La 15e avenue du quartier de Richmond, à San Francisco, est a priori une rue comme les autres, si ce n’est qu’il s’agit d’une voie sans issue. Habituellement très calme, elle est récemment devenue le point de rassemblement de voitures autonomes conçues par Waymo — la filiale de Google qui opère dans le secteur de la conduite autonome. Cela fait des semaines que plusieurs véhicules de la société sont attirés dans cette impasse, pour une raison qui reste à déterminer.
Une fois qu’elles parviennent à cette destination, les voitures demeurent bloquées et une intervention humaine est nécessaire pour leur faire faire demi-tour. Ce dysfonctionnement n’est pas dangereux (tant pour les conducteurs que les autres usagers de la route), mais ce ballet incessant de véhicules commence à agacer les résidents, dont la plupart travaillent à domicile. « Il y a des jours où cela peut aller jusqu’à 50. C’est littéralement [un véhicule] toutes les cinq minutes », relate Jennifer King, qui habite dans la rue.
Interrogée par les médias sur cet étrange phénomène, la société Waymo n’a fourni aucune explication. Un porte-parole aurait demandé davantage de détails sur la situation, notamment la localisation exacte de cette impasse, mais l’entreprise n’a semble-t-il pas encore déterminé l’origine du problème. Les conducteurs des véhicules n’ont pas été beaucoup plus bavards : « Nous avons parlé aux pilotes, qui n’ont pas grand-chose à dire à part que la voiture est programmée et qu’ils font juste leur travail », a déclaré King à la chaîne KPIX.
Une « rue lente » qui déstabilise le pilote automatique
Selon les habitants, le phénomène — probablement dû à une erreur algorithmique — dure depuis six à huit semaines. Il ne serait cependant pas associé au service de transport de passagers (Waymo One) que Waymo propose déjà dans cette ville depuis le mois d’août. Au cours de la journée de mardi, à plusieurs moments, ces voitures autonomes pourtant à la pointe de la technologie se sont présentées les unes après les autres (parfois deux ou trois à la fois), apparaissant complètement décontenancées par la présence de l’impasse.
Outre la nuisance sonore occasionnée par ces va-et-vient, les habitants commencent à trouver cela vraiment étrange, d’autant plus étrange que la situation concerne une rue dont la configuration et la limitation de vitesse ont été établies de manière à limiter le trafic dans ce quartier résidentiel — dans lequel il n’y a pas grand-chose à voir ni à faire si l’on n’y habite pas.
Dans une déclaration envoyée par courriel, un porte-parole de Waymo a finalement déclaré : « Nous nous adaptons continuellement aux règles de circulation dynamiques de San Francisco. Dans ce cas, les voitures voyageant au nord de California Street, sur la 15e avenue, doivent faire demi-tour en raison de la présence de la signalisation « Slow Streets » sur Lake Street. Ainsi, le conducteur de Waymo obéissait aux mêmes règles de circulation que toute voiture est tenue de suivre ». En d’autres termes, selon l’entreprise, le comportement des véhicules serait tout à fait normal.
La situation est pour le moment plus gênante que dangereuse, mais souligne surtout qu’il reste du chemin à parcourir avant l’utilisation généralisée de véhicules autonomes, aux États-Unis comme ailleurs. À noter que pour ses tests menés actuellement à San Francisco, Waymo utilise toujours des pilotes humains de sécurité ; on peut d’ailleurs observer dans le reportage de KPIX que les conducteurs prennent le volant à quelques reprises pour négocier certains virages.
Un contrôle humain encore aujourd’hui indispensable
Le problème n’est pas sans rappeler un événement récent, survenu à Phoenix au mois de mai, lors duquel un véhicule Waymo sans pilote s’est retrouvé coincé à une intersection, puis a tenté de « s’enfuir » lorsqu’une équipe d’intervention est arrivée sur les lieux pour le dégager. Comme on le voit dans la vidéo de l’incident, la voiture s’est éloignée de l’équipe d’assistance, puis s’est arrêtée un peu plus loin, bloquant complètement une route à trois voies. Il s’avère que ce dysfonctionnement était dû en réalité à la présence de cônes de chantier disposés sur la chaussée ; une situation inhabituelle que le véhicule n’a pas su gérer.
L’embouteillage inopiné observé à San Francisco, relayé par le compte Twitter Teslarati, a apparemment beaucoup amusé Elon Musk. Une réaction peut-être un peu déplacée de la part du PDG de Tesla, qui fait actuellement l’objet d’une enquête de la National Highway Traffic Safety Administration pour avoir causé une douzaine d’incidents impliquant des véhicules d’urgence. Le logiciel de pilote automatique de l’entreprise semble avoir des difficultés à repérer ces véhicules lorsqu’ils sont stationnés sur la chaussée.
L’enquête de la NHTSA concerne les véhicules Tesla modèles Y, X, S et 3 sortis de 2014 à 2021. L’agence fédérale a déclaré avoir enregistré 11 incidents (causant 17 blessés et un décès) depuis 2018, dans lesquels des véhicules Tesla utilisant le pilote automatique ont embouti des véhicules d’urgence à l’arrêt. Un porte-parole de l’agence a souligné que le public doit être conscient qu’aucune voiture disponible dans le commerce n’est aujourd’hui capable de conduire en toute autonomie et que ces véhicules nécessitent toujours un contrôle humain, à tout moment.