Vendredi 1er octobre, à 23h44 UTC, le vaisseau a effectué le premier des six survols prévus. Alors qu’il se trouvait à environ 1000 kilomètres de la surface de Mercure, le vaisseau a pu capturer une photo en noir et blanc à basse résolution d’une partie de l’hémisphère nord grâce à l’une de ses caméras de surveillance, avant de reprendre de l’altitude. On y distingue clairement l’aspect grêlé de la surface planétaire, avec plusieurs cratères d’impact, dont le cratère Lermontov, de plus de 150 kilomètres de diamètre. Jusqu’ci, jamais une sonde n’a survolé la planète d’aussi près — à 200 kilomètres de la surface au point le plus rapproché.
BepiColombo est une mission conjointe de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale (JAXA), exécutée sous la direction de l’ESA. Lancée le 20 octobre 2018, cette mission d’une durée de sept ans vise à explorer la plus petite et la moins connue des planètes de notre système solaire. Elle doit étudier tous les aspects de cette mystérieuse planète, son noyau, les processus de surface, son champ magnétique et son exosphère.
Les informations recueillies par BepiColombo éclaireront non seulement la composition et l’histoire de Mercure, mais aussi l’histoire et la formation des planètes intérieures en général, y compris la Terre, peut-on lire sur la page officielle de la mission. Pour ce faire, la mission embarque deux engins : le Mercury Planetary Orbiter (MPO) et le Mercury Magnetospheric Orbiter (Mio), qui seront mis en orbite en 2025. Il s’agit d’une mission particulièrement difficile, car la proximité de Mercure avec le Soleil rend évidemment l’environnement très hostile pour tout vaisseau spatial qui s’en approche (les températures oscillent entre −170°C la nuit et aux pôles, et plus de 400°C).
Une planète particulièrement difficile à explorer
Mercure est une planète qui a été très peu explorée. Jusqu’à présent, seuls deux vaisseaux spatiaux s’en sont approchés : la sonde Mariner 10 de la NASA, qui l’a survolée trois fois en 1974-1975 et qui a fourni les toutes premières images rapprochées de la planète ; puis la sonde MESSENGER de la NASA, qui a effectué trois survols de la planète (en 2008 et 2009), puis est restée sur son orbite entre mars 2011 et avril 2015, avant de s’écraser à sa surface après avoir épuisé ses ergols. Cependant, jamais une sonde n’a été aussi proche de la planète.
Une mission vers Mercure implique des difficultés techniques majeures. Outre les températures très élevées liées à la proximité du Soleil, qui se trouve à un peu moins de 60 millions de kilomètres — qui impliquent l’utilisation de dispositifs tels que des boucliers thermiques — le vaisseau doit parvenir à réduire sa vitesse. En effet, contrairement aux missions ciblant le système solaire externe qui requièrent une forte accélération, l’engin doit ici compenser l’attraction gravitationnelle du Soleil, qui augmente à mesure qu’il s’en approche.
Pour ce faire, le vaisseau est équipé d’un moteur à propulsion ionique et suit une trajectoire complexe d’une durée d’un peu plus de sept ans, durant laquelle il survolera la planète six fois (afin de bénéficier de son assistance gravitationnelle) avant d’atteindre l’orbite opérationnelle. Depuis son lancement, l’engin a déjà survolé une fois la Terre et deux fois Vénus. Ainsi, ce n’est qu’en 2025 que les deux sondes orbitales seront libérées : le MPO étudiera la surface et la composition interne de Mercure, tandis que Mio étudiera sa magnétosphère.
Cette nouvelle mission — du nom du scientifique italien Giuseppe « Bepi » Colombo (1920-1984), qui a contribué au développement de la manœuvre d’assistance gravitationnelle que la sonde Mariner 10 a utilisée pour la première fois en 1974 — devrait permettre de collecter encore plus d’informations pour améliorer notre compréhension de la planète elle-même, ainsi que la formation de notre système solaire.
Un champ magnétique d’origine mystérieuse
Ce premier survol s’est a priori déroulé comme prévu. « Le survol a été impeccable du point de vue du vaisseau spatial, et c’est incroyable de voir enfin notre planète cible », a déclaré Elsa Montagnon, responsable des opérations du vaisseau spatial pour la mission. Le second survol de la planète est prévu pour le 23 juin 2022.
Si Mercure intéresse tant les scientifiques, c’est parce qu’il s’agit de la seule planète rocheuse — en dehors de la Terre — en orbite autour du Soleil à posséder un champ magnétique. Les champs magnétiques sont générés par un noyau liquide, mais étant donné sa taille, le noyau de Mercure devrait être devenu froid et solide, comme cela a été observé pour Mars.
Selon les experts, cette anomalie pourrait être due à une caractéristique particulière de la composition du noyau. Une autre théorie est que Mercure peut avoir été un corps plus grand par le passé, qui a ensuite été dépouillé de la majeure partie de sa roche par un impact géant. Il en serait resté un noyau de fer relativement gros, générant un champ magnétique, entouré d’une fine enveloppe extérieure rocheuse. Les instruments de BepiColombo permettront de mieux comprendre l’origine et l’évolution de cette planète proche de son étoile mère.
Le MPO transporte une charge utile sophistiquée de 11 instruments, comprenant des caméras, des spectromètres (IR, UV, rayons X, rayons γ, neutrons), un radiomètre, un altimètre laser, un magnétomètre, des analyseurs de particules, un transpondeur en bande Ka et un accéléromètre. L’orbiteur magnétosphérique embarque, quant à lui, cinq appareils de pointe, dont un magnétomètre, un spectromètre ionique, un analyseur d’énergie électronique, des détecteurs de plasma froid et énergétique, un analyseur d’ondes plasma et un imageur. Les deux sondes devraient être opérationnelles pendant au moins un an.
L’animation ci-dessous illustre le voyage de BepiColombo :