW Hydrae, prendraient plusieurs siècles pour compléter une rotation entière. « Le fait que j’ai vu la même ombre m’a indiqué que j’observais quelque chose ayant été projeté sur le disque externe, plutôt qu’un phénomène qui se passerait directement au sein du disque lui-même. La meilleure explication est que cette ombre se déplace à travers la surface de ce dernier », a déclaré Debes.
L’équipe d’astronomes a donc conclu que ce qui créait l’ombre devait se situer quelque part dans l’immensité du disque, si près de l’étoile, que l’élément en question (potentiellement une planète), ne pourrait pas être imagé par Hubble ou tout autre télescope actuel. En fait, la manière la plus probable de créer une telle ombre, serait que le disque interne soit incliné par rapport au disque externe. Mais qu’est-ce qui peut bien provoquer une telle déformation des disques ? « Le scénario le plus plausible est l’influence gravitationnelle d’une planète invisible, qui tire du matériel hors du plan du disque externe en tordant celui interne. Le disque mal aligné doit se situer à l’intérieur de l’orbite de la planète », explique Debes.
Étant donné cette période relativement courte de 16 ans, les astronomes estiment que la planète se situe à environ 150 millions de kilomètres de l’étoile (aussi proche que la Terre du Soleil) et qu’elle ferait à peu près la taille de Jupiter (afin qu’elle puisse posséder une gravité suffisante pour tirer le matériel hors du plan du disque principal).
De plus, cette nouvelle étude propose un moyen unique de rechercher et découvrir des planètes, qui se cachent dans les parties internes des disques, et permet également d’analyser ce qui se passe très près de certaines étoiles, en ciblant des éléments qui ne sont pas accessibles en imagerie directe avec la technologie des télescopes actuels. « Ce qui est surprenant, c’est que nous pouvons apprendre quelque chose sur une partie invisible des disques, en étudiant les régions externes et en mesurant le mouvement, l’emplacement et le comportement d’une ombre ! Cette étude nous montre que même ces grands disques, dont les régions intérieures sont inobservables, sont dynamiques, ou changent de façon détectable, ce que nous n’avions pas imaginé auparavant », s’est exclamé Debes.