L’Organisation mondiale de la santé évoque « un vaccin antipaludique révolutionnaire ». Après des essais cliniques jugés convaincants en 2015, le vaccin RTS,S/AS01, développé par les laboratoires GlaxoSmithKline en partenariat avec l’organisation PATH, a fait l’objet d’un test en conditions réelles dans des zones à forte transmission — à savoir le Ghana, le Kenya et le Malawi. Plus de 2,3 millions de doses ont été administrées ; le vaccin présente un profil d’innocuité favorable et a permis de réduire de 30% le nombre de cas mortels de paludisme.
Le paludisme, également appelé malaria, est une maladie infectieuse due à un parasite du genre Plsamodium, qui se transmet à l’Homme par la piqûre d’un moustique infecté du genre Anopheles. La maladie sévit principalement en Afrique subsaharienne. Si elle n’est pas rapidement traitée, elle peut conduire à une affection sévère, souvent mortelle. Selon l’OMS, on recensait 229 millions de cas de paludisme dans le monde en 2019 ; plus de 260 000 enfants âgés de moins de cinq ans en meurent chaque année.
La maladie est l’une des principales causes de maladie et de décès infantiles en Afrique subsaharienne. Ce vaccin recommandé aujourd’hui pour une utilisation généralisée marque donc un tournant dans la lutte contre le paludisme. « C’est un moment historique. L’utilisation de ce vaccin en plus des outils existants pour prévenir le paludisme pourrait sauver des dizaines de milliers de jeunes vies chaque année », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS.
Une réduction de 30% des cas mortels de paludisme
Si la plupart des cas de paludisme sont concentrés en Afrique subsaharienne, près de la moitié de la population mondiale est exposée au risque de contracter la maladie ; des cas surviennent également en Asie du Sud-est, en Méditerranée orientale et même sur le continent américain. Les nourrissons et les jeunes enfants, de même que les femmes enceintes et les personnes porteuses du VIH font partie des populations les plus vulnérables face à la maladie.
Il existe cinq espèces de parasites responsables du paludisme chez l’Homme ; les espèces P. falciparum et P. vivax sont les plus dangereuses — P. falciparum est à l’origine de la quasi-totalité des cas de paludisme de la région africaine, c’est le plus meurtrier au niveau mondial.
Le vaccin RTS,S/AS01, ou Mosquirix, est le fruit de trente ans de recherche. C’est le premier vaccin à afficher des résultats satisfaisants lors d’essais cliniques à grande échelle. Formulé pour agir contre P. falciparum, il doit être administré selon un calendrier de 4 doses chez les enfants à partir de 5 mois. L’essai contrôlé randomisé de phase 3, a impliqué plus de 8900 enfants et 6500 nourrissons, qui ont été suivis sur une période de trois à quatre ans.
Les résultats de ces essais suggèrent que le vaccin a une efficacité relativement limitée, prévenant environ 39% des cas de paludisme et 29% des cas de paludisme grave chez les jeunes enfants. Cependant, une récente étude menée par la London School of Hygiene & Tropical Medicine a révélé que l’utilisation combinée de ce vaccin et des médicaments antipaludiques chez les jeunes enfants, permettait de réduire de 70% les cas de paludisme et les décès dus à la maladie.
Suite à ces résultats encourageants, l’OMS a proposé une introduction progressive du vaccin dans les zones les plus touchées par la maladie. Cette campagne de vaccination pilote a été initiée en 2019, au Ghana, au Kenya et au Malawi. Depuis, plus de 800 000 enfants de ces pays ont été vaccinés. Le vaccin s’est avéré sûr et a entraîné une réduction de 30% des cas mortels de paludisme, y compris dans les zones où les moustiquaires imprégnées d’insecticide sont largement utilisées et où il y a un bon accès au traitement, précise l’OMS.
Bientôt un second vaccin efficace à 77% ?
La Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme 2016-2030, adoptée par l’Assemblée mondiale de la Santé en mai 2015, s’est fixé pour objectif de réduire d’au moins 90% l’incidence du paludisme et le taux de mortalité liée à la maladie d’ici 2030. Il est également question d’éliminer définitivement cette maladie dans au moins 35 pays, sur la même période.
Jusqu’à présent, la lutte antivectorielle était le principal moyen de prévenir et de réduire la transmission du paludisme. Ainsi, dans les régions du monde les plus touchées, la propagation de la maladie est principalement contrôlée en aspergeant l’intérieur des habitations d’insecticide à effet rémanent une ou deux fois par an, ou via l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide pendant la nuit. Mais seule une fraction de la population exposée au risque bénéficie actuellement de ces approches préventives. Sans compter que cette stratégie est menacée par l’émergence d’une résistance des Anopheles aux insecticides.
Il était donc urgent de développer de nouveaux outils pour lutter contre la maladie. « La recommandation d’aujourd’hui offre une lueur d’espoir pour le continent qui supporte le plus lourd fardeau de la maladie et nous nous attendons à ce que beaucoup plus d’enfants africains soient protégés du paludisme et deviennent des adultes en bonne santé », se réjouit le Dr Matshidiso Moeti, directeur régional de l’OMS pour l’Afrique. Selon The Guardian, GSK a déclaré qu’il s’était engagé à fournir jusqu’à 15 millions de doses par an à un maximum de 5% au-dessus du coût de production.
À savoir que d’autres candidats vaccins contre le paludisme sont actuellement testés. L’un d’entre eux, développé par des chercheurs de l’Université d’Oxford, a montré une efficacité de 77% dans les premiers essais cliniques, menés auprès de 450 enfants au Burkina Faso ; c’est le seul vaccin antipaludique à dépasser l’objectif de l’OMS, fixé à 75% d’efficacité d’ici 2030. Des essais à plus grande échelle, impliquant 4800 enfants, sont en cours dans quatre pays.